L’HOMME SANS ARGENT (MARK BOYLE)
Le résumé du livre
Après avoir travaillé pendant dix ans dans les affaires, puis pendant six autres années dans l’alimentation biologique, l’Irlandais Mark Boyle voulut aller encore plus loin dans sa démarche de rejet du système économique dominant. S’inspirant de Gandhi, il souhaita être le changement qu’il voulait voir dans le monde. Et quoi de plus radical que de vouloir vivre sans dépenser un centime pendant un an de sa vie ? Mais comment y parvenir concrètement ? Est-ce même possible dans un monde où tout dépend de l’argent ? Où quasiment rien n’est gratuit, même pas l’eau… Et où habiter ? Que manger ? Comment se chauffer, se laver, se déplacer ? Comment avoir une vie amoureuse, des amis et garder le contact avec sa famille quand il faut prendre le ferry pour aller fêter Noël en famille en Irlande ? Comment s’y prendre quand, dès le premier jour, votre vélo a besoin d’une réparation ? On n’est pas très loin de la gageure, du pari fou, de la mission impossible…
Ma critique
« L’homme sans argent » est le témoignage honnête et teinté d’un bon brin d’humour d’un homme passionné de décroissance qui souhaite mieux respecter la nature, réduire son impact sur l’environnement et ralentir le réchauffement climatique anthropique. Il tente une expérience qu’il médiatise au maximum. Il ne compte plus les interviews, les conférences et les interventions sur les réseaux. Pour cela, il doit garder ordinateur et téléphone portable. Le but n’est pas de vivre à 100% sans argent et en absolue autonomie. Il lui faut une caravane (donnée) placée sur un terrain prêté gratuitement par un paysan pour lequel il travaille comme woofer (sans salaire, mais avec des dons de céréales). Il doit aussi faire les poubelles des supermarchés pour récupérer le reste de sa nourriture, rouler en vélo, disposer de panneaux solaires (donnés) et d’un poêle-dragon (rocket stove fabriqué par un ami) et donc de disposer de tout un réseau de gens prêts à aider, à troquer, à donner. Boyle considère qu’il promeut ainsi une économie du don, du partage, de la bienveillance. Il reconnaît lui-même qu’un homme seul et sans tous ces appuis ne peut pas y arriver. Donc une bien jolie expérience qui montre surtout qu’elle est possible dans un monde d’abondance et de gaspillage, mais guère généralisable à très grande échelle. Très sympathique, très intéressant et très agréable à lire, mais un peu du même registre que les témoignages de gens qui disent avoir vécu un an sans ceci ou cela. Ça donne aussi à réfléchir sur notre consommation et notre rapport à l’argent.
Ma note
4,5/5
LE MASSACRE DES INNOCENTS (BERNARD CLAVEL)
Le résumé du livre
De tout temps, les guerres ont apporté leur lot de mort, de souffrance et de destruction un peu partout sur notre planète. Si les hommes qui se battent y trouvent la mort ou la blessure, les enfants qui n’y sont pour rien, ne sont pas épargnés. Ils en pâtissent autant sinon plus. Un homme de cœur et de caractère, Edmond Kaiser, a voulu prendre ce problème à bras le corps. En 1962, il fait appel à Paul Veillon pour lui proposer de sauver un premier groupe d’orphelins abandonnés dans un camp de regroupement en Algérie. Ils seront soignés en Suisse, non loin de Lausanne, avant d’être proposés à l’adoption. Ainsi naquit l’association « Terre des Hommes ». Après les fillettes algériennes rejetées comme « enfants du péché », ce sera le tour des enfants vietnamiens brûlés au napalm en 1965, puis celui de ceux du Biafra victimes de la famine organisée, puis ceux du Bangladesh, de la Palestine, du Liban, du Cambodge martyrisé par les Khmers rouges et tant d’autres. Ce livre est le fruit de la rencontre de l’auteur avec le fondateur qui avait lui-même perdu un enfant, noyé par accident. S’il voulait « en sauver mille, c’était mille fois un, mille fois le sien », explique Clavel qui met ainsi sa plume au service d’une très belle cause.
Ma critique
« Le massacre des innocents » n’est ni un témoignage, ni un reportage, ni un récit, mais un peu de tout cela. À la demande expresse du fondateur, l’auteur ne peut même pas divulguer son nom, sans doute par modestie, ni raconter vraiment toute la saga de l’association. Son plaidoyer, son appel au secours en faveur de ces enfants martyrs, est présenté sous la forme d’un échange de courrier entre Kaiser et lui, le premier arpentant le terrain, dénichant les diverses horreurs des guerres, le second tentant de relayer cette action par sa plume alerte. Mais parfois les mots sont faibles aussi bien à faire partager la grandeur d’âme des médecins qui soignent bénévolement ces malheureux ou celle des parents adoptant qui redonnent le sourire et l’envie de vivre à des enfants récupérés aux portes de la mort que pour montrer certaines souffrances comme celles des brûlés au napalm américain, des lépreux rejetés de partout, ou celles de ce petit Africain pendu par les mains à un arbre qu’il fallut amputer à cause de la gangrène. L’ouvrage se termine par une compilation de courriers d’enfants ou de parents, appelant au secours ou remerciant « Terre des hommes ». Un véritable cri du cœur qui ne laissera personne insensible.
Ma note
4/5
LE MONDE COMME IL ME PARLE (OLIVIER DE KERSAUSON)
Le résumé du livre
Equipier puis second d’Eric Tabarly sur plusieurs de ses Pen-Duick dans les années 60/70, Olivier de Kersauson est devenu ensuite capitaine sur ses propres bateaux, les ketchs Kriter II puis Kriter IV (1978) avec lequel il participe à sa première Course du rhum en solitaire. Il enchainera ensuite les courses au large, les tours du monde en solitaire et les records jusqu’en 2007/2008. Il arrête la course en mer alors qu’il est âgé de 64 ans. Il reconnaît humblement que de toutes ces années, ce qu’il a appris peut tenir sur une seule feuille de papier (et encore sur le seul recto). Après avoir été un temps chroniqueur ou plutôt participant à la télévision, il se reconvertit dans la littérature. Dans ce livre, il nous livre ses idées sur le monde, la vie, son rapport à la mer et aux autres.
Ma critique
« Le monde comme il me parle » est un compilation de diverses idées ou considérations personnelles à l’auteur. Il reconnaît aimer la solitude, toujours chercher à ne pas communiquer avec autrui de peur de donner des verges pour se faire battre. Il préfère l’agir au parler, se complait dans la solitude et se plait à séjourner dans le Pacifique, du côté de Tahiti plutôt que de celui de Limoges ou de Romorantin. L’ouvrage est court (150 pages), facile à lire, mais ne va pas très loin dans les confidences. Kersauson reste pudique et passionné. Il se déclare à la fois solitaire silencieux et janséniste « déconneur ». Un personnage sympathique bien qu’un tantinet égotiste qui nous propose « une formidable ode à la mer et à la vie » dixit la quatrième de couverture. Nous y mettrons juste un petit bémol : la « philosophie » de Kersauson est quand même assez proche des brèves de comptoir… À lire quand même pour quelques petits éclairs de sagsse ou perles de lucidité, semés ici ou là.
Ma note
4/5
AUTOPORTRAIT AU RADIATEUR (CHRISTIAN BOBIN)
Le résumé du livre
Christian Bobin nous dit qu’il aime les fleurs, les enfants et les femmes. Les hommes lui sont indifférents. Il ne les remarque même pas. Mille petites choses font son bonheur du jour. Il s’émerveille d’une belle lumière, de l’odeur du foin coupé, de la beauté d’un pétale de tulipe tombé sur un guéridon ou du vol d’une libellule. Ce qui le remet au monde ? Deux verres d’entre-deux-mers, la fumée d’une ou deux cigarettes et une page d’un poète suédois, une seule, pas deux. Il vit seul, lit beaucoup et écoute du Mozart dont les œuvres lui évoquent toutes sortes de choses dont le chuchotement des rivières ou le balbutiement des nouveaux-nés…
Ma critique
« Autoportrait au radiateur », en dépit de son titre, n’est pas vraiment un livre d’autofiction. Pas un roman non plus. Le lecteur cherchera en vain une intrigue construite, une histoire rondement menée ou des personnages hauts en couleurs. Il ne parle que de lui-même et de rares proches, et encore sans en dire grand-chose. Et ce n’est pas non plus un véritable journal bien qu’il en respecte la forme apparente en commençant son texte début avril 96 pour l’achever fin mars 97. Ce texte aurait pu être le récit d’une année de vie d’un écrivain ordinaire, mais ce n’est pas vraiment le cas. Le lecteur en apprend très peu sur le narrateur hormis sa solitude, son détachement d’à peu près tout, ses difficultés devant la page blanche et sa tristesse de la perte d’une « amie de cœur ». La force et le charme de cet ouvrage reposent sur un style minimaliste assez inimitable, basé sur la technique du « fragment », de la bribe, du détail en apparence insignifiant. La spiritualité, qu’il différencie soigneusement de la religiosité, tout comme une certaine forme de philosophie restent importantes. Avec Bobin, qui en appelle à plusieurs reprises à Thérèse d’Avila, nous ne sommes pas dans le pari de Pascal, mais dans la simple et belle évidence de Dieu. Une prose unique, poétique et aérienne qui mérite le détour, même si ce charmant ouvrage n’atteint pas les sommets de son chef-d’œuvre, « Le Très-Bas ».
Ma note
4,5/5
UNE FEMME A BERLIN (ANONYME)
Le résumé du livre
Dans les derniers jours de la seconde guerre mondiale, une jeune Berlinoise d’une trentaine d’année, ancienne employée d’une maison d’édition, subit bombardements sur bombardements, cachée dans une cave sous son immeuble en compagnie de compatriotes aussi terrorisés qu’elle-même. Ce sont les ultimes combats. Hitler s’est suicidé dans son bunker. L’armée rouge s’est emparée de la ville. La jeune femme passe son temps entre cet abri et l’appartement d’une veuve qui l’a recueillie, vu que le sien, au dernier étage, a le toit percé et les carreaux brisés. Il n’y a plus grand- chose à manger et ni eau, ni gaz, ni électricité dans les appartements. Il faut aller chercher de l’eau à une pompe, dans une cour, trimballer les seaux et faire d’interminables queues devant les dernières boutiques pour quelques pauvres denrées comme du gruau d’orge, des pois, des flocons d’avoine ou de la margarine. Les Berlinois manquent de tout. Ils survivent misérablement, dans la peur, le froid, la saleté et la faim. La mort rôde partout. La ville n’est plus qu’un champ de ruines. On enterre les cadavres n’importe où et n’importe comment. Et tout s’aggrave encore avec l’arrivée effective des soldats russes qui veulent boire le maximum de schnaps, se livrer au pillage et abuser sexuellement de toutes les femmes allemandes qu’ils peuvent trouver. La malheureuse sera extraite de la cave où elle avait trouvé refuge. Personne ne lui viendra en aide. La porte blindée se refermera derrière elle. Et trois Russes la violeront dans l’escalier d’accès…
Ma critique
« Une femme à Berlin » est un témoignage glaçant, basé sur un journal intime rédigé entre le 20 avril et le 22 juin 1945. Son auteure a tenu à rester anonyme et il n’a été publié qu’après son décès.. Son récit très bien écrit et particulièrement émouvant garde une certaine distance vis-à-vis de toutes les horreurs qu’elle raconte. Malgré tout ce qu’elle doit subir, elle garde une grande dignité. Elle note tout sans doute pour exorciser le mal. C’est une sorte de thérapie qui va l’empêcher de sombrer dans la folie et l’empêcher d’en arriver au suicide comme ce fut le cas de nombre de ses consœurs. Le livre ne contient pas la moindre trace de haine. Même ses pires agresseurs sont présentés pour ce qu’ils sont, de pauvres moujiks bruts de décoffrage, éloignés de leurs familles depuis des mois. Etant la seule personne de l’immeuble à parler un peu de russe, elle servira d’interprète et de fusible et sauvera même la vie d’une autre femme. Elle saura aussi finir par « choisir » ses « partenaires » en accueillant des gradés un peu plus humains pour se prémunir de la soldatesque éméchée. Le lecteur découvrira avec surprise beaucoup de choses étonnante sur cette période dramatique assez courte (environ deux mois) et en particulier la vitesse avec laquelle les Berlinois ont commencé à remonter la pente grâce à un travail acharné de déblayage et de remise en état des principaux services. Un document exceptionnel. Du vécu, et sans pathos…
Ma note
4,5/5
20 INITIATIVES QUI FONT BOUGER LA FRANCE (J.L. ETIENNE & G. VANDERPOOTEN)
Le résumé du livre
Avez-vous déjà entendu parler de M2i Life Sciences, d’Acta Vista, de Divertimento, de Hemarina, de Qwant, de Rasodee-Mines Albi, du Micro des Ailes, des Espérances Banlieues, de Jolokia, de Simon de Cyrène ou des Reporters d’Espoirs ? Pas forcément. Pourtant, ce sont des initiatives innovantes, des projets originaux qui, à partir de rien ou de peu de choses, créent des richesses, des emplois ou de la solidarité, permettent d’ouvrir des voies nouvelles, de bâtir l’avenir et donc de faire bouger une France qui ne manque pas d’idées pour sortir du marasme, de la désindustrialisation, du chômage de masse et de la pauvreté. De nombreux domaines sont abordés : le « Made in France » avec SEB, Armor et les Jeans 1083, la transition écologique, le patrimoine culturel, la haute technologie avec un moteur de recherche français, un ver marin qui peut sauver des vies et des déchets dangereux enfin valorisés, sans oublier la démocratie active, la citoyenneté et la solidarité avec le collectif des SDF de Lille entre autres…
Ma critique
« Vingt initiatives qui font bouger la France » est un ouvrage d’enquête journalistique assez court et assez agréable à lire. Chaque domaine est introduit par un petit texte du docteur Jean-Louis Etienne, célèbre explorateur des pôles, qui sert un peu de fil rouge pour toutes les initiatives. Celles-ci sont présentées de façon un peu succincte en quelques pages se terminant toutes sur une adresse internet qui devrait permettre aux plus curieux de continuer à s’informer plus complètement sur le sujet. Certaines initiatives sont plus intéressantes ou inspirantes que d’autres. On découvrira par exemple l’adaptation que lança la firme SEB pour en finir avec l’obsolescence programmée. Enfin des appareils ménagers réparables facilement, ce qui nécessite la formation de personnels qualifiés, la mise à disposition d’un stock de pièces détachées, et la transformation de tout le processus de fabrication (qualité des composants et accessibilité pour d’éventuelles réparations). L’histoire de la redynamisation du petit village de Faux-la-Montagne est assez touchante et mérite à elle seule le détour. À lire pour sortir de la morosité et du pessimisme. Oui, on peut encore créer, innover et même faire des découvertes dans notre beau pays !
Ma note
4/5
MARCHE AU DÉSERT (ANTOINE DE SUREMAIN)
Le résumé du livre
Réalisateur d’une émission de découverte de la France à destination des enfants et aventurier bien connu des réseaux sociaux, Antoine de Suremain décide en octobre 2022 de se lancer un nouveau défi : parcourir à pied le chemin de Saint Guilhem, soit 240 km d’itinérance entre Aumont-Aubrac et Saint Guilhem-le-désert, en 9 étapes et en se nourrissant uniquement avec ce que peut lui offrir la nature. Il veut tenter en quelque sorte une expérience de retour à l’état de chasseur-cueilleur du paléolithique, mais sans la chasse. Il emmène juste un peu d’huile de sel et de vinaigre, histoire de compenser les pertes de sels minéraux causées par la transpiration et d’améliorer un peu son ordinaire de pissenlits, d’orties, de champignons et de châtaignes…
Ma critique
« Marche au désert » est un récit d’expédition très agréable et très rapide à lire. Ce carnet de bord de randonnée survivaliste ne comporte qu’environ 150 pages, toutes bien revigorantes. Il est complété par plusieurs annexes sur les coulisses du chemin, une sorte de « making of », expliquant les tenants et aboutissants de cette aventure, et donnant conseils et références pour ceux qui voudraient suivre l’exemple d’Antoine. L’ouvrage se termine par les interventions assez intéressantes également de trois autres marcheurs, Henri d’Anselme, randonneur des cathédrales et héros « au sac à dos » de la tuerie d’Annecy, Jean-Marie Miss, président des Amis du chemin de St Guilhem et Vianney Claveul, promoteur du glanage d’herbes, fruits et plantes sauvages. Ouvrage passionnant, plein d’humanité et de transcendance qui nous amener à réfléchir sur notre condition de consommateur compulsif et surtout à nous donner une furieuse envie de boucler le sac à dos, de mettre les chaussures de marche et de partir vers les grands espaces et l’aventure qui se trouve tout autant dans les Cévennes qu’au bout du monde.
Ma note
4,5/5
L’AUTRE CÔTE DE LA VIE (PHILIPPE RAGUENEAU)
Le résumé du livre
La très chère épouse de Philippe Ragueneau, Catherine Anglade, ancienne actrice et productrice d’émissions télévisées, subit une première très lourde intervention chirurgicale avec ablation d’une partie de l’œsophage et de la totalité de l’estomac. Elle espère avoir ainsi vaincu son cancer, mais il n’en est rien. Elle souffre encore de divers symptômes. Quelque temps plus tard, elle doit repasser sur le billard, car le foie est lui aussi atteint. Et quand le chirurgien découvre qu’il est perdu et qu’il y a des métastases partout, il referme sans intervenir et annonce à Philippe que Catherine est condamnée… Il dira à sa patiente que l’opération a réussi pour qu’elle ne se laisse pas aller et poursuive sa lutte. Mais celle-ci ne se fait pas d’illusions. Elle sait qu’elle va mourir. Mais avant de partir, elle promet qu’elle continuera à communiquer avec Philippe même depuis l’au-delà… Et quelques mois après son décès, c’est ce qu’il se produit. Philippe commence à ressentir sa présence immatérielle à ses côtés et même ses interventions alors qu’il séjourne dans sa résidence secondaire dans le Luberon. Il parvient peu à peu à esquisser un incroyable dialogue.
