L’HOMME RÉVOLTE (ALBERT CAMUS)
Le résumé du livre
Difficile de faire un bref résumé de cet ouvrage. Juste en dire que son auteur a voulu définir avec précision et objectivité la notion de « révolte », à ne surtout pas confondre avec « révolution » qui signifie réalisation, cristallisation d’une révolte. De tous temps, la condition de l’homme lui a semblé difficile, voire insupportable, en dépit des consolations de la religion qui donnait l’espoir d’un sort meilleur dans l’autre monde. Depuis la contestation du protestantisme, puis l’avènement des philosophes des « lumières », puis l’explosion de la révolution et la décapitation du roi Louis XVI, la divinité est morte. L’homme s’est retrouvé seul face à son destin. « Si Dieu est mort, tout est possible », a écrit Dostoïevski. La religion a tourné en politique, la révolte en principe intangible et le bonheur sur terre a été reporté aux calendes grecques, c’est-à-dire à l’avènement du socialisme intégral, du communisme idéal, etc. Pour atteindre cet idéal inaccessible, tout opposant, toute personne supposée hésitante devient alors immédiatement suspecte, donc emprisonnée, jugée sommairement et guillotinée sous la Terreur en France, envoyée au Goulag dans l’URSS de Lénine et Staline, au Lao-Gai de Mao ou en camp de concentration sous Hitler. « La vertu absolue est impossible. La république du pardon amène par une logique implacable la république des guillotines », note d’ailleurs Camus.
Ma critique
« L’homme révolté » est un essai de philosophie politique de très haut niveau et pourtant relativement facile à lire car l’auteur présente les faits avec une grande clarté et une certaine simplicité, mais sans tomber dans la vulgarisation. Il en appelle à de nombreux exemples, autant de l’histoire ancienne que récente. Ainsi présente-t-il le marquis de Sade comme le premier théoricien de la révolte absolue. « Dans les chaînes, l’intelligence perd en lucidité ce qu’elle gagne en fureur. Sade n’a qu’une logique, celle des sentiments », écrit-il. Après ce précurseur, Camus en appelle à de nombreux autres comme Saint-Just, Dostoïevski, Nietzsche, Bakounine, Marx ou Hegel, pour ne citer que les principaux. Avec Lautréamont, Breton et quelques autres, il en vient même à la révolte des écrivains, des poètes, des musiciens ou des peintres dans un chapitre sur l’art contemporain (comptant pour rien), peut-être le summum de l’ouvrage. Datant de la moitié de l’autre siècle (1951), cet essai est donc tributaire de l’actualité politique de son époque avec une URSS menaçante et des Etats-Unis encore sur la défensive. Mais le discours reste exact et semble même presque optimiste aujourd’hui. Qu’aurait dit Camus s’il avait pu analyser l’incroyable fusion du capitalisme avec le communisme et le nazisme dont nous sommes aujourd’hui témoins et victimes ? Ce néo-totalitarisme soft et hyper technologique lui aurait-il même permis de pousser ce cri qu’il faut absolument lire ou relire pour mieux comprendre la problématique de la révolte ?
Ma note
4,5/5
300 MAXIMES DES SAINTS ASCETES DE L’ÉGLISE ORTHODOXE (GEORGES MAXIMOV)
Le résumé du livre
« C’est une chose de croire que Dieu existe, et une autre de connaître Dieu. Celui qui connait Dieu par l’Esprit-Saint brûle d’amour pour Dieu jour et nuit et son âme ne s’attache à rien de terrestre. » (St Silouane du mont Athos)… « Ne dis pas : « Cela s’est produit par hasard, c’est arrivé tout seul. » Dans ce qui arrive, il n’y a rien de désordonné, rien de vain, rien d’accidentel… Quel est le nombre de tes cheveux ? Il n’en est aucun que Dieu n’ait compté ! Ne vois-tu pas que rien, même la chose la plus infime, n’échappe au regard de Dieu. » (St Basile le grand)… C’est le mensonge qui nous sépare de Dieu, et uniquement le mensonge, les pensées mensongères, les mots mensongers. C’est la conjonction de tous ces mensonges qui nous conduit à la mort, aux illusions et au reniement de Dieu. » (St Nicolas d’Ochrid)… Ces trois citations, juste pour donner une idée du ton particulier de cet ouvrage.
Ma critique
En effet, « 300 maximes des saints ascètes de l’Église orthodoxe » est un recueil de préceptes, d’apophtegmes, de paroles de sagesse de géants de la foi orthodoxe, souvent moines ou ermites du mont Athos et autres lieux. À l’origine, ils étaient destinés surtout à l’enseignement de jeunes novices débutant dans la vie religieuse. L’ouvrage est assez court (56 pages), mais plutôt dense. Chaque maxime mérite d’être lue, relue et méditée, tant elle relève d’une foi profonde, d’une spiritualité élevée et d’une ferveur extraordinaire. Ces préceptes, qui peuvent être d’un grand secours dans notre vie de tous les jours, sont classés en six grands chapitres : « Dieu et nous », « Les réalités du monde spirituel », « Nous et ceux qui nous entourent », « Ce qui nous rapproche de Dieu », « Ce qui nous empêche sur le chemin vers Dieu » et « Ce qu’il faut supporter sur la voie spirituelle. » La lecture de ce recueil peut présenter un intérêt universel. N’importe qui peut en tirer profit, quelle que soit sa religion ou son absence. Les véritables valeurs de la loi naturelle s’imposant d’elles-mêmes…
Ma note
4,5/5
AUTOPORTRAIT AU RADIATEUR (CHRISTIAN BOBIN)
Le résumé du livre
Christian Bobin nous dit qu’il aime les fleurs, les enfants et les femmes. Les hommes lui sont indifférents. Il ne les remarque même pas. Mille petites choses font son bonheur du jour. Il s’émerveille d’une belle lumière, de l’odeur du foin coupé, de la beauté d’un pétale de tulipe tombé sur un guéridon ou du vol d’une libellule. Ce qui le remet au monde ? Deux verres d’entre-deux-mers, la fumée d’une ou deux cigarettes et une page d’un poète suédois, une seule, pas deux. Il vit seul, lit beaucoup et écoute du Mozart dont les œuvres lui évoquent toutes sortes de choses dont le chuchotement des rivières ou le balbutiement des nouveaux-nés…
Ma critique
« Autoportrait au radiateur », en dépit de son titre, n’est pas vraiment un livre d’autofiction. Pas un roman non plus. Le lecteur cherchera en vain une intrigue construite, une histoire rondement menée ou des personnages hauts en couleurs. Il ne parle que de lui-même et de rares proches, et encore sans en dire grand-chose. Et ce n’est pas non plus un véritable journal bien qu’il en respecte la forme apparente en commençant son texte début avril 96 pour l’achever fin mars 97. Ce texte aurait pu être le récit d’une année de vie d’un écrivain ordinaire, mais ce n’est pas vraiment le cas. Le lecteur en apprend très peu sur le narrateur hormis sa solitude, son détachement d’à peu près tout, ses difficultés devant la page blanche et sa tristesse de la perte d’une « amie de cœur ». La force et le charme de cet ouvrage reposent sur un style minimaliste assez inimitable, basé sur la technique du « fragment », de la bribe, du détail en apparence insignifiant. La spiritualité, qu’il différencie soigneusement de la religiosité, tout comme une certaine forme de philosophie restent importantes. Avec Bobin, qui en appelle à plusieurs reprises à Thérèse d’Avila, nous ne sommes pas dans le pari de Pascal, mais dans la simple et belle évidence de Dieu. Une prose unique, poétique et aérienne qui mérite le détour, même si ce charmant ouvrage n’atteint pas les sommets de son chef-d’œuvre, « Le Très-Bas ».