Ma critique
« L’autre côté de la vie » est un témoignage troublant et réconfortant sur une expérience extraordinaire de contact avec l’au-delà. Le style de Philippe Ragueneau est très fluide et très agréable à lire. Le lecteur sent qu’il a affaire à un honnête homme ressentant un amour éternel pour sa femme. Il note avec précision tous les dialogues, toutes les interventions et tous les faits étranges qui émaillent sa vie de veuf inconsolable. Il n’est d’ailleurs pas le seul à sentir la présence de Catherine. La femme de ménage en est aussi témoin. Et même les chats qui ont des comportements bizarres. Pourtant Philippe reste un homme rationnel avec les pieds « bien sur la terre », pas du tout un mystique enflammé, ni un illuminé. Même s’il peut rester un doute raisonnable, (Ne s’agit-il pas d’auto-suggestion ? Ces conversations ne sortent-elles pas de son imagination ? Ne fait-il pas les questions et les réponses), le lecteur a envie de le croire. La mort n’est pas une fin, mais le début d’autre chose, un passage dans une dimension merveilleuse que les religions appellent « paradis », n’en déplaise aux matérialistes. « Un merveilleux message d’espoir pour tous ceux qui ont perdu un proche », lit-on en couverture. On ne peut qu’approuver…
Ma note
4,5/5
UNE MAISON DE FAMILLE (MICHEL TESTUT)
Le résumé du livre
Au printemps 2020, l’auteur, Michel Testut, 78 ans, se retrouve confiné chez lui, dans sa maison de famille de Dordogne à cause d’un très dangereux virus prénommé Corona dont on dit qu’il rôde à travers villes et campagnes mettant en danger de mort toute l’humanité. Seul chez lui, Michel se demande comment employer ses journées. Appeler ses amis au téléphone ? Ecouter la radio ? Regarder la télé ? Ranger ses nombreuses bibliothèques ? Tout cela l’ennuie un peu. Vider toutes les bonnes bouteilles de sa cave ? Sans amis pour trinquer avec lui, il craint d’avoir le vin triste. Il opte pour relire Colette et en particulier « La maison de Claudine ». Et pourquoi ne pas s’intéresser à la sienne ? C’est une très vieille maison de famille, construite sous le Second Empire par ses ancêtres, qui a vu défiler pas moins de six générations qui toutes ont laissé « des réserves d’amour, de joie et d’espoir dans tous les placards. »
Ma critique
« Une maison de famille » se présente comme un récit personnel, un « inventaire sentimental » et un témoignage de gratitude à l’égard d’un bâtiment, d’une demeure ancestrale, une maison de maître avec un joli parc et quelques hectares de terres attenantes dont l’auteur hérita dans sa jeunesse, où il vécut avec son épouse, éleva ses enfants, tout comme le firent ses parents, ses grands-parents et toute sa lignée, même si beaucoup n’en usèrent que comme résidence secondaire bien agréable pour les vacances, mais nettement plus inconfortable en hiver vu son manque de chauffage et même d’eau courante installée seulement dans les années 60 de l’autre siècle. La maison sert de prétexte à évoquer toutes sortes de souvenirs d’enfance ou de vie au fil de la description de toutes les parties de la demeure et même du domaine. Tout y passe. Le vestibule, le salon, la salle à manger, la cuisine, les trois chambres et même le grenier, la cave, la grange, le parc et les « cabinets ». Tout est tellement chargé de souvenirs et d’émotions. L’écriture de Testut est précise et agréable à lire. Ses observations sont fines, intelligentes et souvent touchantes. Elles sont même pleines d’une certaine nostalgie qui rappellera aux anciens des époques depuis longtemps disparues, celles où l’on semait, binait et récoltait sans machine et où on allait en calèche de la station de chemin de fer à ce charmant domaine de Mareynou, perché sur sa colline. À conseiller.
Ma note
4,5/5
FEU ET SANG (ERNST JÜNGER)
Le résumé du livre
Quelque part sur le front, dans le triangle Aras-Cambrai-Bapaume, le jeune Jünger s’éloigne un peu de la ligne de tir pour aller marcher dans une allée forestière, histoire de retrouver un peu de sérénité dans la nature, loin du fracas et de l’horreur des combats. Il constate mélancoliquement, qu’il ne se trouve plus dans l’enthousiasme et la fureur des débuts. Non, cette guerre de 14 n’est pas fraîche et joyeuse, se dit-il en évoquant la clairière recouverte de cadavres, découverte un peu plus tôt. En ce printemps radieux, il prend conscience de l’importance du « matériel », du pilonnage, de la préparation d’artillerie qui fait de terrible dégâts pour que l’infanterie puisse avancer de quelques mètres. Et à quel prix ! Seul un tout petit nombre de ses compagnons des premiers jours reste encore à ses côtés. Et voilà que se profile pour très bientôt l’assaut final, celui qui devrait être décisif et enfin mettre un terme à cette guerre cruelle…
Ma critique
« Feu et sang » est un court roman autobiographique sous forme de novella. C’est un témoignage précis, circonstancié, presque décrit minute par minute de quelques jours dans les tranchées côté allemand. L’assaut des lignes anglaises d’une barbarie absolue avec le mur de fer et de feu de l’artillerie est absolument dantesque. Les soldats tombent comme des mouches, se battent comme des lions souvent à la mitrailleuse lourde et finissent au corps à corps, à la baïonnette. L’auteur finit par être touché par une balle perdue alors que son groupe s’est victorieusement emparé d’un bout de tranchée. Il le sera quatorze fois au total ce qui lui vaudra la médaille de l’ordre « Pour le Mérite », la plus haute décoration militaire allemande. Cet ouvrage s’achève avec un second texte « La déclaration de guerre de 1914 », écrit 20 années plus tard dans lequel, jeune futur bachelier, Jünger raconte comme il a appris en vacances l’ordre de mobilisation générale et comment il s’est engagé volontairement. Il dut attendre trois jours pour pouvoir le faire tant les candidats étaient nombreux ! Un texte magnifique qui ne peut que faire réfléchir sur les réalités d’une guerre qu’on croyait la « der des der » à une époque où paradoxalement, Ukrainiens et Russes en reviennent quasiment aux mêmes « hachoirs à viande » que furent les guerres de tranchées, les drones et la technologie en plus !
Ma note
4,5/5
SARNIA (GERALD B. EDWARDS)
Le résumé du livre
Ebenezer Le Page a passé toute son existence sur l’île anglo-normande de Guernesey. Il ne s’est jamais marié et n’a eu aucun enfant, à sa connaissance. Un peu trop âgé et faisant déjà partie de la milice de l’île, il n’est pas parti faire la guerre de 14-18 en France alors que nombre de ses camarades n’en sont pas revenus comme Jim, son meilleur ami et presque son frère. Arrivé au soir de sa vie, il entreprend de raconter ce que furent environ 80 années d’une toute petite communauté vivant sur elle-même dans une tranquillité relative. Tout le monde y est plus ou moins cousin ou cousine de près ou de loin. Ebenezer évoque entre autres la vie de ses parents, de ses deux tantes Hetty et Prissy, de leurs époux et de sa sœur Tabitha avec laquelle il vivra assez longtemps, une fois ses parents décédés. En 39-45, l’île subira une occupation allemande assez rude. Puis, après la libération, l’île évoluera assez rapidement à cause du tourisme. Les gens partiront un peu partout. D’autres arriveront. Ebenezer, lui, ne quittera jamais sa petite maison, sa serre et son carré de tomates. Il n’ira jamais plus loin que la ville pour toucher sa pension, faire quelques courses, boire une bière au pub et pêcher en mer sur son petit bateau. Toute une vie de calme un peu égoïste avant l’arrivée de la télé qu’il exècre et de toutes les nouveautés technologiques ou sociétales qui firent de son petit univers un monde disparu.
Ma critique
« Sarnia » n’est ni un journal, ni un roman, ni un témoignage, mais un peu des trois. N’en déplaise à Maurice Nadeau qui avance dans son introduction qu’Ebenezer n’est en aucun cas G.B.Edwards, la sincérité, l’authenticité et la naïveté avec lesquelles toute cette saga ilienne est racontée laisse à penser qu’il y a au moins 90%, si ce n’est plus, d’Ewards chez Ebenezer. Il faut être de Guernesay, avoir vécu toute cette période, avoir connu tous les gens qui sont décrits pour pouvoir produire cet ouvrage un peu bizarre, mais tellement touchant. Il ne fut pas publié du vivant de l’auteur car refusé par tous les éditeurs de l’époque. Le temps a rendu justice à Edwards/Ebenezer qui savait si bien décrire ses contemporains. Il faut lire ce livre un peu long, mais jamais lassant ne serait-ce que pour les pages décrivant son amitié avec Jim, ses amours contrariés avec Liza (les deux s’aimaient sincèrement, mais n’arrivaient jamais à être en phase) et sa recherche éperdue d’un héritier à qui léguer sa maison, sa serre et le petit pécule en souverains d’or économisés sou à sou qu’il cachait dans coffre enterré dans son jardin. Les anciens pourront y retrouver la vie d’avant et les jeunes la découvrir.
Ma note
4,5/5
L’ENGRENAGE, MEMOIRES D’UN TRADER (JÉRÔME KERVIEL)
Le résumé du livre
Du 24 décembre 2007 au 24 janvier 2008, l’affaire Kerviel a fait éclater au grand jour la fragilité et les mensonges du monde de la finance. Quelques mois auparavant, le trader de la Société Générale Jérôme Kerviel avait fait gagner la bagatelle de 1,4 milliard d’euros à sa société grâce à des prises de risques assez insensées, mais encouragées par ses supérieurs tant que la banque ramassait la mise. C’est même le principe premier du bon trader : « Savoir prendre le maximum de risques pour faire gagner à la banque le maximum d’argent. » Comme son bilan de fin d’année a très largement dépassé le quota autorisé, il en reporte environ la moitié sur l’année suivante, espérant tout régulariser en quelques jours. Mais les marchés partent à la baisse et ne semblent plus vouloir remonter. Kerviel reste calme. Tant qu’il ne vend pas, il ne perd rien. Mais c’est à ce moment que les dirigeants se réveillent, le mettent en accusation, le licencient, portent plainte pour détournement de fonds, intrusion dans les systèmes informatiques et mise en danger de l’établissement bancaire. La Société Générale l’accuse de lui avoir fait perdre 4,9 milliards d’euros alors que toutes les ventes à perte pratiquées dans la hâte sur trois jours ont été le fait de ses collègues sur ordre de la direction. Et c’est le début d’un véritable chemin de croix pour le trader qui se retrouve en garde à vue puis en prison alors qu’il n’a pas détourné un seul centime à son profit…
Ma critique
« L’engrenage, sous-titré Mémoires d’un trader » est le témoignage sincère et touchant d’un homme honnête qui s’estime injustement accusé de malversations qui ne sont d’après lui que pratiques courantes dans le milieu bancaire. « Pas vu, pas pris » étant le principe premier du banquier. Il tente par cet ouvrage de se réhabiliter, de donner une image différente de celle des médias acharnés à sa perte. Il bossait de 7 heures du matin à 22 heures quasiment non-stop pour suivre l’évolution des marchés asiatiques, européens et américains. Il n’avait plus de vie personnelle, passionné qu’il était par son métier. Il était pris dans « l’enfer de la bonne gagneuse ». Pris dans un engrenage qui le dépassait, il fut traité comme une sorte de bouc émissaire et même de fusible au moment où la banque se trouvait dans de grandes difficultés. L’affaire tombait à point nommé pour faire oublier le scandale bien plus énorme des « subprimes ». Même si ce témoignage n’est plus d’actualité, il reste pertinent, vu qu’il permet de mieux comprendre ce qui se passe à l’intérieur des salles de marchés, comment les banques jouent au casino avec de l’argent qui n’existe pas (et même avec le nôtre, bien réel lui) et comment cette spéculation effrénée filant à la vitesse des octets peut créer des bulles, des krachs et de la misère et de la désolation partout dans le monde pour que Big Money et ses « banskters » s’en mettent plein les poches. Dans cet ensemble, le pauvre petit Kerviel ne fut qu’un lampiste qui le paya très cher quand même, 3 ans de prison ferme et 2 avec sursis (aménagés au bout de cinq mois) et surtout 1 million d’euros de dommages et intérêts toujours dus à la Société Générale. Comme le casino, la banque est toujours gagnante…
Ma note
4/5
ROCK’N ROLL CIRCUS (SAM BERNETT)
Le résumé du livre
De juin 1969 à décembre 1972, le « Rock’n roll Circus », night-club fondé par Sam Bernett, fut le phare et la référence des plus folles nuits parisiennes. Au lendemain de mai 68, l’ambiance était à la liberté totale, au « jouir sans entrave » et à « l’interdit d’interdire ». Animateur sur RTL, assistant du célèbre « Président Rosko » de Radio-Caroline, Sam se trouvait aux premières loges pour suivre de près la scène rock en pleine explosion et mutation psychédélique. Il commence par reprendre en main « La Tour de Nesles », boîte à l’ancienne en perte de vitesse. Il y diffuse de la musique que l’on entend nulle part ailleurs, annonce qu’il est complet tous les soirs alors qu’il ne reçoit que ses amis, la bande de Johnny Hallyday, Dutronc et les Holgado. Et très vite, grâce au bouche à oreille, c’est un tabac d’autant plus retentissant quand Joe Cocker, encore inconnu, vient y chanter « With a little help from my friends » un an avant Woodstock. Le local devenant trop exigu, il ouvre le « Rock’n roll Circus » dans l’immeuble de « l’Alcazar » avec un décor de cirque en rouge et jaune. Les plus grands y firent le bœuf : Gene Vincent (à titre de dernier concert avant sa fin tragique et contre une caisse de bière), mais aussi les Beach Boys, Pink Floyd, Jimmy Page et Led Zeppellin, Johnny et Edgar Winter, Rory Gallagher, Eric Clapton, Jimmy Cliff, Soft machine, etc. Un succès fracassant, mais de bien courte durée…
Ma critique
« Rock’n roll Circus » est un livre de témoignage et de souvenirs très agréable à lire. Sam Bernett a cherché à rendre l’ambiance joyeuse, folle et créative de l’époque. Il a côtoyé les plus grands. Dans le cahier central rempli de photos de sa collection personnelle, on le retrouve en compagnie de Brigitte Bardot, Alain Delon, Mireille Darc, Polanski, Salvator Dali, Serge Gainsbourg ou Raymond Poulidor. Et pourtant les amateurs d’anecdotes croustillantes et de potins indiscrets en seront pour leurs frais. C’est tout juste si l’on apprend que l’herbe s’y fumait discrètement et que si l’héroïne et la cocaïne étaient encore assez peu répandues, le LSD et ses hallucinations pas toujours géniales circulait largement. Ces trois années de sexe, drogues et rock’n roll commencées dans la joie et allégresse s’achevèrent assez tristement. Jim Morrison, le leader des « Doors » vint y mourir d’une overdose d’héroïne trop pure et d’alcools trop forts dans les toilettes de l’établissement. Ses deux « amis » dealers embarquèrent le cadavre comme s’il avait été ivre. Sam se retrouva affublé d’un directeur incapable. Son meilleur ami, Dominique Petrolacci, se suicida et son excellent disc-jokey et déserteur américain, Cameron Watson, le quitta. Il était temps d’arrêter l’aventure et d’aller créer d’autres lieux comme le « Malibu » ou le « Bus Palladium ». Un livre que les anciens pourront lire avec nostalgie et les jeunes juste pour découvrir un temps où Paris était vraiment une fête !
Ma note
4,5/5
CALL-GIRL DU TOUT-PARIS (PATRICIA HERSZMAN & FREDERIC PLOQUIN)
Le résumé du livre
En 1975, Patricia, jeune fille de bonne famille âgée de 18 ans, est repérée par une recruteuse de Madame Claude sur le port de Saint Tropez. Motarde et adepte de l’amour libre, elle entre immédiatement dans le monde clos de la prostitution de luxe avec des tarifs de prestation allant de 600 à 1000 francs et nettement plus selon la générosité des clients, tous riches et célèbres. Parmi ceux-ci, on trouve son préféré, le très classieux Giovanni Agnelli, dit « l’Avvocato », cocaïnomane compulsif, qu’elle rejoint en jet privé à de nombreuses reprises à Milan ou à Rome. Elle échappe de peu à la mort quand deux de ses collègues dont sa meilleure amie acceptent une prestation proposée par deux diplomates pour le compte du chef d’état du Yémen. Elles seront retrouvées nues et assassinées dans une voiture abandonnée dans le désert. Patricia aurait dû faire partie du malheureux binôme. Quand Madame Claude est arrêtée pour fraude fiscale et son réseau démantelé, elle officie un temps rue Saint Denis, passant des ors et du marbre à la crasse et à la terre battue, puis continue à son compte, sans maquereau, mais grâce à quelques amis du milieu, autour de la place de l’Etoile. Elle finit par tomber dans la drogue. Héroïnomane, elle met quinze ans à s’en sevrer. Pendant ses heures de gloire, entre 1975 et 1980, elle devient une figure des nuits parisiennes qui côtoie Serge Gainsbourg et Jane Birkin, Alain Delon et Mireille Darc, Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, Eddy Barclay et tant d’autres…
Ma critique
« Call-girl du Tout-Paris » est un récit de témoignages et de révélations un brin indiscrètes sur un monde assez particulier, celui de la prostitution, terme qu’elle rejette en ce qui concerne sa période chez Madame Claude. En effet, celle-ci avait mis en place un système très protecteur et très rémunérateur pour « ses filles ». L’auteur n’a de cesse de dresser des louanges à son ancienne Pygmalion et l’on comprend aisément pourquoi. Il faut dire qu’elle a pu faire la différence avec d’autres manières de monnayer son corps, plus glauques, plus contraignantes pour ne pas dire plus humiliantes. On est dans le même registre que celui des ouvrages de Gérard Fauré, le « dealer du Tout-Paris », qu’elle a connu et dont elle corrobore les révélations. Oui, la cocaïne coulait à flot depuis des décennies parmi les élites parisiennes. Patricia qui ne buvait pas, refusait la sodomie, finit par devenir quand même accro à l’héroïne. Son récit, facile à lire, sans doute par la grâce de son co-auteur Frédéric Ploquin, nous apprend pas mal de détails indiscrets sur les grands de ce monde qui font appel à ses services comme Samir Traboulsi, Gérard Oury, le shah d’Iran, le frère d’Hassan II, le prince du Qatar Al Thani, Adnaan Khashoogi, Raymond Lévy, Jean-Paul Blum, Pierre Kadji, Jacky Cohen, Claude Lelouch, Bernard Lavilliers (« un radin »), Claude Brasseur (« queutard partouzard ») et tant d’autres. Rien que du beau linge pas si reluisant que cela au bout du compte. Nous voilà donc tombés dans une littérature de « potins », finalement sans grand intérêt, mais qui peut plaire à certain(e)s…
Ma note
3/5
LA CHARRETTE BLEUE (RENÉ BARJAVEL)
Le résumé du livre
Né le 24 janvier 1911 à Nyons (Drôme), René Barjavel eut des grands-parents et des ancêtres paysans plutôt pauvres qui voulaient voir leurs enfants monter sur l’échelle sociale. Ainsi, son grand-père plaça son père Henri comme apprenti boulanger pour qu’il apprenne le métier et échappe à sa condition. Sa mère Marie, veuve d’un boulanger, cherchait un ouvrier pour reprendre son affaire. Elle ne trouvait que des ambitieux qui voulaient récupérer la femme et le commerce ou des incapables qui risquaient de la faire péricliter jusqu’au jour où elle rencontra Henri. Lequel partit pour le front trois ans après la naissance de l’auteur qui eut un sevrage au lait de chèvre difficile avant d’entrer à l’école quelques années plus tard. Il ne s’y plut pas du tout. Il avoue avoir eu beaucoup de peine à aligner des bâtons sur une ligne et d’avoir été fâché avec les maths. Heureusement pour lui, quelques professeurs finirent par l’encourager sur la voie de l’écriture. Comme il avait déjà le goût de la littérature, sa vocation était là…
Ma critique
« La charrette bleue » est un court récit de souvenirs d’une enfance heureuse tant qu’elle resta libre dans la petite rue de Nyons où se nichait la boulangerie maternelle ou dans les collines rocailleuses du Drômois où il retrouvait tous les membres de sa famille paternelle. Mais bien vite arrivèrent les problèmes scolaires et surtout le drame de la mort de sa mère alors qu’il n’avait que onze ans. Anecdotes, épisodes tristes ou joyeux, tranches de la vie pittoresque et paisible de petites gens de l’époque se succèdent au fil du souvenir sans suivre de véritable ordre chronologique. De sa plume allègre, l’auteur a très bien su rendre l’ambiance du début de l’autre siècle. La vie y était rude, mais les gens y étaient joyeux, travailleurs et savaient se contenter de peu. Il n’y avait ni sécurité sociale, ni assurance chômage, ni aides sociales, mais chacun arrivait à s’en sortir, certes petitement, grâce à toutes sortes d’activités oubliées (comme celle du charron de la charrette), au jardinage ou au petit élevage, sans oublier les vers à soie. Livre touchant et émouvant qui se dévore trop vite et qui permet de faire un plongeon dans une époque oubliée, mais pas si lointaine. Qu’est-ce qu’un siècle face à l’éternité ?
Ma note
4,5/5
DU KIBBOUTZ A L’INTIFADA (MARION SIGAUT)
Le résumé du livre
Jeune et jolie étudiante en rupture de ban, Marion Sigaut débarque en Israël au début des années 70 avec sa guitare et toutes les illusions de l’époque. Bien que non-juive, elle s’est engagée comme volontaire pour travailler dans un kibboutz israélien. Gauchiste militante, elle veut vivre l’expérience du seul communisme intégral vraiment réussi. Elle est affectée à Tel Nir, non loin de la frontière libanaise. Accueillie à bras ouverts, elle y découvre un lieu de vie plutôt spartiate, mais bénéficiant d’une ambiance chaleureuse et fraternelle. Des jeunes venus de tous les horizons y travaillent dans la bonne humeur, partagent tout, chantent, dansent, s’amusent et se découvrent. Marion s’y fait très vite tant d’amis qu’elle considère très vite Tel Nir comme sa nouvelle famille. Un jour, elle tombe éperdument amoureuse du très beau et très viril Yaïr qui aime bien lui faire l’amour, mais sans s’engager plus, ce qui désole la jeune fille. Mais voilà que se déchaine la guerre du Kippour. Yaïr, gradé de Tsahal doit partir se battre. Marion est effondrée…
Ma critique
« Du kibboutz à l’Intifada » est un témoignage bien écrit et fort intéressant dans la mesure où assez peu d’ouvrages français traitent de la vie des kibboutznicks de ces années-là. Au fil de ses nombreux séjours échelonnés sur une vingtaine d’années, l’auteure a appris l’hébreu qu’elle parle couramment au point de sembler suspecte lors de ses passages à la douane. Le lecteur découvrira en même temps que l’auteure la lente dégradation de l’idéal communautaire au profit de l’individualisme et de la consommation ainsi que la dérive autoritaire et même totalitaire d’un régime qui se permet de raser des oliveraies, de faire exploser des maisons construites sans une autorisation qu’il n’accorde jamais, de passer au bulldozer des villages entiers pour y implanter des camps militaires ou des colons, et ainsi de réduire à la misère et au désespoir tout un peuple, premier et légitime propriétaire de ces territoires. Marion apprendra l’arabe, fera connaissance de nombre de Palestiniens et s’apercevra que ce ne sont pas les monstres assoiffés de sang que la plupart des Israéliens imaginent. L’histoire s’arrête avec les caillassages de l’Intifada et le départ de la narratrice, le cœur brisé par deux amours irréconciliables…
Ma note
4,5/5
DANS LA DÈCHE A PARIS ET A LONDRES (GEORGE ORWELL)
Le résumé du livre
Dans les années 30, George Orwell, encore inconnu, séjourne à Paris dans un quartier défavorisé qu’il nomme « le Coq d’or ». Dans un hôtel miteux, il loue une petite chambre remplie de cafards pour la modique somme de 35 francs. Il survit en donnant quelques cours d’anglais. Un jour, il se fait voler son modeste pécule et se retrouve ainsi à essayer de survivre avec juste 6 francs par jour. Il réduit drastiquement son train de vie, ne donne plus son linge à laver, ne va plus au restaurant et doit se contenter d’un peu de pain, de vin et de margarine. Il commence à s’ennuyer ferme. Puis l’été arrivant, il perd ses élèves et ainsi ses tout derniers revenus. Il ne lui reste plus qu’à proposer toute sa garde-robe au Mont-de-Piété. Il s’attend à recevoir au moins 300 francs, on ne lui en donne que 70. Il finit par trouver une place de plongeur dans les cuisines crasseuses d’un hôtel. Il doit y trimer dans la chaleur et la saleté six jours sur sept et jusqu’à 17 heures par jour. Le samedi, il ne lui reste plus qu’à aller se saouler jusqu’à deux heures du matin… Quand il rentre à Londres, sa situation empire encore. Il devient carrément clochard…
Ma critique
« Dans la dèche à Paris et à Londres » est un témoignage émouvant sur un épisode peu connu de la vie du célèbre auteur de « 1984 », doublé d’une étude comparative de la pauvreté dans les deux capitales. La vie y est aussi terrible pour les SDF de chaque côté du Channel avec des difficultés supplémentaires du côté britannique. Si un clochard peut dormir sur des cartons au-dessus d’une bouche de métro ou ailleurs à Paris, c’est impossible à Londres où la police veille à ce que personne ne dorme dehors, même assis sur un banc. La mendicité y est aussi interdite et passible d’emprisonnement. On ne peut rester qu’une seule nuit dans des asiles crasseux, bondés et mal chauffés. Seule compensation, le thé et les deux tartines de pain des instituts religieux genre Armée du Salut en échange d’une assistance aux offices. Un des chapitres va même plus loin dans l’étude sociologique des « tramps » (vagabonds, traine-savates) anglais dans laquelle Orwell cherche à tordre le cou à toutes sortes d’idées reçues. Non, on ne devient pas clochard par esprit nomade ou par alcoolisme. Non, les SDF anglais ne peuvent pas être des ivrognes, car ils n’ont même pas les moyens de se payer la moindre pinte de bière. Et s’ils trainent lamentablement dans les villes et sur les routes, c’est qu’ils y sont obligés par la règle idiote d’une seule nuit en asile. Orwell propose des solutions très proches de celles des « Compagnons d’Emmaüs » du célèbre Abbé Pierre pour réhabiliter par le travail ces hommes privés de tout. Intéressant et toujours d’actualité à presque un siècle de distance.
Ma note
4,5/5
L’AFFAIRE VINCENT (STAN MAILLAUD)
Le résumé du livre
Ancien gendarme reconverti dans la protection individuelle, Stan Maillaud, pour avoir corrigé un peu trop fermement quelques voyous, se retrouve accusé d’organisation factieuse et incarcéré abusivement. Pour ne pas avoir à subir l’obligation de soins psychiatriques décrétée par la justice, il rentre en France. Témoin de l’affaire de pollution volontaire de l’Adour par la société « Métal Blanc », il constate une fois de plus la corruption des magistrats qui se montrent plus que cléments avec le pollueur et la complicité des avocats qui ne défendent que très mollement les victimes. Puis le voilà qui s’intéresse au martyr des enfants sexuellement abusés par leur père qui sont retirés à la garde de leur mère pour être confiés à leur tortionnaire jamais poursuivi. Après un premier échec avec une certaine Corinne Gouget, il récidive dans l’affaire du petit Vincent qu’il veut à tout prix mettre à l’abri de son prédateur, ce qui lui vaudra une cavale sans issue, un séjour en prison pour « soustraction de mineur sans fraude ni violence » et au final une vie de paria et de nomade craignant à tout moment de rejoindre la case prison, voire d’être liquidé…
Ma critique
« L’affaire Vincent » est le témoignage d’un homme intègre, chevalier blanc se voulant défenseur de la veuve et de l’orphelin ou plutôt de l’enfance bafouée et martyrisée. On va de découvertes horribles en révélations terrifiantes. Les Emile Louis, les Alègre et les Dutroux ne sont en aucun cas des « loups solitaires » comme les médias voudraient nous le faire croire, mais de simples exécutants de réseaux pédophiles aux ramifications multiples dont font partie les plus hautes instances du pays aussi bien dans le monde politique que judiciaire. Enlèvements, prostitution d’enfants, viols, tortures et même assassinats seraient la raison d’être de ces réseaux. Les parties « fines » seraient photographiées et filmées à l’insu des participants, ce qui permettrait d’exercer un chantage fort lucratif et même de tenir sous « tutelle » certains personnages haut placés. Mais à la lecture de ce livre, on découvre combien il peut être dangereux de s’attaquer au phénomène. Ouvrage à conseiller à toutes celles et tous ceux qui veulent apprendre quelque chose sur ce terrible sujet, mais à déconseiller aux âmes sensibles. Le sort de ces malheureux enfants (plus nombreux que l’on croit, 100 000, rien que sur les Cdrom de Zandvoort) ne devrait laisser personne indifférent.
Ma note
4/5
AU-DELÀ DE L’AFFAIRE DE LA CHLOROQUINE (DIDIER RAOULT)
Le résumé du livre
Lorsque le professeur Didier Raoult tente de communiquer sur l’intérêt de soigner dès le début les malades du Covid avec de l’hydroxychloroquine et de l’azythromycine, toutes ses interventions sont aussitôt censurées sur FaceBook. Son équipe contacte le responsable, qui s’avère n’être autre qu’un journaliste du « Monde », pour obtenir des explications qui ne seront guère convaincantes. Puis Raoult commence à recevoir toutes sortes de menaces par téléphone et par SMS. Il porte plainte contre le principal auteur, le Professeur Raffi qui sera condamné à lui verser un chèque qu’il n’encaissera même pas. Ce collègue était pétri de conflits d’intérêts. Il avait touché la bagatelle de 600 000€ de Big Pharma. Puis c’est au tour du Conseil de l’Ordre des médecins de lui ordonner de faire silence complet sur son traitement. Mais, en tant qu’universitaire, sa parole est libre et garantie par la Constitution et par la Cour Européenne des droits de l’homme. Sur les plateaux de télévision et dans tous les médias, ses collègues stipendiés, assistés de journalistes tout juste capables de répéter la doxa officielle, se déchainent contre son traitement, le trainent dans la boue, l’insultent et l’invectivent. Et quand une étude bidon, menée par des étudiants sans diplômes et par une ancienne actrice porno, sort dans le « Lancet », c’est l’hallali. Le ministre se précipite pour interdire ce vieux médicament qui avait pourtant de bons résultats depuis 70 années…
Ma critique
Dans ce court témoignage (125 pages) bien documenté et parfaitement sourcé (nombreuses notes de bas de pages), le Professeur Raoult revient sur cette affaire de la Chloroquine qui relève rien de moins que du scandale. Il pointe du doigt les conflits d’intérêts pour ne pas dire la corruption des médecins de plateaux. Certains étaient si présents dans les petites lucarnes qu’on en était à se demander quand ils s’occupaient de leurs services. Il fallait absolument qu’il n’y ait pas de traitement, d’abord pour placer le coûteux Remdésivir inefficace et même dangereux (le pouvoir s’empressa d’en commander pour un milliard de doses), puis pour passer au « vaccin » qui, après quelques mois d’usage, s’avéra incapable d’empêcher de contracter la maladie ni de la transmettre, sans parler des effets indésirables. Preuve que toute cette gestion totalement orientée vers le profit maximal des laboratoires pharmaceutiques ne fut qu’un complet fiasco : tous les pays ayant utilisé la chloroquine comme l’Inde, les pays arabes, ceux du Maghreb et de l’Afrique noire (à l’exception de l’Afrique du Sud) ont obtenu de meilleurs résultats que ceux qui l’avaient interdite. Même chose pour tous les pays (comme la Suède) n’ayant ni masqué, ni confiné, ni instauré de couvre-feux. Ouvrage très facile à lire qui a le mérite de faire un point définitif sur cette affaire, même si Raoult, qui reste très mesuré dans ses propos et ne tombe jamais dans le « complotisme », démontre magistralement à qui a profité ce crime.
Ma note
4,5/5
LA FAMILIA GRANDE (CAMILLE KOUCHNER)
Le résumé du livre
Leur mère, Evelyne Pisier, sœur de l’actrice Marie-France, étant décédée seule à l’hôpital de Toulon, Camille, accompagnée de son jumeau Victor, de son aîné Colin et des adoptés Luz et Pablo, arrive pour les formalités d’enterrement. Sa mère était une intellectuelle, agrégée de sciences politique, féministe, gauchiste, prototype de la soixante-huitarde libérée et mariée un temps avec le célébrissime Bernard Kouchner, plus souvent au quatre coins du monde qu’auprès de sa famille. Elle pratique l’amour libre de manière systématique. Elle a même eu une liaison avec Fidel Castro alors que son mari en avait une avec sa propre sœur. Elle incite sa fille à suivre son exemple. Elle divorce de Kouchner alors que Camille n’a que 6 ans et prend un nouveau compagnon qui fera office de beau-père, dont le nom n’est pas mentionné dans le livre. Mais chacun sait qu’il s’agit d’Olivier Duhamel. Il abuse sexuellement de Victor âgé de 14 ans. Camille l’apprend, mais n’ose rien dire à sa mère. Les deux jeunes vont très longtemps garder le secret et la culpabilité…
Ma critique
« La familia grande » est un témoignage aussi bouleversant qu’écœurant sur les mœurs dissolues d’une élite bobo-gaucho toujours prête à faire des leçons de morale au bon peuple alors qu’elle-même est loin d’être un exemple. C’est aussi un terrible réquisitoire contre une forme d’éducation libertaire qui fit de grands dégâts chez des enfants innocents qu’on poussait à découvrir l’amour physique le plus tôt possible. De l’amour libre, du rejet de tous les tabous sexuels au laisser-aller complet, à l’échangisme et au crime de l’inceste, la frontière est ténue et malheureusement aisément franchie. Si Duhamel ne pourra pas être inquiété, car il y a prescription des faits, cette « grande famille » bien dépravée en paiera autrement les conséquences. Le grand-père se suicidera en se tirant une balle dans la tête. La grand-mère en fera autant en avalant des barbituriques. La mère sombrera dans l’alcoolisme avant de rejeter ses propres enfants quand ceux-ci voudront témoigner. L’actrice si libre et si jolie sera retrouvée noyée dans sa piscine. Ouvrage court et très aisé à lire qui donne à réfléchir sur les excès de liberté, le rejet des tabous qui amène aux pires excès et l’absence de moralité et de principes éthiques d’une certaine élite. Le poisson pourrit par la tête, dit-on.
Ma note
4/5
UN PRÉSIDENT NE DEVRAIT PAS DIRE ÇA (GÉRARD DAVET & FABRICE LHOMME)
Le résumé du livre
Que reste-t-il du quinquennat de François Hollande ? Fut-il vraiment le président le plus impopulaire, le plus calamiteux et le plus insignifiant de la Ve République ? Frais émoulu de l’ENA, il fut d’abord auditeur à la Cour des Comptes, puis chargé de mission à l’Elysée pour son idole François Mitterrand. Elu député de Corrèze en 1988, il fut battu en 1993. Maire de Tulle puis président du Conseil Général, il s’épanouit comme petit potentat local. Il se plaça d’abord dans le sillage de Jacques Delors puis dans celui de Jospin qui l’imposa comme premier secrétaire du PS. En 2006, Ségolène Royal lui brûla la politesse en se déclarant candidate à l’élection présidentielle. Trop commun, trop mou, trop terne, en mars 2011, il ne rassembla que 3% des votes à la primaire socialiste, alors que DSK caracolait en tête. Survint le scandale du Sofitel de New-York. Hollande se relança alors dans la campagne. Discours du Bourget, (« Mon ennemi, c’est la finance ! »). Victoire contre Sarkozy et accession à la magistrature suprême. « Il ne trouve que je suis président », dit-il comme s’il n’en revenait toujours pas ou comme s’il avait conscience de ses limites et de celles de son pouvoir. Et voilà celui que ses adversaires surnommaient Flanby, Pépère ou Culbuto embarqué dans cinq années de crise économique, d’horreur terroriste, d’avancées sociétales discutables, d’augmentation d’impôts, de recul de la démocratie, d’opérations militaires en Afrique et de déliquescence de la gauche. Mais il aura quand même goûté à « la drogue ultime, le pouvoir suprême ». « J’aurais vécu cinq ans de pouvoir relativement absolu », avoue-t-il, satisfait de son bilan.
Ma critique
Quel pensum, la lecture de ce gros pavé de 720 pages tout rempli de politique politicienne, de politicaillerie, de négociations de boutiquiers, de petites manœuvres sans grand intérêt pour l’Histoire. Le lecteur qui attendait des scoops, des révélations fracassantes, de grands coups de projecteurs dans les coulisses du pouvoir en sera pour ses frais. Il n’apprendra quasiment rien qu’il ne sache déjà si ce n’est que Poutine aurait prévenu Hollande que la Grèce avait demandé à la Russie de lui imprimer des drachmes lors de la crise et qu’Hollande se teignait pas les cheveux. L’affaire du mariage pour tous avec ses manifestations monstres à Paris et dans tout le pays est à peine évoquée et juste pour dire combien Christiane Taubira fut efficace et courageuse. Tous les scandales qui entachèrent le quinquennat sont minimisés : Cahuzac n’a eu qu’un « petit souci fiscal », Aquilino Morelle « s’est pris les pieds dans une boîte de cirage », Thomas Thévenoud « était allergique aux impôts », sans parler de Kader Arif, Faouzi Lamdaoui et de quelques autres indélicats. Les deux journalistes du « Monde » auraient pu en apprendre bien plus lors de ces dizaines d’heures d’entretien, répartis sur quatre années et demi et 61 séances. Ils n’en ressortent qu’une tentative ridicule de donner une absolution et presque un satisfécit à un personnage qui abaissa encore plus que son prédécesseur la fonction présidentielle et ne réalisa même pas qu’avec ses dénis de réalité et son manque de respect de la volonté populaire, il ouvrait la route à toutes les dérives autoritaires de son successeur. Rien à garder de ce bouquin, excepté l’anaphore finale en forme de coup de sabot de l’âne. (À lire dans les citations, pour le reste, on peut faire l’impasse.)
Ma note
2,5/5
Les ennuis du capitaine de gendarmerie Barril commencèrent avec la prise d’otages de La Mecque alors qu’il était conseiller « en coups tordus » auprès des services spéciaux saoudiens. Pour déloger les terroristes cachés dans les immenses sous-sols, il pense d’abord les noyer en les remplissant d’eau. Mais comme cela ne fonctionne pas, il finit par les asphyxier au gaz. 1981 est une année noire pour les dirigeants de la planète : attentat contre Ronald Reagan, contre le pape Jean-Paul II et contre Anouar El-Sadate. En France, les socialistes craignent pour la sécurité du président Mitterrand nouvellement élu. Ils n’ont qu’une confiance relative dans les policiers détachés au service des « Voyages officiels ». D’où l’idée de faire appel à la gendarmerie. Prouteau met en place une émanation du GIGN, le GSPR (Groupement de Sécurité de la Présidence de la République), un groupement d’éléments sûrs qui ne dépend plus que de Gilles Ménage, conseiller particulier du Président, éminence grise tout à fait hostile à Barril et à son ami Grossouvre. Au fil du temps, la mission de ce groupe va évoluer en lutte contre le terrorisme puis en police politique avec le scandale des écoutes téléphoniques et autres.