Ma note
4,5/5
UN SAMOURAÏ D’OCCIDENT (DOMINIQUE VENNER)
Le résumé du livre
Depuis les deux grands conflits mondiaux de 14/18 et 39/45, la civilisation européenne qui était dominante est entrée en déclin. La disparition des Empires, la décolonisation et la montée en puissance des deux vainqueurs (USA et URSS) ont poursuivi le processus. Pour l’auteur, la cause avant tout spirituelle de tous nos malheurs vient de l’âme européenne qui est « entrée en dormition ». Mais elle n’est pas morte. Elle est même immortelle. Quand se réveillera-t-elle ? Nul ne peut le dire. Pour cela il lui suffira de renouer avec ses grands principes, ses fondamentaux, ceux de l’Iliade et de l’Odyssée, avec les valeurs de la philosophie antique, la « gravitas » (grandeur d’âme) faite de « virtus » (courage moral) et de dignitas (honneur). Qualités morales que l’on retrouve aussi dans l’esprit chevaleresque du Moyen-Âge et dans le code d’honneur des samouraïs japonais. Venner marque l’opposition voire la contradiction existentielle entre la « dignitas » païenne et « l’humilitas » chrétienne dont le dévoiement serait à la base de notre effondrement.
Ma critique
« Un samouraï d’Occident », sous-titré un peu abusivement « Le bréviaire des insoumis » (ni recettes, ni mode d’emploi), est un essai plus philosophique que vraiment politique tentant d’expliquer les raisons du déclin évident de l’Occident et de démontrer la nécessité de revenir aux sources de la pensée grecque et latine pour amorcer une quelconque renaissance. De très longs développements sont consacrés à Homère, à Epictète, Platon, Socrate, Pline l’Ancien et autres grands philosophes avec une attention toute particulière aux Stoïciens qui ont la faveur de l’auteur. Païen et même un tantinet paganiste, Venner pense qu’il n’y a pas à espérer un salut dans l’au-delà, que le seul devoir de l’honnête homme est de tenter de mener une bonne vie ici-bas, de se contenter de ce que l’on a, de ne pas se perdre dans l’hédonisme, l’individualisme et le consumérisme. De tout supporter avec calme et lucidité et même de mettre fin à son existence si l’on estime que le moment en est venu. La plus grande dignité de l’homme serait de se faire « seppuku » comme un samouraï japonais. Plutôt mourir debout que vivre couché. Ce qu’il a pratiqué lui-même en se suicidant à l’intérieur de la cathédrale Notre-Dame. Un ouvrage qui pose intelligemment les problématiques et propose des changements radicaux de paradigmes. Un retour aux sources qui pourrait se révéler salutaire…
Ma note
4/5
LA VÉRITÉ SUR LE BOUDDHISME (DANIEL SENS)
Le résumé du livre
Parti d’Inde, répandu dans toute l’Asie et maintenant un peu partout dans le monde, le bouddhisme peut revendiquer de 350 millions à 1 milliard de pratiquants selon les critères d’évaluation utilisés. Cette pratique qui semble être plus une philosophie qu’une religion stricto sensu a été instaurée comme une déviance de l’hindouisme par Siddartha Gautama, jeune aristocrate, qui fut d’abord marié et père d’un enfant avant de quitter sa famille pour accomplir son destin, celui de devenir le Bouddha (« l’Eveillé »). Il vécut quelque temps dans un monastère hindouiste qu’il quitta assez vite, car la voie de l’ascétisme proposée ne lui convenait pas. Cinq premiers disciples se regroupèrent autour de lui avant de le quitter assez rapidement. Comme il se retrouvait seul à méditer sous un grand arbre pendant des jours et des jours, il finit par atteindre le but recherché, l’Illumination, le Nirvana, l’absence de tout attachement, l’indifférence totale à l’agitation du monde. S’estimant un être parfaitement accompli, il décida de prêcher, de transmettre son savoir en commençant par ses cinq premiers disciples retrouvés. Ce qu’il fit ensuite pendant 45 ans avant de mourir d’une indigestion soit de champignons, soit de viande de porc…
Ma critique
« La vérité sur le bouddhisme » est un essai théologique bien documenté, assez fouillé et parfois un brin ennuyeux à lire surtout dans la partie descriptive des grandes lignes de la doctrine. Le lecteur apprendra cependant bien des choses sur ce courant de pensée aux confins du religieux et du philosophique comme le fait que cinq siècles s’écoulèrent avant qu’apparaissent les premiers écrits. Tout l’enseignement se transmit oralement, de maîtres à disciples. Les courants furent nombreux (bouddhisme tibétain, chinois, japonais, zen, etc.) La doctrine se caractérise par le rejet de tout Dieu créateur et par l’absence du principe de miséricorde (dans le sens « charité chrétienne »). Tout revenant au karma et aux réincarnations. Ainsi même « une mouche peut devenir Bouddha un jour », lit-on avec une certaine stupéfaction. La seconde partie, plus aisée à lire, réfute la plupart pour ne pas dire la totalité des principes bouddhistes avec de solides arguments aussi bien théologiques que scientifiques. Cinq annexes terminent l’ouvrage en démontant d’autres aspects paradoxaux de la doctrine : l’impermanence, le mouvement, le temps et l’instant, la causalité et la production conditionnée et même l’atome. Ouvrage critique fort intéressant pour qui s’intéresse au sujet. Mais quel dommage que ce texte soit entaché de tant de coquilles !
Ma note
3,5/5
SUR LA DOULEUR (ERNST JÜNGER)
Le résumé du livre
Qu’est-ce que la douleur, la peine, la souffrance ? De sa naissance à sa mort, la vie de l’homme n’en est-elle qu’une longue suite, parfois interrompue de courtes et passagères périodes de répit ? La noblesse de la condition humaine n’est-elle pas de supporter vaillamment la douleur, de surmonter les épreuves, de faire preuve de courage, de patience et d’abnégation ? La vie moderne n’a-t-elle pas tenté de masquer la douleur, de la rendre moins prégnante, plus supportable, tout en niant en contrepartie à l’homme toute identité individuelle, toute singularité et toute liberté. Comme patient entre les mains de chirurgiens et d’anesthésistes, le voilà devenu tel un morceau de viande. Comme élément d’un régime totalitaire, il ne peut plus penser que comme le veut la ligne générale. Et comme soldat, il ne peut qu’aller au combat et donc à la mort qu’en marchant au pas, sans renâcler, n’étant plus qu’un rouage d’une machine de guerre lancée par les puissants contre des ennemis qu’il ne connait même pas.
Ma critique
« Sur la douleur » est un court essai philosophique et politique du grand écrivain allemand Ernst Jünger. Contrairement à nombre de ses autres ouvrages, ce texte reste un peu aride d’abord, même si les considérations présentées, déjà évidentes pour son époque, le sont encore plus pour la nôtre. Le lecteur y découvrira comment les concepts de douleur, de liberté et de tyrannie sont étroitement liés. À titre d’illustration, Jünger s’élève contre la création du permis de conduire, instauré pour lutter contre la mortalité routière. Déjà le fameux principe de précaution. Que ne dirait-il pas du permis à points et de l’installation de ces milliers de radars sur les routes ? Jünger a une vision héroïque du monde ainsi qu’une conception originale, volontariste et intellectualiste de l’homme. Le lecteur s’entend dire : « Dis-moi quel est ton rapport à la douleur et je te dirai qui tu es. » Intéressant sans plus.
Ma note
3/5
LE PAYS DE RÊVE (DAVID DIOP)
Le résumé du livre
Quelque part dans un pays que l’on devine d’Afrique noire, Rêve, jeune orpheline dont les parents ont été tués par quelques soldats désœuvrés, a été recueillie par sa grand-mère. Pour que la beauté de l’enfant ne suscite pas les convoitises, elle la cache dans un bidonville, la revêt de haillons et la nourrit de ce qu’elle trouve dans les poubelles du Palais du Grand Désœuvré. Ainsi protégée, Rêve grandit et devient une jolie jeune fille qui rêve d’un destin meilleur. Un jour, la grand-mère lui montre deux anneaux d’or, les alliances des parents de l’enfant, qui devraient lui permettre de sortir de la misère en temps utile. Mais elle ne devra les recevoir qu’après sa mort, quand viendra le moment de se lancer dans le monde. Rêve ne l’entend pas de cette oreille. Elle voudrait récupérer son bien sans attendre. Même une seule bague en or lui suffirait…
Ma critique
« Le pays de Rêve » est un très court conte, présenté comme « initiatique sur l’injustice du monde », peut-on lire sur la couverture. Effectivement le texte est bref, l’ouvrage ne comportant que 54 pages dont on peut retrancher une vingtaine en comptant les en-têtes et les présentations de chapitres occupant chacune deux pages blanches. Le style de l’auteur se veut minimaliste et un brin allégorique. En dehors de Rêve, aucun personnage n’a de nom, aucun lieu non plus. L’Afrique donne l’impression d’être une sorte de vaste décharge publique, un tas d’ordures plein de vêtements « pulvérulents ». La corruption et la violence gratuite semblent omniprésentes avec tous ces soldats désœuvrés, mal-payés et sans doute prêts à tous les crimes et à tous les viols. Dans un tel contexte, le lecteur ne peut éprouver que de la compassion pour les deux héroïnes. La fin de cette histoire triste laisse un goût assez amer. Le salut de Rêve, tout comme celui de tout le continent serait-il impossible en dehors de l’émigration vers l’Europe ? L’auteur ne le dit pas ouvertement, mais le laisse supposer. Le lecteur ne peut donc que rester avec ses interrogations.
Ma note
3,5/5
DE LA SOCIÉTÉ PHARMACO-PUNITIVE AU CRÉDIT SOCIAL (ALEXIS HAUPT)
Le résumé du livre
Un pays où la population se méfie de ses médias et redoute la police n’est plus vraiment une démocratie. Les journalistes devraient avoir pour mission d’informer objectivement le peuple et non d’être de simples vecteurs d’une pensée unique virant à la propagande gouvernementale. La police devrait servir et protéger la population et certainement pas se comporter en garde prétorienne du pouvoir. Certains objecteront que nous sommes quand même en démocratie, car nous glissons de temps en temps un bulletin dans une urne. L’ennui, c’est que nous votons pour désigner des représentants, mais que nous n’avons aucun moyen de contrôle sur leurs décisions. Si celles-ci sont mauvaises et même contraires aux souhaits ou intérêts de la majorité comme on a pu s’en rendre compte tout au long de ces dernières années, elles passent quand même quitte à abuser d’un certain article dispensant le pouvoir de l’aval du parlement. Ainsi de reculs de la représentativité en grignotages des libertés fondamentales, glisse-t-on insensiblement dans une pure et simple tyrannie. Et le pire, c’est que beaucoup de gens n’en ont même pas conscience. « Élire des représentants sans pouvoir les révoquer revient à avoir le simple droit d’élire des maîtres », note Haupt.
Ma critique
« De la société pharmaco-punitive au crédit social » est un essai philosophique, politique et social de belle qualité, bien écrit sous forme de courtes démonstrations ou articles bien écrits qui peuvent se lire en diagonale. Et comme ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, tous plutôt convaincants les uns que les autres. Pour étayer ses démonstrations, Alexis Haupt se réfère entre autres à la sinistre expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité ainsi qu’à l’œuvre de La Boétie qui avait déjà démonté le mécanisme de la servitude volontaire au temps de la Renaissance. Il est remarquable de constater qu’à plusieurs siècles de distance, les réactions des gens n’ont guère évolué sur ce plan. La tyrannie, sans doute plus « soft » (l’auteur la qualifie de « rose »), plus pernicieuse et encore plus efficace grâce au matraquage des médias, est toujours présente et l’esclave ne veut toujours pas reconnaître son état de servitude. Il la nie, il la réclame, il s’y complait parfois. Le lecteur remarquera qu’Alexis Haupt reprend aussi à son compte la brillante démonstration d’Etienne Chouard qui prouve la réalité du simulacre de démocratie dans lequel nous nous trouvons et promeut le référendum d’initiative citoyenne ainsi que les assemblées constituantes. Espérons que cet essai qui se lit comme un roman permettra à Alexis Haupt de toucher un plus grand public que celui de X Twitter où il diffuse des analyses nettement plus pertinentes que celles de nos pseudo-philosophes et vrais propagandistes plastronnant sur les plateaux télé pour diffuser leur pensée unique…
Ma note
4,5/5
LA CONTRE-HISTOIRE DE MICHEL ONFRAY (JONATHAN STUREL)
Le résumé du livre
Personnage incontournable de la scène médiatique, auteur prolifique d’une bonne soixantaine d’ouvrages de compilations philosophiques plus ou moins digestes, qui est réellement Michel Onfray, ex-prof de lycée technique à Argentan, aujourd’hui philosophe de plateaux, penseur de gauche reconnu avant de dériver vers la droite voire une certaine forme de populisme ? Est-il vraiment le rebelle anti-système, le révolutionnaire qu’il s’imagine ? Avec ses convictions fluctuantes, ses prises de positions contradictoires et son athéisme rabique, il est pourtant un très bon client des médias qui se servent de lui comme représentant d’une opposition contrôlée pour ne pas dire instrumentalisée voire muselée. En retour, ceux-ci assurent la promotion de ses livres qui se vendent bien grâce à cette exposition exceptionnelle et lui assurent des revenus conséquents. Ne serait-il en fait qu’un simple rouage d’un mécanisme de propagande parfaitement au point. Il n’y a sans doute que lui et les naïfs pour s’imaginer qu’il puisse représenter la moindre menace pour l’ordre établi…
Ma critique
« La contre-histoire de Michel Onfray » est un essai critique qui parvient très aisément à démontrer l’imposture que représente ce genre de personnage qui sous des apparences trompeuses du rebelle n’est qu’un des plus efficaces gardiens du temple de la pensée unique tout autant que ses collègues Enthoven, Glucksman ou BHL. Onfray est un athée hédoniste combattant la religion dans un monde où celle-ci est à terre et où l’hédonisme et le « jouir et faire jouir » triomphe comme jamais dans l’Histoire. Pour étayer son discours si peu coruscant, il n’hésite pas à détruire ce qu’il a mis sur un piédestal en fonction de la tendance du moment. Ainsi après avoir porté aux nues le « divin » marquis de Sade, le voue-t-il aux gémonies pour complaire aux féministes. Même chose pour Freud mis à mal suite aux dernières découvertes des neuro-sciences et aux révélations sur des mœurs peu compatibles avec le mouvement MeToo. Dans sa préface servant de mise à jour de son texte, l’auteur se réjouit de la dérive droitière du grand penseur. Sans doute un peu trop vite, les dernières prises de positions très covidistes lors de la dernière « crise sanitaire » l’ayant définitivement classé comme opposant en carton bouilli de la pensée unique.