« Guerres secrètes à l’Elysée » est le témoignage d’un militaire honnête qui, s’estimant injustement accusé de toutes sortes de choses fausses n’a eu de cesse de se défendre pour sauver son honneur bafoué. Il ne fit partie que peu de temps de cette cellule, mais cela ne l’empêcha pas de découvrir des quantités d’affaires louches comme les disparitions étranges de Grossouvre (crime maquillé en suicide au sein même du Palais sans que personne ne se rende compte de rien), de Bérégovoy ou de Roger Patrice Pelat, financier occulte de Mitterand, comme les tristement célèbres écoutes téléphoniques, l’affaire Urba, celle des Irlandais de Vincennes, celle du Carrefour du développement, celle des missiles, celle du sang contaminé et surtout celle du « Rainbow Warrior » qui mit en cause ses frères d’armes, les nageurs de combat de la base d’Aspretto. Barril balance à tout-va, cite des noms, détaille les turpides et la corruption d’un pouvoir qui se permet à peu près tout et n’importe quoi. De nombreuses pages sont consacrées à la défense de l’honneur des nageurs de combat et de celui de son ami Grossouvre. Il pousse l’honnêteté jusqu’à présenter les deux versions de l’engagement dans la Résistance de celui-ci. Nous ne saurons d’ailleurs sans doute jamais la vérité, le manuscrit qu’écrivait Grossouvre et toutes ses archives ayant fort opportunément disparus à sa mort ! Au total, un document passionnant à verser aux archives de l’Histoire contemporaine.
4/5
AFRICA TREK 2 (SONIA & ALEXANDRE POUSSIN)
Le résumé du livre
Au pied du Kilimandjaro, le couple de marcheurs au long cours a déjà parcouru plus de 7000 km et il leur en reste autant devant eux. Plus de routes, plus de chemin, plus rien, juste le domaine des Masaïs, du moins ceux qui vivent encore vraiment libres, avec leurs troupeaux, dans leurs enkaïs, sorte de villages de cases clos par une enceinte d’épineux tressés. Les autres sont en représentation pour les touristes. On raconte à tort que les authentiques boivent le sang à la jugulaire de leurs taureaux. En fait, cela ne se pratique plus que dans certains rituels très rares, les Masaïs authentiques étant plutôt végétariens. L’initiation des jeunes consiste à essayer de trucider un ou deux lions à l’aide d’un casse-tête ou d’une lance. Dans le Rift du Ngorongoro, le danger est partout présent. En plus des lions, il y a les serpents et les hippopotames qui chargent facilement. Sonia et Alexandre échapperont presque par miracle à plusieurs attaques, ce qui ne sera pas le cas d’un couple d’Allemands dont la femme sera grièvement blessée, ni celle d’un couple d’Anglais attaqués et battus à mort par des bandits juste pour les dépouiller. Mais heureusement, nos deux marcheurs auront la chance de croiser la route d’un grand nombre de bons samaritains qui leur sauvèrent la mise à de nombreuses reprises…
Ma critique
« Africa Trek 2 » est la deuxième partie d’un récit de voyage absolument passionnant. Quel courage et quelle persévérance fallut-il à ce jeune couple pour parvenir à réaliser pareil exploit ! Chaque pays, presque chaque kilomètre présenta son lot de souffrances. L’accueil des populations souvent généreux eut quelques exceptions qui confirmèrent la règle. Je ne citerai que la traversée de l’Ethiopie qui fut marquée par des attaques permanentes de bandes d’enfants haineux leur lançant des pierres et les chassant de tous les villages qu’ils traversaient juste parce qu’ils étaient blancs ! Celle de l’Egypte ne fut pas non plus une partie de plaisir, car ils furent contraints de subir en permanence une escorte policière fort pesante qui utilisa même un engin blindé pour les accompagner. Plusieurs pages sont consacrées à présenter la liste de tous les hôtes et hôtesses qui les accueillirent, souvent des congrégations religieuses, des prêtres, des pasteurs, des popes et des imams, mais aussi de petites gens pauvres mais généreux. Livre intéressant pour les amateurs de voyage à pied, dernière véritable aventure humaine, et de grands espaces.
Ma note
4/5
LA TRAVERSÉE (PHILIPPE LABRO)
Le résumé du livre
Souffrant d’un grave œdème du larynx, Philippe Labro se retrouve intubé dans le service de réanimation de l’hôpital Cochin à Paris. Il reste plusieurs jours dans un état semi-comateux, perfusé, relié à des machines à oxygène et ligoté sur son lit. Il a l’impression que tout un aréopage de connaissances déjà mortes se tiennent alignées le long d’un des murs de sa chambre. Elles l’incitent à venir les rejoindre dans l’au-delà. Labro se retrouve à entendre non pas une voix intérieure, mais deux. L’une lui conseille de se laisser aller et d’accepter de mourir alors que l’autre le pousse à se battre et à lutter de toutes ses forces pour revenir vers la vie. Un jour, il fait l’expérience d’une NDE (Near Death Experience) ou d’une EMI en français (Expérience de Mort Imminente). Il a l’impression d’être extrait de son corps physique et d’être entraîné à toute allure dans un couloir très sombre. Une sorte de trou noir. Il en vivra ensuite une seconde, mais cette fois beaucoup plus lumineuse, plus apaisante, plus rassurante…
Ma critique
« La traversée » est le témoignage touchant et émouvant d’un écrivain parvenu aux portes de la mort et même un peu au-delà. Aucun mysticisme dans ce récit (ni ange, ni présence divine). Et pourtant Labro, certainement athée ou fort peu croyant, refuse absolument de s’en tenir aux explications rationalistes habituelles que l’on sert en pareilles circonstances. Ces visions seraient dues à des hallucinations causées par la prise de médicaments ou par une réaction du cerveau à certaines douleurs extrêmes. En ces moments dramatiques, on dit que le mourant revoit défiler tout le film de sa vie. Ce fut le cas pour l’auteur, mais par flashs et éclairs confus, sans logique ni chronologie. Le récit est construit un peu sur le même schéma. Le style est assez agréable à lire en dépit d’un bizarre besoin de l’auteur de passer d’un pronom personnel à un autre au fil des chapitres ou paragraphes. Il parle de lui à la première personne du singulier puis à la troisième avec quelques détours à la deuxième du pluriel quand il veut s’adresser au lecteur. Ouvrage intéressant pour tous ceux qui s’intéressent à la vie après la vie, mais également aux conditions de travail des soignants en service de réanimation. Un Labro qui mérite le détour.
Ma note
4/5
CE NOM QU’A DIEU ILS DONNENT (GUILLAUME DE FONCLARE)
Le résumé du livre
Guillaume souffre d’une maladie génétique chronique aussi douloureuse qu’handicapante. Après avoir reçu une éducation religieuse catholique puis protestante, adulte, il a tout rejeté et se déclare maintenant « athée pratiquant ». Charmant oxymore. Cependant, il tient à garder l’esprit ouvert et à se maintenir dans une certaine quête du Divin. Comme il a besoin de silence et de recueillement pour mener à bien cette recherche, il parvient à se faire accepter pendant deux mois dans une résidence d’écrivains, sur les hauteurs des Causses du Quercy, non loin du petit village de Calvignac. Mais peu avant son départ, sa compagne doit être prise en charge pour un cancer du sein. Guillaume décide de ramener son séjour à cinq semaines au lieu de huit. Trouvera-t-il Dieu entre Conques et Saint-Circq la Popie ?
Ma critique
« Ce nom qu’à Dieu ils donnent » se présente comme un témoignage d’une totale authenticité et d’une absolue sincérité, ce qui est bien agréable. L’auteur a vraiment séjourné dans le lieu qu’il évoque. Il raconte quelques épisodes dramatiques de sa vie comme le décès de son père dans un accident d’hélicoptère alors qu’il était très jeune. Il nous parle de sa femme, de ses amis, des gens qu’il rencontre. Nous ne sommes donc pas dans l’autofiction mais dans un récit de petites tranches de vie qui aident à comprendre le cheminement d’un intellectuel, ancien directeur de l’Historial de la bataille de la Somme, devenu écrivain. Un pèlerinage immobile en quelque sorte. La force et l’intérêt de la narration vient plus de tout ce kaléidoscope de saynètes jetées au fil de la plume que de l’accumulation de questions existentielles (Pourquoi Dieu permet-il le mal ? Pourquoi dois-je autant souffrir ? Pourquoi Dieu autorise-t-il la douleur des hommes en général et la souffrance voire la mort des petits enfants en particulier ?). Bien entendu, ce séjour, s’il ne lui apporte guère de réponse à ce genre de questions, lui permettra néanmoins de repartir plus serein, plus heureux et avec une foi retrouvée. Un livre intéressant, agréable et facile à lire en dépit d’une légère propension de l’auteur à une certaine amplitude des phrases.
Ma note
4/5
CONVERTIR L’EMPEREUR ? (ERIC MORIER-GENOUD)
Le résumé du livre
De 1892 à 1895, dans le sud-est africain, Georges-Louis Liengme, missionnaire et médecin originaire de Suisse Romande, se présente à la cour de l’empereur Goungounyane qui n’est plus pour très longtemps à la tête de l’immense territoire de Gaza, déjà partiellement sous dépendance portugaise et futur Mozambique. Même s’il est bien accueilli par le potentat africain, Georges découvre assez vite que sa mission ne va pas se révéler de tout repos. Goungounyane est en fait un despote qui pratique la razzia, la polygamie et la mise en esclavage systématique. De plus, son goût prononcé pour les alcools forts que lui procurent les Portugais l’amène à être plus souvent ivre qu’à jeun. Quant à ses sujets, ils veulent bien se faire soigner, mais sans jamais montrer le moindre signe de gratitude. Le pauvre pasteur ne mange pas tous les jour à sa faim. Il doit tout bâtir de ses mains avec l’aide des quelques convertis qui l’accompagnent. Son épouse et sa petite fille le rejoignent et bientôt un nouveau bébé vient réjouir la petite famille. Mais des nuages noirs s’amoncèlent sur la mission. Un conflit se profile. Le travail d’évangélisation ne rencontre guère de réussite. Ses ouailles, qui veulent bien chanter et écouter l’harmonium, restent fondamentalement animistes et insensibles au message du Christ. Ils n’acceptent de Georges, outre les soins, que de l’argent, de l’alcool, des cotonnades ou des cadeaux…
Ma critique
« Convertir l’empereur » est son journal humble et touchant, enrichi de quelques lettres à son épouse et à sa famille, l’ensemble compilé par un chercheur de l’université de Belfast. Ce document brut de décoffrage (quelques parties illisibles du manuscrit n’ont pas été transcrites) nous permet de découvrir l’œuvre d’un pionnier qui mériterait d’être aussi connu que le célèbre docteur Schweitzer tant son dévouement et son désir de faire partager sa foi ardente furent grands et admirables. Il multiplia les soins (il recevait une centaine de malades par jour) et les opérations chirurgicales, même les plus délicates, comme des interventions sur les yeux (cataractes, glaucomes, tumeurs, etc.). Il bâtit un dispensaire, une école et des maisons pour ses malades. Quand il se trouva au cœur du conflit, il refusa d’abandonner son poste, prit des risques importants pour lui et pour sa petite famille et tenta d’apaiser les tensions entre les belligérants, sans grand succès d’ailleurs. Les éditions Antipodes ont fait œuvre utile en publiant ce « Journal » à une époque où il est de bon ton de rejeter toute forme de colonialisme et de condamner sans appel toute tentative civilisationnelle d’un peuple sur un autre et même tout esprit philanthropique y afférant. Lire ce texte permet d’abord de découvrir un personnage hors-norme, d’un courage et d’une probité exemplaire et, en prime, de peut-être réviser certaines idées un brin stéréotypées sur la colonisation et la réalité des traditions ancestrales africaines. Une édition de qualité, illustrée de photos d’époque, mais avec un texte en caractères un peu trop petits pour un véritable confort de lecture. Passionnant néanmoins pour qui s’intéresse à l’Histoire de l’Afrique.
Ma note
4/5
FORTUNES ET INFORTUNES D’UN EXILE CAMBODGIEN (KIM ANG SRUN)
Le résumé du livre
En 1972, alors que le Cambodge est en pleine guerre civile et que les Khmers rouges sont presque arrivés aux portes de Phnom Penh, le jeune Kim obtient une bourse de l’OMS qui lui permet d’aller poursuivre des études d’ingénieur en génie civil à l’école Mohammadia de Rabat. Pendant qu’il y mène une scolarité un brin chaotique (il doit redoubler à deux reprises), sa famille, un peu aisée donc considérée comme contre-révolutionnaire, est déportée à la campagne pour y subir un destin tragique. Seule une sœur partie avant et deux de ses sept frères parviendront à échapper à la mort. Le bébé de la sœur aînée sera saisi par les pieds par un jeune Khmer rouge qui lui fracassera le crâne contre le tronc d’un arbre. Au Maroc, Kim est devenu apatride. Son passeport périmé ne peut pas être renouvelé. Il ne dispose plus que d’un permis de séjour valable un an. Son diplôme en poche, il trouve un poste de chef de service dans une société d’assainissement des eaux qui l’envoie en mission au Sahara occidental où il se retrouve bien vite enlevé et pris en otage par un groupe de rebelles du Front Polisario. Ne voulant pas avoir de problème avec ce « Chinois », ils se débarrassent de lui dès le lendemain en l’abandonnant en plein désert avec une bouteille d’eau…
Ma critique
« Fortunes et infortunes d’un exilé cambodgien » est une biographie retraçant le parcours atypique et largement semé d’embûches d’un jeune homme cherchant son destin d’abord au Maroc, puis au Nouveau Mexique (USA) et finalement en France. Ses débuts sont difficiles au Maroc où il accumule les ennuis et les déconvenues. Ainsi se retrouve-t-il un temps en prison pour avoir renversé et tué accidentellement un gamin qui s’était jeté sous les roues de sa voiture. Ainsi l’accuse-t-on du viol d’une jeune fille marocaine qu’il n’avait jamais rencontrée. Ainsi un commissaire de police lui propose-t-il de devenir indic pour lui éviter d’autres poursuites. Son niveau d’anglais étant insuffisant pour pouvoir être accepté dans une université américaine, il rejoint en France sa sœur et ses deux frères survivants. Il y trouvera un excellent accueil, passera un DEA et présentera une thèse qui lancera sa carrière d’ingénieur. Il se mariera avec une étudiante en arts plastiques coréenne, aura deux garçons qui feront d’excellentes études et ne reviendra au Cambodge que 40 années plus tard. Un témoignage émouvant, plein d’humilité, de courage et de sincérité. L’exemple même d’une insertion parfaitement réussie. En ces temps de séparatisme exacerbé, il est bien agréable de lire semblable histoire.
Ma note
4/5
EM (KIM THUY)
Le résumé du livre
Au temps de la colonisation, la France ne considérait pas le Vietnam comme une colonie de peuplement, mais plutôt comme une zone d’exploitation économique. Ainsi fit-elle arracher par des milliers de coolies des bambous sur des hectares pour les remplacer par des hévéas venus d’Amazonie pour pouvoir exploiter le caoutchouc. Mai, qui devait infiltrer la plantation d’Alexandre pour la ruiner, finit par tomber amoureuse du Français. Une petite fille sera le fruit de leur union. Ils l’appelleront Tam. Seule survivante de sa famille, elle sera sauvée par sa nourrice qui la cachera dans son village familial. Mais la nourrice sera tuée avec tous les siens par des soldats américains venus casser du Viet. Un pilote américain récupèrera l’enfant et la placera dans un orphelinat de Saïgon. Adulte, elle deviendra prostituée, « cong-haï » pour les GI. Louis est un métis de vietnamienne et de soldat noir, abandonné au pied d’un tamarinier. Une femme muette le recueille. Un cyclo-pousseur lui donne son nom, en souvenir du jazzman Louis Armstrong. À 6 ou 7 ans, il est déjà passé maître dans l’art de pêcher avec un crochet poissons, bagues ou portefeuilles, quand il découvre un bébé abandonné sous le banc sur lequel il dort. Il lui donne le nom de « em Hong », récupère un carton de nouilles pour lui faire un berceau et trouve une femme pour l’allaiter…
Ma critique
Plus qu’un simple témoignage, « em » se présente à la fois comme une série d’histoires vraies, une description de l’ambiance dantesque de la fin de la guerre du Vietnam et le récit d’une immigration réussie. Le lecteur y découvrira entre autres les immolations volontaires de bonzes s’arrosant d’essence avant d’y mettre le feu, l’opération « Babylift » initiée par le président Gérald Ford qui permit d’évacuer plus de 3000 enfants métis de soldats américains et la chute de Saïgon avec son ballet d’hélicoptères bondés d’américains et de vietnamiens évacués pour échapper aux représailles des troupes Viêt-congs investissant la ville. Le livre est également un réquisitoire subtil contre une guerre aussi sale qu’injuste. Une paix mal négociée entraina la division du pays en deux, mettant face à face un nord communiste et un sud capitaliste, deux frères ennemis, deux faces d’une même pièce. L’opération « Ranch Hand » vit les avions américains déverser sur le pays rien moins que 80 millions de litres de défoliants dont le sinistre agent orange. La jungle n’y résista pas, l’humain non plus, qui fut affecté de toutes sortes de maux (cancers, malformations congénitales, etc.). Seul le riz continua à pousser dans les rizières. Précis et élégant, le style de Kim Thuy permet une lecture rapide et agréable (une après-midi). Cet ouvrage passionnant et presque trop court se lit comme un roman que l’on quitte avec regret tellement les personnages sont touchants et tellement la souffrance, le courage et la résilience du petit peuple vietnamien sont émouvants. Magnifique.
Ma note
4,5/5
COMPOSTELLE, LE POUVOIR DU CHEMIN (FABIEN JUMELLE)
Le résumé du livre
À l’âge de trente-six ans, Fabien Jumelle décide d’opérer un radical changement dans sa vie. Il ne s’épanouit plus dans son travail. Il déteste la région où il vit et, bien qu’il soit devenu père d’un bébé d’un mois, il sent que son couple est en train de partir à vau-l’eau. Alors, il décide de se mettre au départ du chemin de Saint Jacques de Compostelle qu’il compte parcourir en totale autonomie, c’est-à-dire en campant ou bivouaquant le soir. Cela entraine un poids important de son sac à dos, d’où une fatigue supplémentaire. Et comme si cela ne suffisait pas, ce grand sportif ne se contentera pas des étapes classiques du Camino Frances. Il avalera ses 40 à 50 km par jour et plus de 100 sur son ultime tronçon avant l’arrivée à Saint Jacques. Il poursuivra même jusqu’à Lisbonne via Fatima.
Ma critique
Bien plus qu’un simple récit ou compte-rendu de voyage, « Compostelle, le pouvoir du chemin » est un témoignage de vie avec quelques hauts (de magnifiques victoires en course à pied longue distance) et beaucoup de bas (une enfance plus que bousculée, des erreurs de jeunesse et des amours difficiles voire contrariées). Avec une remarquable et admirable franchise, Fabien ne cache rien de ses joies et de ses peines à ses lecteurs qui se sentent immédiatement en empathie avec lui. Il alterne descriptions des étapes du chemin des étoiles avec celles de tranches de sa vie d’avant. Son histoire illustre parfaitement le pouvoir du chemin (tout l’inverse d’un chemin de pouvoir), celui de transformer complètement un homme, de faire d’un individu lambda une belle personne. « Le touriste exige. Le pèlerin remercie », dit le proverbe. Le chemin est en effet une voie d’humilité, de compréhension, d’entraide et de joie. Cet ouvrage est illustré de nombre d’adages et de maximes, ce qui lui donne un petit ton sentencieux. Pour moi, un des meilleurs et des plus touchants textes sur le pèlerinage. Seul léger reproche, la présence de trop nombreuses coquilles qui auraient dû être corrigées avant diffusion.