Ma note
4/5
CITADELLE (ANTOINE DE SAINT-EXUPERY)
Le résumé du livre
Au soir de sa vie, un roi berbère veut enseigner certains préceptes à son fils qui doit bientôt lui succéder sur le trône. Le roi semble avoir fondé un empire dont la cohésion repose sur la force de son armée, la vigilance des hommes de guet placés sur les remparts et la solidité des murs de sa citadelle. La plupart du temps il en réfère à son propre père et en appelle au divin. Souvent sortent de sa bouche des paroles de sagesse souvent teintées de pessimisme réaliste du genre : « N’espère rien de l’homme s’il travaille pour sa propre vie et non pour son éternité. » Ou bien : « Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain. » Ou enfin : « Mauvais quand le cœur l’emporte sur l’âme, quand le sentiment l’emporte sur l’esprit. »
Ma critique
« Citadelle » est un ouvrage difficile à classer. Ce n’est ni un roman, ni un essai, ni une fable, ni un conte, mais plutôt une accumulation de préceptes philosophiques, moraux, politiques ou spirituels, écrits un peu au fil de la plume, jetés comme des notes en vue de quelque chose de plus travaillé. En effet, c’est une œuvre inachevée que l’auteur ne comptait pas du tout publier telle quelle. Il souhaitait rendre son texte plus concis et plus clair en se concentrant sur quelques thèmes majeurs. Le livre reste donc un pavé assez indigeste de 508 pages qui tourne à la méditation informelle sur la condition humaine et sur la manière de diriger les hommes. Les thèmes de la montagne, de l’arbre, du navire, du désert, de la forteresse, de la sentinelle, de la cathédrale, du silence, de la prière et de Dieu reviennent en boucle comme s’ils tournaient à l’obsession et comme si l’auteur voulait les reprendre pour les peaufiner de plus en plus. Le lecteur se retrouve face à une suite de métaphores, de paraboles et d’allégories plus ou moins évidentes, parfois un brin sibyllines, révélant une spiritualité omniprésente très marquée de christianisme syncrétique et souvent teintée de relativisme. On peut s’étonner aussi du statut particulier du locuteur : est-ce vraiment un roi, un empereur, voire Saint-Exupéry lui-même ? C’est selon. Parfois il semble parler comme Dieu lui-même et parfois être un humble pêcheur qui en appelle à Lui. On aura donc un certain mérite à lire cet ouvrage in extenso. Un index de fin d’ouvrage peut permettre de procéder en diagonale, de piocher selon sa fantaisie, ce qui est peut-être une moins inconfortable manière de l’aborder.
Ma note
3/5
CE QUE TU AS BESOIN D’ENTENDRE AUJOURD’HUI (MARIANNE VIALLET)
Avec ce charmant petit ouvrage, on nage dans le bien-être, le « feel good » et la zénitude . Cette série de 141 conseils et recommandations bien marquées au coin du bon sens, de la psychologie et de la philosophie un brin teintée de bouddhisme devraient nous être bien utiles tant ils sont tous très judicieux pour cheminer sur la voie pas forcément évidente du bonheur qui est peut-être ailleurs que « dans le pré ».
À conseiller à celles et ceux qui sont en recherche d’un mieux-vivre et d’un mieux-être, autant dire à tout le monde !
Ma note
4,5/5
L’OBSOLESCENCE DE L’HOMME (GÜNTHER ANDERS)
Le résumé du livre
Sommes-nous de taille à nous mesurer à la perfection de nos produits ? Ce que nous fabriquons ne dépasse-t-il pas notre responsabilité et notre capacité de représentation ? Ne croyons-nous que ce qu’on nous autorise à croire ? Ne vivons-nous pas dans un narratif permanent, une réalité truquée, tronquée, pré-digérée, fantomatique ? Quel est le rôle des mass-médias dans la crétinisation et la passivité généralisée ? La télévision, en particulier, ne rend-elle pas l’homme passif et ne lui apprend-elle pas à confondre systématiquement l’être et l’apparence ? N’empêche-t-elle pas toute réflexion en privilégiant toujours l’émotion au détriment de la réflexion ? En un mot n’est-elle qu’un outil de propagande au service du pouvoir et des puissants ? Pour Anders, l’homme post-nucléaire est plus petit que l’homme lui-même. Il ressent de la honte vis-à-vis de la machine qui dispose de plus de mémoire, calcule plus vite et beaucoup mieux que lui. Paradoxalement, devenu omnipotent puisque capable, grâce à l’arsenal nucléaire, de faire disparaître sa planète, l’homme est devenu passif, indifférent, nihiliste et même « annihiliste » (néologisme de l’auteur). Il ne réagit plus, se contente d’obéir aux ordres sans réfléchir, devenant ainsi lui-même partie de la machine et donc à la racine du problème…
Ma critique
« L’obsolescence de l’homme » est un essai philosophique et moral, sous-titré « Sur l’âme à l’époque de la 2ᵉ révolution industrielle ». Il est suivi de deux autres textes : « Etre sans temps », une analyse très fouillée de la pièce de théâtre bien connue « En attendant Godot » et « Sur la bombe et les causes de notre aveuglement face à l’Apocalypse », étude des conséquences psychologiques, philosophiques et morales sur l’humain et sur la société en général de l’arrivée de cette arme de destruction absolue. Cet ouvrage publié en 1956 ne fut traduit en français qu’en 2002. Il n’en demeure pas moins d’une actualité encore plus frappante aujourd’hui. Même si sa lecture peut être parfois un peu laborieuse tant l’auteur a cherché à atteindre une précision presque scientifique de sa pensée et de ses concepts, le lecteur ne pourra qu’admirer la lucidité, l’intelligence et la perspicacité dont l’auteur a pu faire preuve. Plus qu’un visionnaire, Anders fut un analyste rigoureux, plein de fulgurances paradoxales, un des premiers à dénoncer les dérives du modernisme et en particulier la réification de l’homme ainsi que son aveuglement devant l’apocalypse. Il faut faire l’effort de lire Anders pour mieux comprendre notre étrange époque.
Ma note
3,5/5
DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE (ÉTIENNE DE LA BOÉTIE)
Le résumé du livre
Depuis l’Antiquité et même depuis la nuit des temps, certains êtres, mégalomanes, psychorigides, pervers narcissiques, sociopathes et autres se sont institués tyrans de leurs tribus ou de leurs peuples. Comment ces derniers ont-ils accepté et même recherché cette domination ? Et pourquoi, en échange d’une sécurité illusoire sont-ils satisfaits de vivre soumis et ne craignent-ils pas de perdre leur bien le plus précieux, leur liberté ? Chez l’humain, l’instinct grégaire est si prégnant que s’il imagine qu’une majorité de ses concitoyens se comporte d’une certaine façon, il doit s’y conformer pour ne pas être rejeté par le troupeau. Ainsi nos maîtres n’ont-ils de pouvoir que celui que nous voulons bien leur accorder. Si tous les pouvoirs sont réunis dans les mains d’un seul individu, il doit cependant disposer d’une sorte de garde rapprochée, généralement composée de quelques personnes viles et corrompues, pour diffuser ses ordres. Ce premier cercle passe le relais à un second d’aussi médiocre qualité, mais qui représente quelques dizaines de personne. Et le processus se poursuit avec un troisième cercle plus étendu, puis avec un quatrième, un cinquième, etc. Sans tout ce réseau de connivence et de complicité, rien ne fonctionnerait. Le tyran sait que tout le monde le déteste, mais que, tant que le peuple reste consentant, sa domination est assurée.
Ma critique
Écrit en 1546 ou 1548 par un jeune étudiant en droit ami de Montaigne, « Discours de la servitude volontaire » est un essai socio-politique majeur qui étonne par son intemporalité et sa modernité. Les découvertes de Bernays et autres sur la fabrique du consentement, sur la manipulation des foules (Le Bon) et sur les techniques de propagande ne feront que confirmer ce « discours » d’une étonnante sagesse et d’une remarquable finesse d’observation. L’auteur ne fait pas référence à son époque troublée (guerres de religion), mais à l’histoire en général et à l’Antiquité romaine qu’il connait particulièrement bien. Il cite, entre autres, les cas de Néron et Jules César qui finirent plutôt mal, mais qui, paradoxalement, furent très regrettés par le peuple. À croire que ce dernier était et est toujours un peu maso ! La « traductrice », c’est-à-dire l’adaptatrice, Séverine Auffret, ayant parfaitement su transposer ce texte essentiel en français moderne, contrairement à des versions plus anciennes, le résultat obtenu permet une lecture aisée et parfaitement compréhensible que l’on ne peut que conseiller à qui veut mieux comprendre notre époque, aussi étrange que cela puisse paraître !
Ma note
4,5/5
SUR LES FALAISES DE MARBRE (ERNST JÜNGER)
Le résumé du livre
De retour de la guerre, le narrateur est venu se réfugier en compagnie de frère Othon dans un ermitage, le domaine de la Marina, au pied des falaises de marbre surplombant un très riant pays de vignobles qui n’est pas sans rappeler l’Italie. Ils y passent paisiblement leur temps à étudier, à lire des ouvrages anciens et surtout à herboriser dans la campagne alentour. La vieille Lampusa leur sert de cuisinière et de gouvernante très dévouée. Chaque soir, elle dépose au sol une jatte de lait pour nourrir tous les reptiles du voisinage, ce qui réjouit le petit Erion, lui-même fils de l’auteur et de Sylvia, fille de Malpusa, partie au loin « avec des étrangers ». Tout respirerait le calme et la sérénité si le Grand Forestier, sorte de potentat local qui tient sous sa férule un territoire voisin, n’avait eu l’intention de s’emparer de la Marina. Très vite, le pays s’embrase, il est en proie au chaos le plus total et à la violence la plus barbare. Les chiens rouges sont lâchés. Le prince est atrocement décapité. Que vont devenir les deux ermites ?
Ma critique
« Sur les falaises de marbres » est un roman poétique et onirique, parfois proche de l’hermétisme et que la critique s’accorde à considérer comme le chef-d’œuvre d’Ernst Jünger. Beaucoup de descriptions de paysages bucoliques. Une grande importance donnée à la botanique qui fut une des passions de l’auteur. Et en arrière-plan, la politique et la guerre dont Jünger fut un héros lors de la première et un observateur lors de la seconde. De là à voir dans cet ouvrage un roman à clé, à trouver tel ou tel dictateur de l’autre siècle sous le portrait du Grand Forestier, il y a un pas à ne pas franchir. Même chose pour cette étrange retour à une barbarie rouge. Est-ce l’allégorie de la montée du nazisme ou de la tentative ratée de la révolution spartakiste que combattit l’auteur ? Sans doute ni l’une ni l’autre ou les deux. Cet ouvrage doit rester mystérieux, empreint de symbolisme et de fantasmagorie. C’est d’ailleurs le point de vue exposé par Julien Gracq dans son excellente post-face où, après une brève biographie de l’auteur et un résumé quasi impossible de l’intrigue, il en arrive aux mêmes conclusions. Ce texte va bien au-delà de la réalité et des circonstances de lieu et de temps pour atteindre l’universel, la description de la fin d’un monde, d’un retour à une barbarie latente. Un conte philosophique puissant. Une fable romantique désabusée…
Ma note
4,5/5
L’UTOPIE (THOMAS MORE)
Le résumé du livre
De retour d’un voyage en pays lointain, un certain Raphaël, homme savant et posé, raconte à Morus, le narrateur, ce qu’il a découvert dans une île inconnue conquise par Utopus et baptisée Utopie. La propriété privée y a été totalement abolie. Personne ne possède rien, même pas son domicile dont il faut déménager tous les dix ans pour ne pas s’y habituer ou ne pas le laisser se dégrader. Les travaux pénibles tels ceux de l’agriculture ne doivent pas être réservés à une classe sociale inférieure. Chacun doit changer de métier tous les deux ans et aller travailler la terre par roulement, ne serait-ce pour que tout le monde soit capable de produire sa nourriture. Tout un chacun doit être habillé de la même façon, très simplement, sans bijoux ni colifichet. L’Utopien a aussi aboli l’usage de l’argent. Il méprise l’or et les pierres précieuses à un point tel que ce métal ne sert plus que pour forger les chaines et les entraves des esclaves. Car ceux-ci existent bel et bien. L’esclavage remplace avantageusement la peine de mort. Ainsi le voleur ne serait pas encouragé à devenir criminel. La société en tire un meilleur bénéfice vu que ceux qui l’ont lésée lui paient ainsi leur dette. Le citoyen lui, ne travaille que 6 heures par jour. Toutes les villes sont bâties sur un modèle unique. Les femmes sont les égales des hommes. Elles peuvent être prêtres ou soldates. L’Utopien ne fait la guerre que contraint et forcé. Il préfère utiliser des mercenaires, mettre à prix la tête du chef de ses ennemis, voire intriguer pour faire se dresser les peuples les uns contre les autres. Il accepte toutes les religions à la condition qu’elles soient compatibles les unes avec les autres. L’Utopien ne tue aucun animal pour ne pas être tenté de trucider un humain. Le travail de boucher est dévolu aux esclaves souvent étrangers. Et les abattoirs sont toujours placés dans des endroits bien à l’écart.
Ma critique
« L’Utopie », paru en 1516, est un ouvrage de philosophie politique présenté sous forme de parabole qui peut très facilement se lire encore aujourd’hui et même avec grand intérêt ne serait-ce que pour comprendre qu’un grand nombre d’idées socialistes, communistes et aujourd’hui mondialistes n’ont finalement pas grand-chose de nouveau. Toutes ces idéologies remontent à loin. Quand Klaus Schwab nous dit qu’avec le grand reset nous ne posséderons rien et que nous serons heureux, Thomas More l’avait écrit plus d’un demi millénaire avant lui ! Mais More était un moraliste. Il rêvait d’un monde meilleur, moins injuste, plus égalitaire, moins cruel. Une sorte de paradis sur terre ! Avec le recul historique et la connaissance des dégâts causés par les révolutions successives (1789, sa guillotine, ses assignats et son génocide vendéen, le bolchevisme et ses appartements collectifs, les Khmers rouges et ses intellectuels envoyés trimer dans les rizières ou les Maoïstes et leur célèbre uniforme), il nous est possible de relativiser tout cela. Le mieux est toujours l’ennemi du bien. L’enfer toujours pavé de bonnes intentions. Ces grands humanistes disent ne vouloir que notre bonheur. Mais quand l’utopie devient dystopie, quand le rêve vire au cauchemar, on réalise que vouloir à tout prix le bonheur de l’homme même contre son gré, ne mène qu’à l’asservissement et à la pauvreté. Tout accroissement d’égalité ne peut se faire qu’au détriment de la liberté. À lire.