Ma note
4,5/5
LES REPROUVES (ERNST VON SALOMON)
Le résumé du livre
À la fin de la première guerre mondiale, le très jeune Ernst est encore un cadet de l’armée. Il ne pourra donc pas s’illustrer dans les tranchées. L’Allemagne vaincue est en proie à des troubles importants. L’auteur assiste à des exactions de la part de groupes révolutionnaires bolcheviques qui veulent déclencher une véritable guerre civile. Très vite, il s’engage dans l’armée qui a bien du mal à rétablir l’ordre dans le pays. Il se retrouve d’abord à Berlin, puis à Weimar et enfin du côté de Riga avec les Baltes pour faire face aux Lettons communistes et autres spartakistes qu’il faut débusquer à la mitrailleuse. Mais quand le gouvernement ordonne le cessez le feu et le retrait des troupes, il fait partie d’un groupe de soldats qui entre en rébellion et finit par se retrouver sous le feu croisé de l’armée régulière et des Rouges. 9 dixièmes des insurgés périssent dans un baroud d’honneur désespéré. Salomon réussit à ne pas se faire assassiner en cachant sa qualité d’officier, puis à s’enfuir de son lieu de rétention en troquant ses vêtements. Mais la lutte pour l’Allemagne ne fait que commencer. Avec quelques compagnons, ils cachent des armes, s’organisent en groupes d’auto-défense et tentent même d’aller récupérer la Haute Silésie attribuée à la Pologne !
Ma critique
« Les réprouvés » est un témoignage de première main sur une période fort troublée de l’histoire allemande. La guerre est finie et pourtant c’est très loin d’être la paix en Allemagne. Le traité de Versailles est considéré comme cruel et injuste. Les Français sont vus comme des occupants sales et peu respectueux des populations. Le territoire est amputé à l’est. Salomon va de tribulations en tribulations. Cet apprenti conspirateur plutôt naïf finit par ramasser cinq années de prison pour complicité dans l’assassinat de Walther Rathenau. La description des souffrances endurées lors de ses années de détention est assez hallucinante. À sa sortie, le livre s’achève avec l’apparition d’un certain Adolf Hitler. Le lecteur comprend mieux comment un pays humilié, ravagé par une guerre civile larvée et ruiné par une inflation démentielle (on compte par millions et par milliards de marks) a pu produire un tel personnage et une telle doctrine. Au total, un livre plus intéressant du point de vue document historique que littérature à proprement parler. Le style de Salomon assez peu léger amène une lecture un tantinet laborieuse, mais le propos mérite l’effort vu que la période pré-nazie est assez méconnue de ce côté du Rhin.
Ma note
3,5/5
ORAGES D’ACIER (ERNST JÜNGER)
Le résumé du livre
En janvier 1915, le jeune Ernst Jünger, à peine âgé de vingt ans, arrive sur le front quelque part dans la Champagne crayeuse non loin de la petite ville de Bazancourt. L’ambiance qu’il y découvre lui semble plutôt calme. Les temps de permission à l’arrière se passent en joyeuses beuveries parmi une population française amicale. Mais tout change soudainement quand il se retrouve du côté des Eparges. Là, c’est un véritable baptème du feu pour lui, un déluge de fer et de feu avec une hécatombe de soldats. Lui-même est blessé à la cuisse. Rétabli, il remonte sur le front à l’automne suivant du côté de Douchy, mais cette fois à titre de sous-officier. Il participe à la première bataille de la Somme où à nouveau il est blessé légèrement. Il s’illustrera ensuite à la bataille de Cambrai ainsi qu’à celle des Flandres. Il aura comme adversaire des Français, des Hindous, des Ecossais et des Néo-Zélandais. Il sortira vivant et décoré de toutes ces années de guerre mais avec sept blessures dont certaines fort graves et rien moins qu’une vingtaine d’impacts dans le corps.
Ma critique
« Orages d’acier » est le témoignage au jour le jour d’un soldat allemand lambda qui monte les échelons, subit toutes les épreuves de cette terrible guerre, le froid, la boue, l’humidité, les rats, les gaz, les pilonnages d’artillerie, les combats à la grenade ou au corps à corps avec un courage et une abnégation remarquable. Son récit assez brut de décoffrage reste dans la lignée d’ « À l’ouest rien de nouveau » d’Eric-Maria Remarque côté allemand ou des « Croix de bois » de Roland Dorgelès, voire du « Feu » d’Henri Barbusse côté français. Mais sans aucun romantisme ni pathos. Junger ne se plaint jamais. Il subit tout avec calme et constance. Il parle français, s’entend parfaitement avec les gens qui le logent et n’a pas le moindre mot haineux ou méprisant envers ses adversaires. Chevaleresque, il leur rend hommage pour leur courage et leur détermination quand certains sont ses prisonniers. Il est même très impressionné par la bravoure des Highlanders écossais. Son récit, qui n’est qu’une longue suite de combats, de descriptions de soldats blessés ou tués de toutes les manières possibles et imaginables, donne une idée de ce que nos anciens ont dû endurer des deux côtés de la ligne de front.
Ma note
4/5
SUR LES CHEMINS NOIRS (SYLVAIN TESSON)
Le résumé du livre
Après une vie aventureuse passée à courir le monde des sommets de l’Himalaya aux steppes de la Sibérie en passant par les déserts et les rizières de l’Asie, Sylvain Tesson a fini par se retrouver à un tournant de sa vie. Ayant abusé des boissons plus ou moins fortes, il entreprit d’escalader la façade du chalet d’un ami et fit une chute qui lui occasionna de multiples fractures ainsi qu’une paralysie de la moitié du visage. Après un long temps de coma et des mois d’hospitalisation, il décida d’une manière originale de rééducation : la traversée de la France du sud-est au nord-ouest c’est-à-dire du col de Tende à la frontière italienne à la pointe de La Hague, extrémité du Cotentin. Une randonnée pédestre de plus de deux mois entre le 24 août et le 8 novembre 2015.
Ma critique
« Sur les chemins noirs » est un récit de voyage doublé de réflexions philosophiques, politiques ou artistiques diverses et variées. Se voulant à la pointe du progrès et de la nouveauté, Tesson se découvre une aversion pour le goudron (il s’efforce de ne suivre que les chemins « noirs », les tracés fins des cartes IGN au 25 000e, sentiers, sentes, allées, drailles impraticables pour les engins motorisés), pour la manie du déplacement à tout prix, pour le tourisme de masse alternant ski l’hiver et plage l’été, pour les centres commerciaux, les ronds-points, les autoroutes, les téléphones portables autant de symboles d’un modernisme et d’un mondialisme envahissants. Il plaint cette France du désert rural, ces paysans qui se suicident de se retrouver sans avenir et sans espoir. Une réflexion de parfait réactionnaire… Ce livre charmant se dévore comme un roman. Il est court mais dense ne serait-ce que par toutes les allusions littéraires ou picturales. Qu’on y cherche pas un guide de randonnée ou un journal de bord. Tesson suit trop les voies de traverse, les sentiers de fantaisie. Il dort à la belle étoile tout en fréquentant les petits hôtels chaque fois que c’est possible. Il marche parfois en solitaire, mais est souvent escorté d’amis (Cédric Gras, Humann et autres) ou de Daphné, sa propre sœur sur certains tronçons. Au rythme lent de ses pas, l’ex-explorateur des horizons lointains découvre que l’aventure peut aussi se nicher dans un humble sentier de grande randonnée bien franchouillard !
Ma note
4/5
L’HÔPITAL (ALPHONSE BOUDARD)
Le résumé du livre
C’est l’été. Atteint de tuberculose, Alphonse, 26 ans, est admis à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. À peine arrivé, il doit abandonner ses chaussures, quitter ses vêtements civils qui prennent la direction de l’étuve. En échange, il reçoit des savates de taulard, une chemise rêche, sans col et sans bouton, un « froc de toile grise trop court ou trop long et une capote luisante d’usure. » Il pense avoir attrapé son bacille de Koch au mitard. Il partageait la cellule avec un Sénégalais prénommé Aboudou, sans doute contagieux qui n’arrêtait pas de tousser, cracher et postillonner. Ajouté à la maigre pitance, le froid et l’humidité, cela avait suffi à lui créer une volumineuse géode côté droit de son poumon et un voile opaque inquiétant côté gauche. Que faire pour passer le temps ? Alphonse bouquine, il dévore tous les livres qui lui tombent sous la main. Il attend une place dans le service de phtisiologie de Cochin…
Ma critique
« L’hôpital », sous-titré « Une hostobiographie », est une description résolument comique de la triste réalité de la condition des patients dans les hôpitaux, les sanatoriums et les centres de post-cures des années cinquante. Nul doute que ce livre pourra servir de référence pour les historiens de ce siècle et des prochains. La pénicilline et les antibiotiques venaient tout juste d’être découverts et l’on soignait encore les patients de façon aussi barbare qu’inefficace (ponctions, thoracoplastie, insufflation d’air sous la plèvre, etc.) Résultat : les patients croupissaient des mois et des années sans grande amélioration. Nombreux étaient ceux qui passaient l’arme à gauche. Boudard aurait pu livrer un témoignage sinistre et déprimant. En choisissant le rire rabelaisien, l’humour grinçant, la dérision, il réussit le tour de force d’amuser le lecteur avec un aussi piètre sujet. Ses descriptions de personnages allumés, hauts en couleurs (obsédés sexuels, poètes incompris, clochards azimutés et autres alcooliques invétérés) sont remarquables. Un peu moins drôle et un peu plus grinçant que « Cinoche », cet ouvrage procure un indéniable plaisir de lecture. Il faut impérativement lire ou relire la prose de ce brave Alphonse ne serait-ce que pour savourer son style et sa langue verte.
Ma note
4/5
LES DÉCOMBRES (LUCIEN REBATET)
Le résumé du livre
Journaliste et critique d’art, Lucien Rebatet se trouve en Allemagne au moment de la reprise de la rive droite du Rhin par les armées hitlériennes. Quelques années plus tôt, il avait fait partie des troupes françaises qui occupaient misérablement cette même Rhénanie. Il avait tenu la rubrique musicale puis littérature et cinéma à « L’Action Française », revue royaliste dont la vedette était Charles Maurras. À l’époque, personne ne croit qu’Hitler va réussir à se maintenir au pouvoir bien longtemps. Seul Maurras pressent le danger. Bien informé, Rebatet sait que la France n’est pas militairement en état de combattre efficacement l’Allemagne. Aussi est-il farouchement opposé à une guerre qu’il sait perdue d’avance. L’ennui, c’est qu’il se sent bien seul à prêcher le pacifisme. Même Maurras finit par se ranger du côté des bellicistes. Mobilisé, Rebatet commence la drôle de guerre du côté de Grenoble dans une unité de chasseurs alpins, puis est nommé à Paris dans les services secrets de l’armée avant de rejoindre une unité combattante vite mise en déroute faute de matériel et finalement de voir la fin des hostilités en Dordogne…
Ma critique
Présenté un peu partout comme « pamphlet violemment antisémite », « Les Décombres » n’est pas que cela. En effet, les trois quarts du livre présentent un témoignage assez intéressant sur le monde du journalisme d’avant-guerre. Toute une partie est consacrée à Charles Maurras qui semble avoir énormément déçu Rebatet. Une autre l’est à la drôle de guerre (la condition misérable du bidasse de base est fort bien décrite). Celle consacrée aux services de l’état-major se livrant à des occupations aussi ridicules que byzantines ne l’est pas moins. Quant au tableau du gouvernement de l’Etat Français à Vichy, il n’y a pas plus lamentable de médiocrité d’après l’auteur qui y retrouve nombre de profiteurs, magouilleurs et autres responsables de la débâcle. Pour fuir tous ces personnages qu’il exècre, Rebatet fuit Vichy et regagne Paris rejoindre ses rares amis et les colonnes de « Je suis partout ». Les deux parties violemment anti-sémites en début et fin d’ouvrage sont évidemment les moins intéressantes et même carrément indigestes à la lecture. On peut et on doit faire un détour ! Quant au personnage, même si on peut écouter son témoignage, il reste au bout du compte plutôt antipathique. Personne ne trouve grâce à ses yeux pas plus l’ouvrier du faubourg que la marquise emperlousée, pas plus le Juif que l’Anglais, pas plus le franc-maçon que le curé de campagne, pas plus l’homme politique que le journaliste de la presse capitaliste, pas plus le général que le ministre. Toute cette haine lui revint d’ailleurs en boomerang en 1945 lors de l’Épuration avec une condamnation à mort commuée en travaux forcés à perpétuité. Il suffit de lire cet ouvrage pour comprendre pourquoi.
Ma note
2,5/5
RÉVOLTÉE (EVGUENIA IAROSLAVSKAÏA-MARKON)
Le résumé du livre
Issue d’une famille aisée d’intellectuels juifs, Evguénia, née en 1902 à Moscou, est diplômée de l’enseignement supérieur. Elle parle quatre langues, le russe, l’allemand, le français et le yiddish, mais a des problèmes avec l’orthographe. D’abord journaliste de gauche, très enthousiasmée par la révolution d’octobre, elle en découvre très vite les limites et la qualifie même de réactionnaire. Très jeune, elle rencontre l’écrivain Iaroslavski avec lequel elle voyage en Europe et séjourne deux mois à Paris. Son compagnon tient à retourner dans sa patrie. Mal lui en prend, car il est très vite arrêté comme dissident et envoyé au Goulag où il sera exécuté suite à une tentative d’évasion ratée. Evguénia, qui refuse d’entrer dans l’administration soviétique, se met vendeuse de journaux à la sauvette. Fascinée par le monde des truands, elle va à leur rencontre et vit comme eux, dormant dans des parcs ou des immeubles abandonnés. Elle devient même voleuse professionnelle. Arrêtée plusieurs fois, elle se retrouve au bagne où elle survit en se prétendant diseuse de bonne aventure. Très rebelle, elle essaie d’organiser une révolte des prisonniers et donne de sa personne en agressant avec une brique Ouspenski, le directeur de la prison. Cet acte manqué lui vaudra une condamnation à mort.
Ma critique
« Révoltée » est le témoignage émouvant d’une femme invalide (amputée des deux pieds suite à un accident) qui ne se résout pas à accepter la monstruosité qu’est devenu dans les années 30 le bolchévisme. Elle pense que la pègre représente la seule classe sociale véritablement révolutionnaire. Pour elle toute révolution, une fois le pouvoir atteint, ne peut que devenir réactionnaire et conservatrice et qu’il faut donc immédiatement la combattre par tous les moyens, même les plus violents. Une sorte d’anarchisme extrémiste désespéré. Même si le lecteur peut ressentir une certaine empathie à la découverte de ce témoignage émouvant, il lui est difficile d’approuver autant les comportements que les attitudes de cette étrange passionaria. Si l’on en croit la quatrième de couverture, « c’est le Moscou et le Leningrad des marginaux, enfants des rues, ivrognes, prostituées, vagabonds, qu’elle nous fait découvrir ». Et pourtant le lecteur reste sur sa faim : cette réalité-là aurait mérité plus amples développements…
Ma note
3/5
BOY DIOLA (YANCOUBA DIEME)
Le résumé du livre
En juillet 2001, Aperaw, immigré sénégalais de première génération, revient au pays accompagné de ses fils dont l’auteur, Yancouba alors âgé de onze ans. Il veut leur faire découvrir leur terre d’origine, la Casamance. Ils séjournent dans le village natal du père, Kagnarou, en plein pays diola. Ils y restent le temps de découvrir un autre monde, bien différent de celui de la Seine- Saint-Denis où Aperaw est venu s’installer dans les années soixante. Ceci au terme d’un long parcours pendant lequel le jeune homme tenta d’abord sa chance à Dakar où il exerça quelques petits métiers peu lucratifs avant de réussir non sans peine à se faire embaucher sur un cargo en partance pour Marseille. Un membre de sa famille lui trouva finalement une place sur les chaînes de l’usine Citroën d’Aulnay sous Bois. Il y resta une dizaine d’années avant d’être renvoyé pour participation trop active à diverses grèves. Il tenta de rebondir comme marchand de bimbeloterie sur les marchés et termina sa carrière à l’entretien des avions sur l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Polygame, il était père de neuf enfants. Ses épouses travaillaient comme techniciennes de surface dans les hôtels de l’aéroport.
Ma critique
« Boy Diola » se présente comme le récit intimiste d’une vie d’immigré africain en banlieue parisienne, d’une lutte permanente pour la survie, la dignité et un avenir meilleur pour les enfants. Quelque chose au bout du compte d’assez banal car vécu par quelques millions d’autres subsahariens. Le lecteur ne peut qu’être rempli de compassion envers ce vieil homme qui, à la fin de sa « carrière », ne trouve plus de contrats d’intérim car trop vieux. Mais personne n’ose le lui dire ouvertement. Il découvrira aussi l’ambiance si exotique de la vie dans un village africain, et, entre autres, les méthodes « musclées » d’éducation des enfants. On use de la trique sans aucun complexe, la fameuse « chicote » ! Le récit n’est pas chronologique. L’auteur saute sans transition d’une période à une autre, raconte diverses anecdotes pas vraiment reliées les unes aux autres, le tout dans un style très parlé, très familier, sans recherche aucune. Un ouvrage qui pourra faire découvrir toute une communauté à celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, mais n’apprendra pas grand-chose à celles et ceux qui vivent avec.
Ma note
3/5
WHITE (BRET EASTON ELLIS)
Le résumé du livre
Nostalgique du cinéma des années 70, Bret se souvient avec délices et nostalgie de tous les films d’horreur dont il se délectait pendant son adolescence, tels « La maison des damnés », « Théâtre de sang » ou « Pantom of the paradise » de Brian de Palma. Alors qu’il n’est encore qu’un étudiant d’une vingtaine d’années, Bret est contacté par « Vanity Fair » pour qu’il écrive son premier article. Contre toute attente, son premier roman (« Moins que zéro ») paru alors qu’il n’a que 23 ans est tout de suite un énorme succès. Et pourtant cet opus ne comporte pas vraiment d’intrigue et ses personnages ne sont ni positifs ni sympathiques, mais parfaitement dans l’air du temps, c’est-à-dire nihilistes, cyniques et désenchantés. Un film en est tiré. Mais peu fidèle à l’esprit du livre, il est loin de rencontrer le succès escompté. Bret aura moins de réussite avec son deuxième opus « Les lois de l’abstraction » mais retrouvera à nouveau la réussite avec le troisième, le fameux « American Psycho » dont on tira un film qu’il trouve assez médiocre et même une comédie musicale…
Ma critique
Il est bien difficile de classer « White » dans une catégorie particulière. Ce n’est pas vraiment un roman, pas vraiment une biographie (encore que Bret Easton Ellis parle énormément de lui-même de son homosexualité qui semble l’alpha et l’oméga de son existence, de sa carrière et de ses fréquentations hollywoodiennes) et pas tout à fait un témoignage sur le monde de l’édition et du cinéma (quoi que les potins, ragots et historiettes sur toutes sortes de stars ne manquent pas). Certains passages raviront le lecteur curieux : par exemple tous ceux consacrés à l’élection de Donald Trump avec la stupeur et l’effroi des milieux bobos américains, choqués au point de le rejeter pour un tweet dans lequel il s’étonne de leurs réactions aussi idiotes que sectaires. Et également les portraits de Charlie Sheen, alcoolique et drogué, de Tom Cruise, dépressif avant de basculer dans la scientologie, et de Kanye West, ostracisé et considéré comme dément pour avoir déclaré que Trump pouvait être considéré comme un président acceptable. Dans l’ensemble, un bouquin agréable à lire pour qui n’est pas révulsé par les potins type Voici-Gala et le nombrilisme homo, mais pas vraiment du niveau de ses deux meilleurs, « Glamorama » et surtout « American psycho ».