Ma note
4/5
LA SOUFFRANCE ET LE MOYEN D’Y METTRE FIN (DANIEL MADRASSE)
Le résumé du livre
Ni aujourd’hui ni demain ne font rêver et, à moins de se complaire dans l’insatisfaction, on ne peut chercher que de nouveaux moyens d’être heureux. Comment échapper à la souffrance ? Comment atteindre le bonheur ? Celui-ci serait un état de paix durable et dénué de souffrance, nommé aussi « ataraxie ». Le plaisir n’est pas le bonheur, car le plaisir est toujours éphémère et doit être recherché en permanence alors que la souffrance et la douleur doivent toujours être combattues. L’homme vit sous l’emprise de ses émotions, lesquelles sont indispensables à sa survie. Il fut un temps où l’homme se sentait encore maître du monde ou du moins de son territoire, où il se sentait un être libre plutôt qu’un rouage. À mesure que la société est devenue plus complexe, plus interdépendante et plus informatisée, cette liberté en a été d’autant plus réduite au point que se pose maintenant la question de savoir si une dictature totale ne serait pas le moyen ultime d’imposer l’égalité, la stabilité et donc la paix pour tous.
Ma critique
« La souffrance et le moyen d’y mettre fin » est un essai philosophique un peu dans la ligne de tous ces bouquins de recherche de bonheur ou de bien-être qui encombrent les rayons des librairies et qui rencontrent souvent un joli succès commercial. Sommes-nous si peu heureux qu’il nous faille autant courir derrière un bonheur que l’on n’atteint jamais ? Il faut dire que les sociétés modernes basées sur l’hyper consommation, la publicité omniprésente et la dictature du paraître, produisent de la frustration à haute dose. Cet ouvrage se compose de deux parties d’intérêt assez inégal. La première décrit la souffrance sous tous ses aspects. L’auteur fait appel à la biologie, à la chimie moléculaire, à l’ethnologie, à l’archéologie, à l’écologie et même à la théorie de l’évolution des espèces pour nous dépeindre la simple misère de notre condition humaine. Ce n’est pas inintéressant, mais un tantinet superfétatoire. Que de brillants développements pour démontrer une évidence ! La seconde partie nettement moins scientifique est totalement spirituelle. Pour remédier à cette souffrance, l’auteur fait appel aux pratiques religieuses de tous horizons. Bouddhisme, hindouisme (avec tous les types de yogas), christianisme (érémitisme, hésychasme et garde du cœur), islam (soufisme principalement) sont mis à contribution dans un syncrétisme plutôt intelligent. Les solutions ? Le retour à la pensée positive, à la méditation, au pranayama et autres répétitions du nom de Dieu. Un essai qui peut être utile à qui débute sur la voie de la sagesse…
Ma note
4/5
SUR LES CHEMINS NOIRS (SYLVAIN TESSON)
Le résumé du livre
Après une vie aventureuse passée à courir le monde des sommets de l’Himalaya aux steppes de la Sibérie en passant par les déserts et les rizières de l’Asie, Sylvain Tesson a fini par se retrouver à un tournant de sa vie. Ayant abusé des boissons plus ou moins fortes, il entreprit d’escalader la façade du chalet d’un ami et fit une chute qui lui occasionna de multiples fractures ainsi qu’une paralysie de la moitié du visage. Après un long temps de coma et des mois d’hospitalisation, il décida d’une manière originale de rééducation : la traversée de la France du sud-est au nord-ouest c’est-à-dire du col de Tende à la frontière italienne à la pointe de La Hague, extrémité du Cotentin. Une randonnée pédestre de plus de deux mois entre le 24 août et le 8 novembre 2015.
Ma critique
« Sur les chemins noirs » est un récit de voyage doublé de réflexions philosophiques, politiques ou artistiques diverses et variées. Se voulant à la pointe du progrès et de la nouveauté, Tesson se découvre une aversion pour le goudron (il s’efforce de ne suivre que les chemins « noirs », les tracés fins des cartes IGN au 25 000e, sentiers, sentes, allées, drailles impraticables pour les engins motorisés), pour la manie du déplacement à tout prix, pour le tourisme de masse alternant ski l’hiver et plage l’été, pour les centres commerciaux, les ronds-points, les autoroutes, les téléphones portables autant de symboles d’un modernisme et d’un mondialisme envahissants. Il plaint cette France du désert rural, ces paysans qui se suicident de se retrouver sans avenir et sans espoir. Une réflexion de parfait réactionnaire… Ce livre charmant se dévore comme un roman. Il est court mais dense ne serait-ce que par toutes les allusions littéraires ou picturales. Qu’on y cherche pas un guide de randonnée ou un journal de bord. Tesson suit trop les voies de traverse, les sentiers de fantaisie. Il dort à la belle étoile tout en fréquentant les petits hôtels chaque fois que c’est possible. Il marche parfois en solitaire, mais est souvent escorté d’amis (Cédric Gras, Humann et autres) ou de Daphné, sa propre sœur sur certains tronçons. Au rythme lent de ses pas, l’ex-explorateur des horizons lointains découvre que l’aventure peut aussi se nicher dans un humble sentier de grande randonnée bien franchouillard !
Ma note
4/5
FOUTEZ-VOUS LA PAIX ! ET COMMENCEZ A VIVRE (FABRICE MIDAL)
Le résumé du livre
Cessez de méditer. Ne faites rien.
Cessez d’obéir. Vous êtes intelligent.
Cessez d’être sage. Soyez enthousiaste.
Cessez d’être calme. Soyez en paix.
Cessez de vous réfréner. Désirez.
Cessez d’être passif. Sachez attendre.
Cessez d’être conscient. Soyez présent.
Cessez de vouloir être parfait. Acceptez les intempéries.
Cessez de chercher à tout comprendre. Découvrez le pouvoir de l’ignorance.
Cessez de rationaliser. Laissez faire.
Cessez de vous comparer. Soyez vous-même.
Cessez d’avoir honte de vous. Soyez vulnérable.
Cessez de vous torturer. Devenez votre meilleur ami.
Cessez de vouloir aimer. Soyez bienveillant.
Cessez de discipliner vos enfants. La méditation n’est pas de la Ritaline.
Ma critique
« Foutez-vous la paix » est un agréable manuel rempli de judicieux conseils de bien-être. L’ouvrage se présente sous forme d’une quinzaine de principes simples succinctement développés et d’abord facile. Une sorte de vulgarisation sans prétention d’une forme de philosophie hédoniste, sans prise de tête, bien dans l’air du temps. Il est vrai que nous sommes tous formatés dès l’enfance, abrutis de pensée unique, bourrelés de complexes et de principes et craignant tous de déroger à une doxa de plus en plus prégnante et intrusive par le biais des médias, de la publicité et autres vecteurs de manipulation mentale. L’auteur ramène assez souvent la généralité à lui-même, à ses origines et aux persécutions subies par son peuple. Il n’en demeure pas moins que tous ces principes sont universels. La nuance est parfois évidente, parfois subtile voire paradoxale. Quant à la mise en œuvre dans le monde réel, si elle est souhaitable, n’est pas forcément aisée. Tout ceci tourne quand même beaucoup autour de la méditation que l’auteur enseigne depuis des années et qui, semble-t-il ne serait pas tout à fait ce que l’on s’imagine généralement. Au total, un ouvrage intéressant bien qu’un peu superficiel par certains aspects.
Ma note
3,5/5
RÉVOLTE CONTRE LE MONDE MODERNE (JULIUS EVOLA)
Le résumé du livre
Alors que pour la plupart des historiens ou des politologues, la fracture entre l’ancien monde et le nouveau se situe à la Révolution Française, pour Julius Evola il faut remonter beaucoup plus loin, quasiment à la nuit des temps, quand le monde de la Tradition céda peu à peu la place à la modernité. Il faut aller jusqu’aux temps lointains de l’Egypte des Pharaons, de la Rome antique voire de l’Empire Inca pour retrouver trace de cette tradition primordiale. Dans ces mondes ignorant la modernité, toute la société était organisée autour du surnaturel, de la spiritualité dans une harmonie confondante. Le monarque, de quelque nature qu’il fût, se devait d’être un être supérieur, d’essence divine ou quasi divine. Sans discussion possible, il était le centre, l’âme agissante de son Etat et le père aimant et aimé de son peuple. Quiconque aurait voulu s’opposer à sa volonté se se serait retrouvé à aller contre la volonté de Dieu lui-même. Il se serait mis lui-même au ban de la société. Ainsi, à l’origine ou à la disparition de toute civilisation se trouve la présence ou l’absence du fait divin…
Ma critique
« Révolte contre le monde moderne » est un essai de philosophie politique basé à la fois sur l’Histoire telle que nous l’entendons et sur les mythes, légendes et autres hypothèses archéologiques ou non (Atlantide, règne des Titans, traditions nordiques, iraniennes, hindoues, etc.) Evola base sa théorie sur les quatre cycles de l’Humanité (or, argent, bronze et fer). Le premier serait celui de la divinité, celui du grand Monarque. Il aurait dégénéré en âge d’argent avec la prépondérance des guerriers avant de tomber dans celui du bronze le pouvoir passant entre les mains des bourgeois et des marchands. Depuis 1789 et surtout depuis la révolution russe de 1917, le fait spirituel aurait totalement disparu et le pouvoir serait tombé aux mains de la plèbe, de la caste la plus basse et la moins intelligente. Nous en serions au stade le plus bas de la décadence, à l’âge du fer, du Kali-Yuga. Pour aussi troublante qu’elle soit, cette théorie n’en demeure pas moins basée sur des prémisses discutables vu le peu de documents disponibles sur certaines époques. D’une lecture assez laborieuse, cet ouvrage important donne cependant énormément à réfléchir sur le fait que tout a sans doute toujours pas très bien fonctionné et que notre état de décadence semble déjà bien avancé !
Ma note
3/5
DIALOGUE DE VAINCUS (REBATET & COUSTEAU)
Le résumé du livre
Rebatet et Cousteau, condamnés à mort en 1945 pour collaboration avec l’ennemi en raison de leurs articles parus dans « Je suis partout » ont vu leur peine commuée, par grâce du président Vincent Auriol, en détention à perpétuité. D’abord détenus à Fresnes, fers aux pieds et dans des conditions dignes des bagnes de l’autre siècle, ils se retrouvent ensuite transférés à Clairvaux où leur statut s’améliore nettement en 1950, car les voilà responsables de la comptabilité et chargés de la gestion de la lingerie et de la bibliothèque de la prison, ce qui leur permet d’entamer ces dialogues remarquables par leur liberté de ton, mais aussi par leur cynisme et leur désespérance. Face à face, se retrouvent un Rebatet, pur homme de droite, formé par les Jésuites et détestant au plus haut point l’Église catholique et un Cousteau, frère du célèbre commandant écologiste de « la Calypso », homme de gauche, athée, fasciste assumé et ne se considérant vaincu que par la force des armes. À la fin de la guerre, le premier suivit Pétain, son gouvernement et Céline à Sigmaringen. Le second s’enfuit avec Doriot et ses sbires à Neustadt. Deux lieux où ils furent capturés et ramenés en France.
Ma critique
« Dialogue de vaincus » est un ouvrage assez original traitant de toutes sortes de sujets autant philosophiques, politiques, historiques, théologiques ou autres… Les dialogues sont au nombre de vingt, chacun sur un thème particulier. Au premier abord, le lecteur trouvera une fort longue introduction de 43 pages signée d’un certain Robert Belot, dans laquelle tout est fouillé, analysé, disséqué, décortiqué, explicité à un point tel qu’il risque de ne plus avoir envie de lire la suite. Et il aurait tort, car il raterait un véritable festival d’ironie grinçante et de mauvaise foi mêlée de lucidité désabusée. Ainsi la presse n’est que conformisme et prosternation devant la pensée dominante, même « l’Observateur », dépendant des cocos et des prolos, même « Rivarol », inféodé aux cathos. Seul « Le Crapouillot » trouve un peu grâce à leurs yeux. L’esprit de résistance avant 44 ? Une vaste blague. « Les décombres » de Rebatet s’est vendu à 65 000 exemplaires, « Je suis partout » tirait chaque semaine à 300 000 exemplaires, « la poignée de traitres était quand même assez dense », notent-ils. Cousteau intégra ce journal grâce à l’historien Pierre Gaxotte. Le premier article qu’il proposa fut pour défendre des Noirs injustement accusés du viol de femmes blanches aux USA. Quant à Rebatet, il y entra peu après grâce au coup de piston d’un Juif nommé Levinson. En réalité, on a affaire à deux anars, un de droite et un de gauche, tous deux farouchement anti-cléricaux, anti-nationalistes et européistes convaincus, pensant arriver à l’internationalisme en se plaçant sous la bannière du pire fascisme, du pire nazisme. « La démocratie est un fléau répugnant », dit Cousteau. Au fil des dialogues, un nombre impressionnant de personnages célèbres sont rhabillés pour l’hiver à commencer par « Dudule » (Hitler) qui a perdu, car il n’a même pas été fidèle à ses propres principes, en passant par Churchill, qui avoua lui-même avoir « tué le mauvais cochon » en faisant allusion à l’alliance avec Staline, sans oublier Roosevelt traité comme un boutiquier sans envergure qui abandonna la moitié de l’Europe en laissant un rideau de fer s’abattre sur elle. Seul Staline trouve grâce à leurs yeux car lui ne commit aucune erreur, ne prit jamais de demi-mesures et alla jusqu’au bout dans la liquidation de ses ennemis politiques. Un livre qui garde un certain intérêt surtout à titre de document historique et également pour quelques comparaisons affligeantes avec notre situation actuelle.
Ma note
3,5/5
VAGABONDAGE (MICHEL TESTUT)
Le résumé du livre
Le bonheur de s’arrêter dans la campagne pour contempler un beau site naturel. Le plaisir de s’attabler dans une petite auberge de campagne pour y déguster les spécialités d’une cuisine « comme à la maison ». La joie de marcher sur les sentiers, de profiter de la campagne, de la forêt, des petits villages perdus dans les collines au rythme lent de ses pas. Se promener dans Saint-Astier. Découvrir le charme de Ribérac. Explorer les rives de la Double. Se régaler de la galette des Rois ou du bon gros pain de campagne croustillant juste sorti du fournil du boulanger. Faire les vendanges à la ferme. Chasser le cèpe en septembre ou dénicher la truffe. Autant de bonheurs simples et campagnards amoureusement décrits dans ce petit ouvrage.