Ma note
3/5
UNE FUMÉE SUR LE TOIT (EDOUARD ROY)
Le résumé du livre
Charlou est un pauvre paysan de la région de Carmaux. Son père d’abord sabotier a essayé de se reconvertir comme vendeur de chevaux mais sans grand succès. Dès l’âge de 12 ans, il doit quitter la petite ferme familiale pour aller s’engager à la mine. Il y travaillera de 1889 à 1929 à l’entretien des chevaux puis comme porion. De trop petite taille, il est dispensé de service militaire et échappe à la grande boucherie de la Première Guerre Mondiale. Il se marie avec Orancie qui sera sa fidèle compagne pendant des années. Ils n’auront qu’une fille car Orancie, victime d’un très grave accident ne pourra plus avoir d’enfant. À la fois mineur et paysan, Charlou mènera une double vie. Double travail, double peine. Il connaîtra les grands mouvements sociaux de l’époque, verra l’armée tirer sur le peuple et découvrira l’exploitation, la misère de ceux et celles qui n’ont pas comme lui quelques arpents de terre et quelques animaux qui lui permettront de toujours améliorer l’ordinaire, ce qui sera particulièrement le cas pendant l’Occupation.
Ma critique
« Une fumée sur le toit » n’est pas un roman de terroir, mais l’authentique témoignage, vivant et poignant, d’un homme simple, honnête et courageux. Edouard Roy a recueilli et scrupuleusement noté les récits de Charlou. L’ensemble est un peu décousu, un peu brut de décoffrage. L’auteur fait parler à la première personne tantôt Charlou, tantôt Orancie, ce qui permet au lecteur de se faire une bonne idée de ce que fut la vie des personnages dans une époque difficile. Il ne pourra qu’apprécier à sa juste valeur la sagesse de cet ouvrier-paysan qui analyse le monde de la mine et toute la société avec son bon sens et surtout son humour modeste. Ouvrage très frais, très agréable, pétri de valeurs traditionnelles et si loin du cynisme, du laisser-aller et de la lâcheté actuels !
Ma note
4/5
NOS TRENTE ANS, LA SÉRIE COMPLÈTE (ARTHUR DREYFUS)
Le résumé du livre
Quelques trentenaires sans doute assez représentatifs de leur tranche d’âge donnent librement leur avis sur différents sujets. Le résultat est plus ou moins surprenant. « L’amour, c’est comme une table ou une chaise… L’amour, c’est dans le c… L’amour, c’est une structure… La première cause de souffrance dans le monde… Une solution pour rejeter sa misère sexuelle… La politique, c’est fait pour changer le monde… Tout est politique… La politique, c’est être à cinq euros près à la fin du mois… La politique, ça sert à rien… J’ai milité et j’ai pas fait changer les choses… C’est un club, la société… Ne pas détruire la planète… Limiter le nucléaire…
Ma critique
« Nos trente ans, la série complète » est un ouvrage audio difficilement classable ou définissable. Disons que c’est surtout un document brut de décoffrage qui pourrait éventuellement servir à quelques sociologues ou psychologues voulant analyser les tendances et aspirations particulières de cette génération. Tel que présenté, l’ensemble donne à réfléchir autant qu’il agace. En début de séquence (chapitre ?), l’auteur lance un thème (l’amour, le travail, la politique, vivre et mourir, la famille, le mérite, le futur) et les gens parlent sans même se présenter. À force de les écouter, on finit par les situer un peu, surtout celles et ceux qui se racontent beaucoup. S’expriment entre autres, un apprenti comédien, un fils d’immigré marocain qui a réussi, un homosexuel un peu honteux, une femme déçue de l’amour assumant sa frigidité, un fils à papa, une fille à maman et une grand-mère qui intervient sans doute à titre de contre-exemple. Platitudes, lapalissades, truismes, clichés, abondent. Chacun voit midi à sa porte. Beaucoup ressortent le prêchi-prêcha des médias. Quelques-uns s’évertuent à vouloir à tout prix sortir de l’ordinaire, à choquer le bourgeois. Pendant près de six heures, l’auditeur a l’impression d’être à la terrasse du café du commerce, dans un apéro entre copains ou à subir un micro-trottoir interminable. Pour une réflexion un peu élevée, quelle quantité de sottises ! Et bien sûr, dans le cas précis, inutile de parler de littérature.
Ma note
2,5/5
J’AI CHOISI D’ÊTRE LIBRE (HENDA AYARI)
Le résumé du livre
D’origine algéro-tunisienne, Henda Ayari est née en France. Chaque été, elle va passer ses vacances en Tunisie. À neuf ans, elle se retrouve victime d’une tentative de viol de la part d’un de ses cousins. Un peu plus tard, elle découvre l’Islam Salafiste par le biais de converties d’origine française. Elle se recouvre alors du voile intégral par conviction alors que sa famille est assez peu pratiquante. Elle n’a pas encore terminé ses études de sociologie quand ses proches organisent son mariage avec un Tunisien salafiste nettement plus âgé qu’elle. Il lui fait croire qu’il a un emploi dans un magasin de matériel informatique et qu’il aménage un appartement pour leur future vie de couple alors qu’en réalité il vit d’aides sociales et de petits trafics et habite toujours chez ses parents. Mais quand Henda découvre la triste vérité alors, il est trop tard. Elle se retrouve mariée et quasi prisonnière d’un homme lâche, menteur et hypocrite. De plus, elle est bientôt enceinte de son premier enfant et, pour ne rien arranger son mari commence à la frapper…
Ma critique
« J’ai choisi d’être libre » est le témoignage émouvant et même bouleversant d’une femme dont on a abusé de la naïveté. Elle s’imaginait par exemple que porter le nicquab était le plus sûr moyen de gagner le paradis d’Allah. La route pour récupérer sa liberté fut un long chemin semé d’embûches et de difficultés de toutes sortes. Heureusement pour elle, la République fut bonne fille. Elle fut soutenue par avocats et assistantes sociales et eut même droit à un emploi réservé au Ministère de la Justice. La lecture de ce livre bien écrit et facile à lire grâce au style de la co-auteure, Florence Bouquillat, apprendra sans doute énormément aux lecteurs non avertis sur les mœurs étranges des tenants du salafisme. Son combat fut exactement le même que celui d’une adepte voulant échapper à l’emprise d’une secte. On ne peut qu’admirer le courage et la détermination de cette femme !
Ma note
4/5
DEALER DU TOUT-PARIS (GÉRARD FAURE)
Le résumé du livre
Né au Maroc de mère maghrébine et de père français, Gérard se révéla très vite un garçon difficile et rebelle à toute autorité. Bien qu’issu d’une famille très aisée, son père médecin était un intime du roi, très jeune, il commença à fuguer, à trainer avec des voyous dans les rues de Casablanca et même à voler. Il se fait la main en pillant les troncs des églises et commence très jeune une vie de délinquance. Il se lance dans le trafic de cannabis, fait de la prison. Devenu tireur d’élite suite à son passage dans l’armée, il exécute quelques basses œuvres comme l’élimination de terroristes de l’ETA pour le compte du SAC de Charles Pasqua avant de devenir un des proches de grands truands comme Gaétan Zampa et Francis le Belge. C’est le faussaire Fernand Legros qui l’introduira dans les milieux parisiens les plus huppés où il deviendra le dealer préféré de la jet-set, des artistes et des hommes politiques…
Ma critique
« Dealer du Tout-Paris » est un témoignage relatant toute une vie de truanderies diverses et variées. Fauré a sévi dans bien des domaines et dans pas mal d’endroits (Maroc, Espagne, Pays-Bas et France). Il a payé sa dette avec 18 années de prison et semble maintenant décidé à se ranger des voitures, du moins le déclare-t-il en fin d’ouvrage. Le lecteur qui s’attend à des révélations croustillantes sur les grands de ce monde en sera un peu pour ses frais. En dehors de Chirac, Pasqua, Philippe Léotard, Hallyday, de Niro, Grace Jones, Fiona Gélin, Sagan, Mourousi ou Delarue, il n’implique en fait que très peu de « people », la plupart du temps décédés. Lesquels pourront donc difficilement contester s’être approvisionné chez lui. C’est d’ailleurs le point faible de ce récit qui se lit comme un roman malgré un style peu travaillé. Tout y semble rocambolesque, incroyable et parfois même invraisemblable. Ces aventures sont tellement extraordinaires qu’elles en deviennent difficilement crédibles. Même en se disant que la réalité dépasse souvent la fiction, on ne peut s’empêcher de se demander si l’auteur ne serait pas un tantinet mythomane sur les bords en plus d’être « un voyou infréquentable », comme il se qualifie lui-même.
Ma note
3/5
LES SECRETS D’UN GUÉRISSEUR (JEAN DAURILLAC)
Le résumé du livre
Jean Daurillac est un guérisseur généreux et talentueux. Il est capable par imposition des mains de « barrer le feu » c’est-à-dire de soulager les souffrances d’une personne brûlée. Il sait utiliser les pouvoirs de l’argile, recueillir la rosée qui lui permettra de préparer onguents, baumes et élixirs floraux. Il a une parfaite connaissance des vertus des plantes qu’il propose en macération, décoction ou infusion et sait user de toutes sortes de méthodes ancestrales pour magnétiser et calmer toutes sortes de maux. Modeste, il déclare vouloir se consacrer à réduire les douleurs et non pas à soigner. Il sait renvoyer les malades vers les médecins classiques quand c’est nécessaire. En un mot, c’est un guérisseur exemplaire qui ne veut pas que l’on dise qu’il a un don. Pour lui, tout le monde pourrait en faire autant. Il suffirait d’en prendre conscience et de travailler.
Ma critique
« Les secrets d’un guérisseur » se présente comme une sorte de longue interview menée par une journaliste qui reste anonyme du début à la faim. Daurillac explique ses pratiques qui peuvent paraître aller du vérifiable et quantifiable au plus ésotérique. Le lecteur rationaliste ou cartésien pourra aisément douter de l’efficacité réelle de certaines d’entre elles. L’intérêt du livre réside dans la révélation de « secrets » (ou plutôt de pratiques voire de trucs) que guérisseurs, magnétiseurs ou rebouteux aiment plutôt garder pour eux. « Un guide indispensable pour ceux et celles qui veulent apprendre comment soigner, se soigner et guérir autrement », proclame la quatrième de couverture. Il semble plutôt que ce soit une initiation, une présentation sommaire de méthodes qui mériteraient une étude et un développement plus important. Néanmoins agréable et facile à lire pour qui s’intéresse un peu au sujet.
Ma note
3,5/5
MÉMOIRES BARBARES (JULES ROY)
Le résumé du livre
Né en 1907 à Rovigo (actuellement Bougara) en Algérie, Jules Roy, enfant illégitime, passa son enfance à la campagne avant d’entrer au petit séminaire où il restera huit années. Il intégra le corps des tirailleurs algériens puis celui de l’armée de l’air. D’abord pétainiste (il publia un livre à la gloire du maréchal), il change de camp en 1942, passe en Angleterre et entre dans la Royal Air Force. Il effectuera plus de 36 missions de bombardement de nuit sur la Ruhr en Allemagne. Il poursuit sa carrière militaire en Indochine à titre d’officier de communication. Mais en juin 1953, il démissionne alors qu’il est colonel, car il estime que l’armée se déshonore à vouloir rétablir la colonisation par la force. Parallèlement, il commence à publier des ouvrages de témoignage qui déplaisent à l’armée et est envoyé en mission d’enquête en Algérie et en Chine pour le compte de l’hebdomadaire « l’Express ». Il n’arrive pas à rencontrer Mao Tsé Toung pas plus qu’à suivre les étapes de la « Longue marche » et rentre très déçu de ce qu’il a vu. À la fin de sa vie, il se retire sur la colline de Vézelay, non loin de la basilique de Sainte Madeleine…
Ma critique
« Mémoires barbares » est un livre de souvenirs en forme d’autobiographie qui se veut honnête et qui reste assez discrète sur la vie sentimentale assez compliquée de l’auteur. Le lecteur suivra avec grand intérêt tous les évènements auxquels Jules Roy se trouva mêlé : seconde guerre mondiale, (le récit des bombardements au phosphore des villes allemandes est proprement hallucinant), la guerre d’Indochine, celle d’Algérie, le retour du général de Gaulle sans parler des arcanes du monde littéraire parisien pendant un demi-siècle. L’auteur ayant rencontré la plupart des auteurs de l’époque en trace une série de portraits souvent au vitriol. Il fut un habitué des soirées de Florence Gould et de Louise de Vilmorin. La liste est longue des écrivains et des hommes politiques qu’il dépeint : Morand, Nimier, Léautaud, Paulhan, Montherlant, Mauriac, Malraux, Camus, Kessel, Saint-Exupéry, de Gaulle, Mitterand. Personne n’échappe à son regard acéré voire impitoyable. Malraux est sans doute celui qui en prend le plus pour son grade pour sa mythomanie. Seul Camus et Saint-Exupéry trouvent grâce aux yeux de Jules Roy. Le style est bien entendu, de fort belle qualité. Les analyses sont fines et intelligentes. Au total, un livre absolument passionnant.
Ma note
4/5
MÉMOIRES DE SEPT VIES / CROIRE ET OSER (JEAN-FRANÇOIS DENIAU)
Le résumé du livre
Au cours d’une existence incroyablement remplie, Jean-François Deniau fut chargé par plusieurs hauts dirigeants français ou étrangers des missions les plus diverses et les plus périlleuses. Il fut entre autres négociateur pour la Commission Européenne, homme des missions les plus secrètes et les plus délicates comme (par exemple) libérateur d’otages en Bosnie pour des pilotes capturés ou en Afrique noire pour une religieuse embastillée par les soins des sbires de Bokassa. Tour à tour marin, ministre, diplomate, baroudeur (il a passé clandestinement d’innombrables frontières pour rejoindre des maquis), envoyé spécial, écrivain ou académicien, il se retrouva défenseur du Liban, spécialiste de la Yougoslavie et expert de la politique agricole commune à Bruxelles. Véritable homme-orchestre qu’aucune détresse ne laissait indifférent, on le retrouva sur tous les théâtres d’opérations du Liban à l’Afghanistan, en passant par la Tchétchénie, la Bosnie et tant d’autres…
Ma critique
Avec pudeur et élégance, il nous livre une deuxième fournée de ses Mémoires, faites de rencontres exceptionnelles, de combats toujours pour la bonne cause, de réflexions politiques aussi élevées que désabusées, de rêveries et autres réflexions plus ou moins philosophiques. Personnage extraordinaire de courage et de générosité, chevalier des temps modernes, Deniau devait peut-être à sa foi et à ses lointaines origines irlandaises et serbes, ce goût de l’aventure sous toutes ses formes, cette passion dévorante d’aider les plus démunis et cette volonté de s’intéresser à tout. Rien ne l’arrêta, ni la maladie qui le frappa cruellement à de très nombreuses reprises, ni l’incompréhension de ses pairs, ni les basses manœuvres de la politique politicienne. Il voulut réaliser son rêve d’enfant : aller au bout de ses sept vies. Une magnifique leçon de courage, de volonté, d’altruisme et d’abnégation. Un ouvrage intéressant pour les amateurs d’histoire et de géopolitique contemporaine (sur la période 1945-1995), écrit au fil de la plume, sans souci d’ordre chronologique et sans jamais tomber dans les travers de l’effet facile ou de l’indiscrétion.
Ma note
4/5
MÉMOIRES DE SEPT VIES / LES TEMPS AVENTUREUX (JEAN-FRANÇOIS DENIAU)
Le résumé du livre
Issu d’une famille de viticulteurs et de forestiers, établie depuis plus de quatre siècles en Sologne sur le domaine de Chambord, Jean-François Deniau eut une vie des plus aventureuses. Il fut étudiant pendant la seconde guerre mondiale et volontaire pour l’Indochine, homme politique, ambassadeur, ministre, commissaire européen, député, président du Conseil général du Cher, essayiste, romancier et membre de l’Académie française. Il fut aussi navigateur émérite, envoyé spécial dans des zones de combats et soutien de peuples opprimés tels les boat people. Il échappa onze fois à la mort et subit un très grand nombre d’interventions chirurgicales particulièrement lourdes. Hors normes dans le paysage politique français, et même carrément électron libre pour les partis de droite, il faisait de la politique en ne se souciant que de servir et non de se servir et sans jamais chercher à faire carrière. Un juste, une sorte de chevalier des temps modernes.
Ma critique
« Les temps aventureux » est le premier des deux tomes de ses mémoires. Il relate la première partie de sa vie, sa jeunesse, ses études et ses premiers pas dans la carrière. Il comporte sept chapitres qui, même s’ils suivent un relatif ordre chronologique n’en demeurent pas moins écrit apparemment un peu au fil de la plume. Deniau reste d’une grande discrétion en ce qui concerne sa vie privée. Il préfère nettement relater toutes sortes d’anecdotes réelles ou inventées. (Difficile avec lui de savoir où se situe la frontière entre réalité et fiction). Il faut dire qu’avec une vie aussi riche et aussi remplie en aventures et rencontres (l’auteur a côtoyé les grands de ce monde Adenauer, Pompidou, Giscard, Kissinger, Jean Monnet, Kroutchev, Louise de Vilmorin, François-Poncet et tant d’autres), il y a forcément ample matière à raconter. Ce touche-à-tout de génie, membre de l’Académie Française, qui fut aussi un grand romancier, se révèle également excellent mémorialiste même si son élégance et sa discrétion pourront décevoir les amateurs de révélations inédites.
Ma note
4/5
L’HOMME QUI MARCHE (JEAN BELIVEAU)
Le résumé du livre
Le 18 août 2000, Jean Béliveau quitte le Québec avec 4000 $, un petit tricycle à bagages et le rêve fou de faire le tour du globe à pied. Quelque 75 500 km, 4077 jours et 64 pays plus tard, le marcheur de 55 ans termine son incroyable voyage. Après une marche de 11 ans et 2 mois, Jean Béliveau rentre à Montréal, le 16 octobre 2011. Tout avait commencé par une terrible tempête de glace et le ralentissement de son affaire d’enseignes lumineuses. Puis une lente dépression et un jour, pendant un jogging, cette question : « Combien de temps lui faudrait-il pour rejoindre New-York, le Texas, le Mexique en courant ? Très vite, sa décision est prise. Plutôt que de se suicider, il va partir traverser les cinq continents. Et là, il a senti la force se répandre en lui…
Ma critique
« L’homme qui marche » est le récit d’une expédition hors norme, d’un voyage au bout de soi-même, aux confins de la solitude et de la folie. Combien de traversées de déserts, combien de souffrances, de peines, de larmes mais aussi de rencontres, d’accueil, d’entraide, de solidarité de la part d’inconnus rencontrés un peu partout. Le lecteur découvrira nombre de pays sous un aspect bien différent que celui renvoyé par les médias. Une Afrique du Sud bien éloignée du mythe de la nation arc-en-ciel, une Egypte où des patrouilles de police l’escortent tout au long de son périple, mais aussi un Iran hospitalier et chaleureux dans lequel les jeunes sont curieux de tout ce qui se passe en dehors de leurs frontières. Sans parler des « sauts de puce » obligatoires pour raisons de conflits ou de situations politiques délicates comme l’impossible traversée de la Libye, de l’Afghanistan ou du Pakistan. Un ouvrage bien écrit, passionnant, magnifique, qui se dévore littéralement en laissant un peu le lecteur sur sa faim. Il comprend que l’auteur ait dû condenser onze années de vie intense en 247 pages et ait dû élaguer. Un cahier avec quelques photos aurait été le bienvenu également.
Ma note
4/5
L’ESPRIT DU CHEMIN (EDOUARD CORTES)
Le résumé du livre
Grand marcheur devant l’éternel, Edouard Cortès, écrivain et journaliste, a de nombreuses expéditions à son actif. Une traversée du Caucase à pied, un pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle en solitaire en 1999, puis un autre en Terre Sainte avec son épouse en 2007 et, pour finir, un dernier à Rome, en famille avec leurs trois filles en 2012. Ainsi, à titre de jacquet, romieu et paumier, s’interroge-t-il sur l’esprit du chemin. Qu’est-ce qui pousse tant d’êtres humains à prendre sac, bourdon et calebasse et à partir à pied sur d’interminables kilomètres vers l’un des hauts lieux de la chrétienté ? Pourquoi souffrir du froid, de la chaleur, endurer la fatigue, attraper tendinites ou ampoules et supporter de précaires conditions d’hébergement ? Et comment vivre cette expérience unique, faire des rencontres et finalement rentrer au bercail bien différent de l’être qu’on était au départ et arriver à réintégrer l’agitation de la vie ordinaire ?
Ma critique
« L’esprit du chemin » n’est pas vraiment un témoignage, ni un récit de voyage, ni une transcription de journal de bord, mais plutôt une suite de réflexions philosophiques ou théologiques et d’anecdotes tirées du vécu de l’auteur. Lequel n’hésite pas à prendre à témoin toutes sortes d’autres pèlerins ayant témoigné dans les temps anciens. Ainsi découvre-t-on au fil de cette lecture que finalement peu de choses ont changé le long de tous ces pèlerinages. Les hommes sont restés les mêmes. Leurs motivations ont peu changé. Plus de 40% des arrivants à Santiago déclarent avoir marché pour des raisons religieuses encore aujourd’hui. Le chemin continue à appeler. Ces paysages, ces cailloux, ces sanctuaires modestes ou majestueux attirent toujours autant. L’essentiel reste pourtant le chemin, le « Camino » et son esprit qui reste magique, essentiel, que l’on soit croyant ou non. Le secret n’est-il pas de chercher à vivre l’instant présent, de lâcher prise au rythme lent de la marche et d’en revenir aux besoins essentiels de la condition humaine ? Livre agréable à lire, bien écrit et plein de références intéressantes. (Une importante bibliographie en fin d’ouvrage permettra d’approfondir la question).
Ma note
4/5
LES CHIENS D’HIMMLER (FRANÇOIS-ALBERT VIALLET)
Le résumé du livre
En juin 1940, dans une France battue et envahie, François-Albert Viallet est arrêté par des agents de la Gestapo en compagnie d’un camarade. Commence alors pour les deux Français un long périple, en voiture et en train, qui les mènera jusqu’à Berlin, après plusieurs étapes dans diverses prisons (Wiesbaden, Mayence et Francfort). Dans la capitale du Reich, le narrateur se retrouve dans la prison de la préfecture de Police, à l’Alexanderplatz. Pendant plus de quatre mois, il croupit dans le dépôt numéro 1, surnommé « la cuisine du diable », avec 400 autres prisonniers « politiques » dans des conditions effroyables de crasse et de promiscuité, les lieux étant prévus pour une vingtaine de détenus. Torturé par la faim et rongé par la vermine, l’auteur observe que tout le monde ou presque a été arrêté de façon arbitraire. Ainsi le doyen, Juif de 83 ans, s’est retrouvé raflé pour s’être promené dans la rue à une heure tardive. Partout, une stricte hiérarchie raciale a été décrétée par les nazis : les prisonniers allemands sont toujours les premiers et les mieux servis et font également office de kapos, souvent pires que les gardiens officiels. Tout en bas de l’échelle sociale, se retrouvent les Polonais et les Juifs.
Ma critique
« Les chiens d’Himmler » est à la fois le témoignage d’un homme ayant passé une vingtaine de mois dans les geôles nazies et un essai sur le système judiciaire et carcéral hitlérien. Il faut attendre la moitié de l’ouvrage pour savoir pour quelles raisons, F-A Viallet s’est retrouvé dans cette pitoyable situation. On le soupçonne d’espionnage et de complicité avec des antinazis allemands. En réalité, journaliste polyglotte (il servira d’ailleurs de traducteur aux Allemands), il lui est reproché d’avoir écrit avant guerre certains articles peu favorables au régime. La lecture de cet ouvrage publié en 1945 et donc vraisemblablement écrit « à chaud » et « à charge » est assez pénible voire laborieuse. Que de haine ! Que de souffrances ! Que d’absurdités kafkaïennes ! Quel manque d’humanité ! Tout comme le KGB d’autre sinistre mémoire, la Gestapo fonctionnait selon le principe monstrueux et totalitaire du « tous coupables », aussi extravagantes ou invraisemblables que puissent être les charges. Le tout étant de ne pas tomber entre leurs pattes, vu le peu de chances de s’en ressortir… Heureusement pour l’auteur, il parviendra à s’évader d’une façon totalement improbable et fort mal expliquée d’ailleurs. Ouvrage utile à titre de document pour la recherche historique, registre totalitarisme, propagande et manipulation des masses.
Ma note
2,5/5
L’HOMME QUI VOULAIT VOIR TOUS LES PAYS DU MONDE (ANDRÉ BRUGIROUX)
Le résumé du livre
S’il est un homme qui peut se targuer d’avoir réalisé, adulte, tous ses rêves d’enfant, c’est bien André Brugiroux. Surnommé « le pape des routards », il a d’abord bouclé en dix-huit ans d’auto-stop, bateau-stop et autres subterfuges peu onéreux, un incroyable tour du monde. Puis au fil des ans, des occasions et des conférences, il a réussi à poser son sac dans presque tous les pays du monde. Seule, l’Arabie Saoudite s’est longtemps refusée à lui, mais, il a réussi récemment, grâce à un concours de circonstances quasi miraculeux, à accrocher ce dernier trophée à son tableau de chasse de globe-trotteur ! Et tout ça, à raison d’un seul dollar par jour, sans jamais devoir payer pour coucher à l’hôtel (sauf quand c’était absolument obligatoire comme en URSS ou en Corée du Nord), sans se munir du moindre canif (en signe de non-violence assumée), ni d’une simple gourde même en plein désert (pour toujours devoir s’en remettre au bon vouloir de l’Autre).
Ma critique
« L’homme qui voulait voir tous les pays du monde » est un témoignage passionnant et époustouflant de toute une vie passée sur les chemins dans une quête assez unique de cette totalité de voyages qui vise le Livre des Records et frise un tantinet la monomanie. En effet, il reste à Brugiroux un lieu non visité, les îles Chagos, base militaire US vidée de ses habitants. Lire ces aventures permet d’apprendre pas mal de choses sur la réalité de pays dont le lecteur n’a souvent qu’une idée faussée par la présentation tendancieuse qu’en font nos médias. Que de péripéties, que de dangers, que de rebondissements, que de souffrances pour arriver à pareil résultat. L’auteur en tire la leçon suivante : « La terre n’est qu’un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens », précepte proclamé par Bahà’u’llàh, fondateur d’une religion universelle dérivée de l’Islam et prônant un idéal de paix par la gouvernance mondiale. Ouvrage que l’on conseillera aux amateurs d’aventures loin des sentiers battus touristiques, aux rêveurs de grands espaces, tout en se permettant deux petits reproches. Bien des lieux mériteraient de plus amples développements. L’auteur aurait pu en profiter pour réduire la durée de ses prêchi-prêcha baha’istes un brin lassants. L’enfer « mondialiste » est pavé de si bonnes intentions…
Ma note
4/5
UNE FEMME BLESSÉE (SUSAN STANFORD)
Le résumé du livre
À Chicago, Susan, 26 ans, professeure de psychologie en faculté, voit son mariage avec Franck, brillant juriste, se déliter peu à peu. Quand elle lui pose la question cruciale de savoir si elle peut espérer agrandir un jour la famille, il refuse en se disant pas prêt à être père. Le couple finit par se séparer. Susan rencontre un autre homme dont elle tombe enceinte. Ne se sentant pas la force de garder cet enfant conçu hors mariage, elle se résigne à avorter. Le traumatisme est tel pour la malheureuse qu’il lui faudra de longues années avant de retrouver le goût de vivre et de regagner la surface grâce à l’amitié de ses proches et surtout à la découverte du pardon et de l’amour divin. Elle doit bientôt quitter un poste de doyenne de l’Université pour ouvrir un cabinet de consultations psychologiques à Detroit où elle s’efforce d’aider d’autres femmes traumatisées par l’épreuve de l’avortement. Elle pratique ainsi une totale reconstruction « psychique et spirituelle » qui porte souvent de très beaux fruits.
Ma critique
« Une femme blessée » se présente comme le très émouvant témoignage d’une femme honnête et intelligente. À la lumière d’une expérience aussi douloureuse que traumatisante, elle parvient à nous faire partager avec sensibilité et ferveur un message de foi et d’espoir en la vie et en la miséricorde divine laquelle permet aux femmes de se pardonner et de se faire pardonner. Ce chemin de résurrection peut être long et douloureux. Les séquelles psychiques de ce geste terrible pouvant être aussi nombreuses que la dépression nerveuse, le chagrin persistant, le remords chronique, les maladies psychosomatiques, les abus de drogues ou d’alcool et même les tentatives de suicide sans parler de celles purement physiques comme les possibles fausses couches ou grossesses extra-utérines. Un livre important sur une question aussi cruciale que vitale et nettement moins simple que voudraient le faire croire les tenantes de l’IVG fraîche et joyeuse.
Ma note
4,5/5
LA FOSSE AUX SERPENTS (MARY JANE WARD)
Le résumé du livre
Dans les années cinquante de l’autre siècle, à New-York, Virginia Cunningham, jeune journaliste souffrant de dépression nerveuse (aujourd’hui, on parlerait plutôt de « burn out »), accepte de se faire interner volontairement dans un hôpital psychiatrique qui se présente comme un établissement de cure ou de repos de premier ordre. À peine est-elle arrivée que le cauchemar commence. Rien n’est épargné à la pauvre Virginia, ni la tenue de bagnarde, ni la nourriture infecte, ni les douches collectives où il faut se savonner avant de se mouiller, ni la camisole chimique, ni surtout les monstrueuses séances d’électrochocs qui sont une inhumaine torture parfaitement inutile. Ce calvaire durera des mois. La malheureuse aura toutes les peines du monde pour arriver à échapper à cet enfer…
Ma critique
« La fosse aux serpents » est un témoignage bouleversant et totalement véridique sur la condition des patients traités en psychiatrie dans ces années-là. Le personnel soignant semble n’avoir qu’une obsession : exercer un pouvoir absolu, réduire à néant toute volonté, nier totalement la personnalité du malade. À la plus petite incartade, les sanctions tombent dru : enfermement, camisole de force, nuit dans des draps mouillés, douches glacées, etc. La lecture d’un tel document permet de mesurer l’évolution qu’a suivie la psychiatrie et de se poser bien des questions sur la nature humaine, sur la fragilité de son psychisme (Virginia en était arrivée à ne plus savoir depuis combien de temps elle était enfermée, ni à quel moment de la journée elle se trouvait, ni même à reconnaître son mari venu lui rendre visite). Et de toutes les questions que pose cet ouvrage, il en est une particulièrement irritante car insoluble : où se situe la frontière entre normalité et maladie mentale ?
Ma note
4/5
J’AI SERVI LE ROI DU NÉPAL (ERIKA KATE LEUCHTAG)
Le résumé du livre
En 1939, Erika Kate Leuchtag est une physiothérapeute allemande qui exerce son art en Inde auprès de malades plutôt illustres. Dix ans plus tard, elle est invitée à venir soigner l’une des deux reines du Népal, pays totalement fermé aux étrangers. Elle fait la connaissance du roi Tribhuvana qui lui semble très agréable mais également complètement oisif. Comme elle s’étonne qu’il semble n’avoir jamais rien à faire, il lui répond que depuis plus d’un siècle, la famille Rana a confisqué le pouvoir pour exercer une sorte de dictature complètement rétrograde. Lui souhaiterait pouvoir ouvrir son pays à la démocratie et à la modernité, mais il n’y arrivera pas sans aide. Ce sera l’occasion pour Erika de se trouver en position d’intermédiaire avec l’Inde et ainsi de jouer un rôle capital dans les destinées du Népal.
Ma critique
« J’ai servi le roi du Népal » est un témoignage historique tout à fait intéressant et singulier. En effet, il n’est pas commun de voir un roi, considéré par son peuple comme une réincarnation de Bouddha, être à l’origine d’une révolution et comploter contre son premier ministre, lequel n’est qu’un autocrate corrompu jusqu’à la moelle. Dans cet ouvrage bien écrit et agréable à lire, le lecteur apprendra nombre de choses sur la réalité d’un petit royaume fermé sur lui-même, longtemps interdit aux étrangers, un « dernier bastion du mystère » qui peu à peu et d’une façon totalement inattendue a pu sortir de son terrible isolement. Une page d’Histoire à découvrir.
Ma note
4/5
TOUTE VÉRITÉ EST BONNE À DIRE (CLAUDE ALLÈGRE)
Le résumé du livre
Le « Mammouth », que Claude Allègre préférerait qualifier de « Dinosaure » est en plein marasme depuis bien des décennies. Effectifs d’enseignants en constante augmentation alors que le nombre d’élève est en baisse. Eternelle revendication de « plus de moyens », c’est-à-dire de plus de postes alors que l’enseignement ne fait que se dégrader. Co-gestion avec des syndicats corporatistes et ne représentant qu’eux-mêmes. Haute administration arque-boutée sur ses privilèges. Manque d’ouverture sur le monde et sur l’entreprise. Et, entre autres, utilisation d’un jargon abscons digne du pire volapük avec ces fameux « apprenants en situation de maîtrise d’un référentiel bondissant » pour parler d’élèves jouant au ballon… Autant de chantiers titanesques, de travaux d’Hercule auquel le ministre tenta de s’atteler avec les maigres résultats que l’on connait.
Ma critique
« Toute vérité est bonne à dire » est un livre d’entretiens menés par le journaliste Laurent Joffrin. Claude Allègre profite de l’exercice pour expliquer sa démarche. Il aurait pu se contenter d’être un bon gros ministre sympa qui n’aurait rien fait du tout. Il s’est retroussé les manches, a affronté vaillamment le terrible SNES et a récolté une réputation détestable dans le milieu enseignant. Son bilan n’est qu’à moitié convaincant même si lui est persuadé d’avoir pleinement réussi dans sa tâche réformatrice. Il n’en demeure pas moins que le recul du temps démontre que malgré tous ces beaux efforts, les problèmes n’ont fait que croître et embellir. Le livre demeure néanmoins intéressant, car le diagnostic est assez exact. Allègre ne pratique pas la langue de bois. Le tableau qu’il dresse des coulisses du ministère n’a rien de rassurant quant aux pratiques des éléphants du parti socialistes avec leurs tendances, leurs courants, leurs motions et leurs intrigues, elles sont carrément dignes du panier de crabes. Le lecteur comprendra mieux comment tous ces politicards purent tomber de Jospin en Hollande pour en arriver au catastrophique Hamon. Ouvrage à lire à titre de document historique sans grande tenue. Les niaiseries sur la démocratie et sur la construction européenne marquant les limites de l’exercice de vérité.
Ma note
2,5/5
LA RAGE DE SURVIVRE (ANTONIO FONSECA)
Le résumé du livre
Le 18 novembre 1965, Antonio Fonseca, jeune immigré portugais récemment arrivé en France, travaille de nuit dans un tunnel mal éclairé de la SNCF quand il est happé par un train de voyageurs qu’il n’a pas entendu arriver. Traîné sur plus de cent mètres, il se retrouve amputé d’un bras et de ses deux jambes. Il reste plus d’un an à l’hôpital, dans des souffrances intolérables, aux limites entre la vie et la mort. Mais la rage de survivre l’emporte. Le courageux Antonio supporte tout et commence à entrevoir un début d’embellie quand un médecin spécialisé lui annonce qu’il y a une possibilité de l’appareiller. Et c’est le début d’une très longue série d’efforts pour se remettre debout et commencer à remarcher et à revenir peu à peu sur le chemin de la vie.
Ma critique
« La rage de survivre » est un témoignage aussi émouvant que roboratif. L’auteur nous communique son enthousiasme et sa passion pour la vie. Il reconnaît que c’est surtout grâce à sa foi vivante, solide, indestructible, qu’il est parvenu à se reconstruire peu à peu, qu’il n’en a jamais voulu ni à Dieu ni aux hommes du malheur qui l’a frappé. Une magnifique leçon de courage, et d’optimisme doublée d’un très beau message de réconciliation et de fraternité. Un livre qui fait du bien, qui laisse admiratif devant tant de confiance en la Providence et de ténacité et qui ne se lit pas, qui se dévore. À découvrir pour oublier son blues, ses petites misères et autres ridicules contrariétés…
Ma note
4,5/5
L’IGLOU (PAUL-EMILE VICTOR)
Le résumé du livre
En 1934, Paul-Emile Victor, encore un tout jeune homme, organise sa première expédition polaire au Groenland en compagnie de Michel Perez, Robert Gessain et Fred Matter. Le célèbre commandant Charcot les débarquent sur l’inlandsis où ils comptent séjourner plusieurs mois en compagnie d’une tribu d’autochtones. Ils veulent vivre parmi les eskimos et surtout comme les eskimos. Plus tard, ils tenteront le pari fou d’une traversée complète en traineaux à chiens, une première française où ils furent à un doigt de trouver la mort. Puis un long séjour de plus d’un an sur la banquise. Paul-Emile Victor fera la connaissance de la belle Doumidia qui sera sa fidèle compagne, se bâtira une cabane et sera même atteint par le scorbut…
Ma critique
En dépit de son manque évident d’actualité, « L’iglou » reste un récit culte d’aventures et d’exploration. Le lecteur qui voudra bien s’y plonger découvrira un monde complètement inconnu, totalement hostile où la survie est plus que précaire. Les chiens sont les variables d’ajustement. Comme les chameaux des déserts de sable, sans eux pas de possibilité de se déplacer sur de grandes distances. L’auteur leur consacre un grand nombre de pages et même la majeure partie de l’ouvrage. Les conditions de vie sont tellement difficiles que les hommes n’hésitent pas à les sacrifier le moment venu, aussi attachés à eux soient-ils. Le côté ethnographique de l’ouvrage est sans doute le plus intéressant, d’autant plus qu’à cette époque, l’auteur a pu connaître le mode de vie ancestral des eskimos, celui d’avant les motoneiges, le Coca-Cola, la télévision et autres facilités modernes. Livre toujours à conseiller aux amoureux des grands espaces et de la nature sauvage.
Ma note
4/5
MA MORT ET PUIS APRÈS (LYNE LÉON)
Le résumé du livre
Victime d’un très grave accident de la route, une jeune femme tombe dans un coma profond. Son esprit se détache de son corps et elle se retrouve dans une NDE (Near death expérience) assez longue. Quand elle reprend véritablement conscience, c’est pour découvrir qu’elle est défigurée, recousue de partout, incapable de se lever et qu’elle souffre le martyre. Un chirurgien classique et absolument pas spécialiste en esthétique rate son intervention sur ses paupières. Et ce n’est que le début du calvaire que doit endurer cette pauvre femme pour revenir vers la vie.
Ma critique
« Ma mort et puis après » est un témoignage qui malheureusement ne se cantonne pas au voyage aux confins de la mort. Celui-ci est d’ailleurs évoqué de façon totalement impressionniste, par petites touches qui ne donnent qu’une idée très vague de ce que doit être cette expérience. Très vite le livre tourne au drame et même au mélodrame. L’héroïne accumule les malheurs et les déboires. En plus de son calvaire personnel, autour d’elle c’est l’hécatombe : elle perd son mari suite à un cancer, puis sa mère et enfin la fille de son nouveau compagnon, elle aussi victime d’un accident de la route. Un livre assez intéressant malgré tout, bien écrit quoi qu’un peu confus, mais à déconseiller à celles et ceux qui n’ont déjà pas trop le moral !
Ma note
3/5
RÉCITS DE KOLYMA (VARLAM CHALAMOV)
Le résumé du livre
À l’époque de Staline, un détenu des camps de concentration du Goulag, à l’extrême-nord de la Sibérie, se retrouve interné dans un centre de quarantaine. Pour un temps, il échappe au travail exténuant, aux coups pour un oui ou pour un non, aux vols et humiliations des droits communs. Quand son nom est appelé pour faire partie de ceux qui doivent retourner au camp de la Kolyma, il se fait tout petit et reste dans les rangs pour pouvoir faire durer plus longtemps son séjour dans cet abri relatif. Et ça marche… Un autre qui a énormément travaillé et qui n’est plus bon à grand-chose suite aux mauvais traitements est convoqué par un responsable qui lui assigne une nouvelle affectation. Quand il se retrouve avec des gardes armés dans un camion qui s’enfonce profondément dans la forêt, il réalise soudain que sa dernière heure est venue et qu’on va le liquider d’une balle dans la nuque…
Ma critique
« Kolyma » n’est ni un témoignage chronologique complet ni un recueil de nouvelles, mais plutôt une série de récits, d’anecdotes de portraits de pauvres bougres internés la plupart du temps sans rime ni raison dans cet effroyable enfer concentrationnaire bolchévique. Etudiant à l’Université de Moscou, l’auteur y fut condamné en 1929 et y fit deux séjours avant d’être libéré en 1953, à la mort de Staline. Ce qu’il raconte est d’autant plus glaçant et choquant que tout est fait pour détruire l’homme : travail épuisant dans les mines d’or ou au débardage de bois, nourriture insuffisante, promiscuité, parasites, maladies et persécutions par les droits communs. La plume est précise, les descriptions parfois impressionnistes, l’ambiance glauque à souhait, une impression de dernier cercle de l’enfer. Le summum de l’horreur est d’ailleurs atteint lorsque la montagne rasée et dévastée fair remonter à la surface les milliers de cadavres congelés qui se sont accumulés au fil du temps. Un témoignage accablant pour l’Histoire du communisme.
Ma note
3,5/5
AU BEAU TEMPS DE LA BUTTE (ROLAND DORGELES)
Le résumé du livre
Au tout début de l’autre siècle, le jeune Roland Dorgelès, plus saute-ruisseau que véritable journaliste, passe le plus clair de son temps avec les artistes de la Butte Montmartre. Ainsi fréquente-t-il les peintres du Bateau-Lavoir dont le plus célèbre est déjà Picasso, mais également Utrillo, Suzanne Valadon, Marie Laurencin dont il trace un portrait assez peu flatteur, sans oublier les écrivains comme Paul Mac Orlan, Francis Carco, Paul Léautaud, Henri Béraud et tant d’autres. La vie est aussi dure qu’insouciante pour ces grands noms de la bohème. Mais soudain, un jour d’août 14, toute cette jeunesse est emportée dans le malstrom de la guerre. Un grand nombre n’en reviendront pas… Et l’auteur y laissera bien des illusions sur la fidélité des femmes…
Ma critique
« Au beau temps de la butte » est à la fois un recueil de souvenirs et un témoignage charmant sur une époque disparue, sur un monde oublié. Une époque où Paris était encore la capitale mondiale des arts et des lettres. Un tel rassemblement de talents laisse rêveur. La plume de Dorgelès est magnifique, cela va sans dire. Il sait comme personne traduire une ambiance, faire revivre un peintre ou un écrivain. C’est un observateur intelligent et perspicace au regard acéré, compatissant et plein d’humanité. Sa description du retour à la vie civile en 1918 avec sa suite de déceptions, ses pertes d’illusions et son désespoir poussant un grand nombre de ses compagnons jusqu’au suicide est particulièrement émouvante.
Ma note
4,5/5
J’AI CHOISI LA LIBERTÉ (NADIA VOLF)
Le résumé du livre
Pourquoi la jeune et brillante Nadia Volf, docteur en médecine, agrégée en neuro-pharmacologie et directrice d’un centre de recherche se retrouve-t-elle obligée de fuir l’URSS de Brejnev en compagnie de son mari Leonid et en cachant son fils Artyom dans le coffre de leur voiture ? Tout simplement parce qu’ils sont juifs et victimes de l’antisémitisme rabique qui règne à cette époque dans le pays. Dès son enfance, elle eut à subir les rebuffades, insultes et humiliations des autres élèves et finalement le rejet, les menaces, les pressions incessantes du KGB. Il était impensable qu’une juive puisse monter si haut ! Arrivée en France, elle découvre que les promesses faites par ses homologues français ne reposent sur rien de sérieux. Heureusement pour elle, toute la communauté juive de Nîmes se mobilise pour accueillir cette famille persécutée de manière plus qu’exemplaire.
Ma critique
« J’ai choisi la liberté » est un magnifique témoignage de courage, de solidarité et de générosité. Il peut redonner confiance dans l’être humain et même prouver qu’à condition d’être honnête, sérieux et de bonne foi, l’intégration de réfugiés « politiques » de ce style peut être une formidable réussite, bénéfique pour ceux qui en profitent comme pour le pays d’accueil. Il faut dire que le docteur Volf n’est pas n’importe qui, mais une des meilleures spécialistes de l’acupuncture, toute dévouée à son art, un « cerveau » qui fut même championne d’échecs dans sa jeunesse. Le genre de « migrante » qu’on accueille avec plaisir (ce qui ne fut pas tout à fait le cas) et qu’on souhaiterait même plus nombreuses. Elle sait reconnaître ce qu’elle doit à notre pays. « Oui, la France fut pour nous la Terre promise. », conclut-elle. À lire, ne serait-ce que pour se rappeler les horreurs du communisme soviétique…
Ma note
4,5/5
JILL, UNE FEMME RACONTE SON COMBAT CONTRE LE CANCER (JILL IRELAND)
Le résumé du livre
Née en 1936, Jill Ireland est une actrice britannique d’abord mariée avec l’acteur écossais David McCallum avec qui elle a eu trois fils dont un adopté, Jason, mort d’une overdose en 1989. Sur le tournage de « La grande évasion », elle rencontre Charles Bronson, lui-même marié avec des enfants. Le couple aura une fille Zuleika, qui s’illustrera dans des concours hippiques. La famille possède une magnifique propriété à Bel-Air. Passe l’été au bord de l’océan dans une belle résidence de Malibu et l’hiver à faire du ski dans le Vermont. Leur bonheur serait complet si Jill ne s’était pas vue détecter un cancer du sein qui nécessita une ablation totale suivie d’une longue série de sept sessions de chimiothérapie particulièrement douloureuses. Dans ce livre, surtout centré sur les années 83 à 85, l’actrice relate par le menu son long combat contre cette terrible maladie.
Ma critique
« Jill, une femme raconte son combat contre le cancer » est le témoignage émouvant d’une femme qui décide de prendre les choses en main et de mettre toutes les chances de son côté. Elle ne se contente pas de mettre en œuvre les thérapies classiques. Elle se lance parallèlement dans la médecine holistique, dans l’électrothérapie et la méditation. Elle change sa façon de vivre, son alimentation (plus de laitages, de farineux, de sucre et de protéines animales) et jusqu’à son regard sur ses contemporains. Une leçon de courage et de dignité qui se termine sur des pages d’espoir et ne peut qu’être profitable au lecteur même si celui-ci sait que la triste réalité a rattrapé l’auteure cinq années plus tard et a eu le dernier mot…
Ma note
4/5
VLADIMIR OU LE VOL ARRÊTÉ (MARINA VLADY)
Le résumé du livre
En 1967, dans un théâtre moscovite, Marina Vlady fait la connaissance de l’acteur, auteur-compositeur-interprète Vladimir Vissotsky. Elle est alors mariée et mère de trois garçons issus de deux unions différentes. Lui est dans une situation similaire mais avec deux enfants. Cela ne les empêche pas de tomber follement amoureux et de tout abandonner pour vivre ensemble. L’ennui c’est que Marina Vlady est une actrice de renommée mondiale qui a toute latitude de circuler partout dans le monde sans pouvoir s’installer durablement en Union soviétique alors que son amant, poète détesté par le régime mais idolâtré par le public, n’a pas le droit de sortir du pays. Le couple doit vivre caché et Marina faire des allers et retours incessants entre la France et la Russie. Tout se compliquera rapidement avec l’alcoolisme et l’addiction à la morphine de Vladimir…
Ma critique
« Vladimir ou le vol arrêté » est un témoignage en forme de déclaration d’amour à un artiste à la carrière météoritique. Les astronomes d’un observatoire de Crimée baptiseront d’ailleurs de son nom une nouvelle planète découverte entre les orbites de Mars et de Jupiter. Au-delà du côté sentimental et passionnel de cette liaison qui ne dura qu’une douzaine d’années, le lecteur découvrira surtout les tracasseries dans la Russie soviétique, les souffrances pour ne pas dire le calvaire de la compagne d’un drogué et d’un alcoolique en proie au mal de vivre sans oublier les plaisirs d’une existence de nantis passant d’un pays à l’autre, d’un palace au suivant, dans les endroits les plus chics et les plus romantiques de la planète, notre actrice ayant réussi à extraire son poète de sa prison à ciel ouvert. Intéressant et instructif même avec le recul du temps. De nombreux poèmes de Vissotsky agrémentent ce texte, écrit comme une adresse au disparu, qui donne envie de mieux connaître cet artiste tout à fait original.
Ma note
4/5
J’AI DU CIEL BLEU DANS MON PASSEPORT (PHILIPPE DE DIEULEVEULT)
Le résumé du livre
Issu d’une ancienne famille de l’aristocratie bretonne, Philippe de Dieuleveult est le benjamin d’une fratrie de sept garçons. Dès le plus jeune âge, il ne rêvait que d’aventures. Il fut d’abord scout puis exerça mille petits métiers pour financer sa première expédition, une traversée du Sahara qui sera suivie de plusieurs autres. Il participe avec succès à la « Course autour du monde » pour laquelle de jeunes globe-trotteurs devaient envoyer chaque semaine un reportage sur un pays différent. En 1979, il est engagé comme journaliste reporter d’images pour FR3. Caméra à l’épaule, il filme les équipes de « Médecins sans frontières » dans leurs diverses missions partout dans le monde. Et en 1981, il anime sur Antenne 2 l’émission « La Chasse aux trésors », qui passionnera le public pendant plus de quatre ans. Enregistrant l’émission chaque semaine dans un endroit différent, il marque les téléspectateurs par sa chaleur humaine, son humour, et ses prises de risques (chute depuis un hélicoptère, plongée sous-marine, saut en parachute en direct, etc.). L’émission, diffusée le dimanche soir, arrivera souvent en tête des audiences. Malheureusement, il disparaît tragiquement et mystérieusement au Zaïre en 1985. Noyade, accident ou assassinat ? L’affaire n’a jamais été vraiment élucidée.
Ma critique
« J’ai du ciel bleu dans mon passeport » est son témoignage en forme d’autobiographie qui parut une année avant sa mort. Sans se soucier de l’ordre chronologique, il y raconte en vrac sa jeunesse, ses expéditions, sa vie d’homme de télévision et même ses liens avec l’armée (ancien parachutiste et formateur commando, il sera contacté par le célèbre Bob Denard mais refusera de collaborer avec lui). Il fait preuve d’une grande franchise et d’une belle honnêteté. Reconnait être touché par l’amour que le public lui porte et en particulier les handicapés, tout en reconnaissant ne pas être atteint par cette « gloire » et être résolu à toujours rester lui-même, c’est-à-dire un aventurier des temps modernes toujours prêt à faire ses bagages pour partir au bout du monde. Un livre tonique et bien écrit qui permet de jeter un œil dans les coulisses de la télévision tout en gardant la mémoire d’un être hors norme.
Ma note
4/5
LA PERLE ET LA COQUILLE (NADIA HASHIMI)
Le résumé du livre
De nos jours, dans un petit village afghan, un ancien soldat des seigneurs de la guerre retrouve sa famille et se laisse aller à ses penchants pour la drogue. Il n’a que des filles qui sont harcelées sur le chemin de l’école. La solution sera de les confiner à la maison et de marier la très jeune Rahima à un homme de plus de soixante ans… Au tout début de l’autre siècle, Shekiba perd toute sa famille lors d’une épidémie de choléra. Elle tente de survivre seule sur la petite ferme familiale. Mais assez rapidement, ses oncles la placent comme garde du harem dans le palais du roi d’Afghanistan. Malheureusement, elle ne peut empêcher un homme de s’introduire à l’intérieur. Ce sera la suite de ses malheurs…
Ma critique
« La perle et la coquille » est le récit choral ou stéréophonique de la vie de deux femmes afghanes à un siècle de distance et en alternant les chapitres. Une longue suite d’épreuves, de drames et d’humiliations de toutes sortes pour ces femmes. Des vies d’esclaves consacrées aux travaux ménagers et vouées à la procréation si possible uniquement de garçons. Le lecteur découvre qu’au XXIème siècle rien n’a changé, Rahima a beau terminer adjointe parlementaire d’une députée de la « jirga » (assemblée nationale), elle est tout autant privée de liberté, exploitée et humiliée que son arrière-arrière-arrière grand-mère. Malgré quelques longueurs, ce gros pavé se lit assez rapidement tant ces mœurs d’un autre temps semblent exotiques et choquantes et donnent à réfléchir sur la condition de la femme dans ce pays. À conseiller pour nous aider à appréhender une réalité bien cruelle.
Ma note
4/5
MON CHEMIN MÈNE AU TIBET (SABRIYE TENBERKEN)
Le résumé du livre
Sabriye Tenberken est une jeune Allemande aveugle de 26 ans passionnée par la vie des Tibétains. Elle met au point un alphabet en braille pour leur langue et décide de partir au Tibet pour y monter une école spécialisée pour jeunes aveugles nécessiteux. À Lhassa, un directeur d’école pour jeunes orphelins lui prête un local où elle peut commencer à accueillir ses six premiers élèves. Mais très vite, l’argent manque. Il lui faut trouver des subventions, ainsi que des collaborateurs honnêtes et dévoués sans parler d’autres locaux plus indépendants. Sur son chemin, les obstacles ne vont pas manquer…
Ma critique
« Mon chemin mène au Tibet » est un magnifique témoignage de courage et de dévouement. Le lecteur ne peut être qu’admiratif de voir cette jeune femme parvenir à dépasser son propre handicap (elle monte à cheval, est capable de prendre seule l’avion, etc.) pour venir en aide aux autres. Il découvrira également la triste condition des aveugles tibétains, les croyances obscurantistes répandues autour de ce handicap sans parler de toutes les difficultés qui lui sont faites aussi bien du côté allemand que du côté tibétain. Le style est vivant, fluide et agréable. Un ouvrage intéressant qui permet une plongée étonnante dans le monde assez peu connu des mal-voyants.
Ma note
4,5/5
MADAME LA COMMISSAIRE (MIREILLE BALLESTRAZZI)
Le résumé du livre
En février 1976, Mireille Ballestrazzi, étudiante, se présente au concours d’admission à l’école nationale de police de Saint Cyr au Mont d’or. Deux années plus tard, elle devient une des premières femmes commissaire de police. Elle exercera dans divers lieux : Roubaix, Bordeaux, Creil, Argenteuil, Ajaccio comme directrice du SRJP. Elle s’illustrera dans différentes affaires, hold-up, démantèlement des divers réseaux de trafic de drogue et même récupération au Japon d’œuvres d’art dérobées en France.
Ma critique
« Madame la commissaire » est un témoignage sur le métier de policier en général et sur celui de commissaire féminin en particulier. Mireille Ballestrazzi ne cherche pas à décrire par le menu les enquêtes menées par ses services ni à apporter de révélations particulières sur telle ou telle affaire. Elle en reste en permanence aux allusions et un peu trop à la surface des choses. Elle dévoile fort peu de détails sur sa vie personnelle sinon qu’elle est d’origine eurasienne, mariée et mère de deux enfants. Au fil de ses diverses affectations, son mari a dû plus ou moins sacrifier sa propre carrière professionnelle et ses fils s’adapter à tous leurs changements d’école et de camarades. Même si elle déplore que des voyous qu’il lui a été si difficile d’arrêter sont très vite relâchés par la justice, elle refuse de jeter la pierre à cette dernière, arguant que les juges sont des fonctionnaires intègres et qu’ils doivent avoir de bonnes raisons dont elle n’a pas à juger. Ces prises de position toujours très « correctes » relativisent un peu l’intérêt de cet ouvrage.
Ma note
3/5
PIÉGÉS PAR STALINE (NICOLAS JALLOT)
Le résumé du livre
En juin 1946, le secrétaire général du Parti communiste d’Union soviétique, le camarade Staline, propose aux Russes exilés en France de rentrer au pays, de récupérer la jouissance de leurs droits civiques et de participer à la reconstruction du pays ravagé par la guerre. Pris par la nostalgie, trompés par une propagande efficace suite à la victoire sur le nazisme et convaincus de la sincérité de ce geste inattendu de réconciliation nationale, une grande partie de la diaspora russe blanche organisa son retour dans sa patrie originelle. Sur les 65 000 Russes d’origine que comptait la France des années 30, plus de 5000 (dont des femmes françaises et des enfants nés dans l’Hexagone) prirent la route du retour. Mal leur en prit. À leur arrivée, après un voyage dantesque, ils n’eurent droit qu’à la relégation dans des villages perdus de Sibérie, au démembrement des familles quand ce ne fut pas carrément à l’internement dans les camps de concentration du Goulag. Plus du tiers mourut dès les premiers mois de séjour (exécutions, suicides, déportations au-delà du cercle polaire, travaux forcés dans les mines, famines, relégations). Et ceci dans l’indifférence la plus complète.
Ma critique
« Piégés par Staline » est un ouvrage historique basé sur un certain nombre de témoignages de survivants qui dans leur immense majorité sont maintenant trop pauvres ou trop âgés pour pouvoir rentrer en France. Cet épisode des relations franco-soviétique, qui vit Charles de Gaulle abandonner ces pauvres hères à leur triste sort au nom de la politique, représente une pièce de plus à ajouter au procès du communisme soviétique lequel est toujours à faire. Très bien écrit et très bien documenté (il est basé sur une enquête de télévision menée sur place), ce livre passionnant à lire pour son importante charge d’humanité ne manquera pas d’intéresser les passionnés d’Histoire et les chercheurs de vérité.
Ma note
4,5/5