Ma critique
« Vagabondage » est un recueil de 22 textes dont certains ont été des articles de journaux locaux. Tous abordent une facette différente de la vie paysanne avec une certaine nostalgie clairement et fièrement revendiquée. Son éloge des granges en est sans doute le plus bel exemple. Mais Michel Testut nous propose bien plus que cela. Une sorte de petit traité en 22 articles du bonheur, de la joie dans toutes sortes de petites choses agréables. Un véritable précis de sagesse plein de saveur et de poésie. Les descriptions sont toutes minutieuses, pleines de tendresse et de malice. Et au détour d’un article, le poète périgourdin peut tout aussi bien se montrer philosophe ou moraliste. Il n’hésite pas à condamner le pognon roi, la malbouffe ou les salles communales polyvalentes qui ont condamné les bals sur plancher et sous chapiteau. Le lecteur pourra rapprocher Testut de Delerm et faire son miel de ces délicieux textes de poésie en prose (tous à consommer sans modération !)
Ma note
4,5/5
CONTES LIQUIDES (JAIME MONTESTRELA)
Le résumé du livre
Le jour du Mardi-Gras, les hommes jouent aux femmes, les femmes aux hommes et les enfants aux adultes… Les Tihotuhop sont végétariens, mais ils font exception en se régalant de piranhas le jour de la cérémonie du Recyclage… À l’approche des vacances d’été, de nombreux jeunes gens se ruent dans les bibliothèques, les musées et les séminaires de philosophie pour faire rayonner plus puissamment leur aura… Un condamné à mort a pour dernière volonté de n’être exécuté qu’après avoir eu le temps d’apprendre le chinois… À Pine Gulch, le conseil municipal a décidé d’expulser de la langue tout vocable ayant une référence à la sexualité… Sur un archipel des Philippines, des insulaires ne savent pas compter au-delà de 456…
Ma critique
« Contes liquides » est un recueil de très courts contes ou historiettes. L’auteur portugais a réduit chacune de ses narrations à une demi-page maximum. Ces petits textes humoristiques, étranges ou carrément absurdes sont d’intérêt variable. Ils vont de la blague Carambar au conte philosophique en passant par les traits d’humour potache, les élucubrations absurdes ou les simples jeux de mots ou d’esprit. Le style est incisif, minimaliste et souvent apte à dire beaucoup sans grands développements. C’est amusant, léger, parfois facile et quelquefois ça donne à réfléchir sur la sottise de certains de nos comportements. Un auteur un peu méconnu, mais qui mérite le détour.
Ma note
4/5
DES PENSÉES SANS COMPTER (PHILIPPE BOUVARD)
Le résumé du livre
« Le métier d’homme politique repose sur l’art de se rappeler périodiquement au bon souvenir de concitoyens dont on tire ses revenus en écornant les leurs. »
« La vie : ce dérisoire et prétentieux ballet dansé par des condamnés à mort. »
« Les affaires d’abus de biens sociaux : on ne divise pas pour régner, on additionne pour nuire. »
« Travaille qui veut. Travaille qui peut. Travaille qui ne sera pas remplacé par un robot. Travaille qui ne pense pas à ses impôts. »
« Le népotisme constitue la seule arme absolue contre le chômage de certains jeunes. »
Ma critique
« Des pensées sans compter » est un recueil de bons mots, de maximes, d’aphorismes, de traits d’esprit et autres trouvailles langagières surgies de l’esprit malicieux et observateur de leur auteur, un certain Philippe Bouvard, plus connu comme présentateur-animateur télé que comme écrivain. Tous sont marqués au coin de l’humour, de la dérision, de l’auto-dérision et du bon sens. Quel plaisir de pouvoir se régaler de ces petites pépites d’intelligence et de finesse digne des plus grands (Courteline, Allais ou Guitry) ! Le délicieux auteur, esprit brillant et ironique porte un regard aigu et parfois désabusé sur la réalité de notre société, sur les travers de nos contemporains et sur ses propres faiblesses ou incertitudes. Un ouvrage à lire, relire, consulter, picorer avec toujours autant d’appétit. Comme quoi la sagesse et l’acuité de l’analyse peuvent aussi se nicher dans les couloirs de l’abêtissant média boursoufflé.
Ma note
4,5/5
LETTRES A LA TERRE (STÉPHANE TIRARD)
Le résumé du livre
La Terre est-elle au centre de l’univers ? Comment peut-on en mesurer l’étendue ? Le Soleil est-il le centre du mouvement de la Terre ? Peut-on s’élever dans les airs en se couvrant de fioles emplies de rosée du matin ? Les eaux de la mer se retrouvent-elles sur le sommet des montagnes ? La Terre vogue-t-elle dans une immensité sans fin ? Pourrait-on se servir du Kilimandjaro comme du plus grand canon jamais construit ? La Terre souffre-t-elle d’un développement humain désordonné ? La planète est-elle comme malade du genre humain ? Peut-on vraiment agir de façon positive pour la Terre ?
Ma critique
« Lettres à la Terre » se présente comme une anthologie rassemblant 35 textes d’auteurs aussi différents et éloignés dans le temps ou l’esprit qu’Aristote, Chateaubriand ou Jean-Marie Gustave Le Clézio. Le fil rouge de ce recueil assez surprenant est l’intérêt que tous portèrent à notre planète. Autant les Anciens cherchaient à la connaître, à comprendre son positionnement astronomique, son mode de fonctionnement, autant les Modernes et tout particulièrement les auteurs du XXIème siècle se songent qu’à la défendre contre les agressions humaines et à la protéger pour éviter les conséquences catastrophiques d’une probable vengeance de Gaïa. Rassemblées par Stéphane Tirard, ces « lettres » sont d’un intérêt inégal pour le lecteur. Elles permettent surtout de découvrir qu’au fil de quelques millénaires, les humains se sont polarisés sur des sujets forts différents. La plus poétique est celle de Saint-Exupéry, la plus sociale, celle de Zola et la plus émouvante, celle de Marc Bloch, la plus surprenante, celle de Jules Verne et la plus révoltante celle de John Steinbeck. Au total, une impression plutôt mitigée.
Ma note
2,5/5
LA DIFFÉRENCE CRÉATRICE (JACQUES DE BOURBON-BUSSET)
Le résumé du livre
Aimer c’est faire confiance, c’est accepter qu’un autre m’altère… Je me suis débattu contre l’amour comme on se débat contre Dieu… Chacun aime l’autre pour l’autre et non pour soi… Le mal, c’est le refus du droit à la différence et donc l’esprit de domination… Malheureusement, la société marchande n’adore qu’un dieu, le dieu fric… J’apprends que la fidélité est une création perpétuelle, que l’amour peut vaincre le temps, que l’intelligence du cœur est au cœur de l’intelligence… Ce livre étant impossible à résumer, j’ai préféré noter ses quelques pépites qui illustrent parfaitement le propos de l’auteur.
Ma critique
« La différence créatrice » est un double recueil philosophique : celui de sept textes personnels de Jacques de Bourbon-Busset et dans une seconde partie celui d’une vingtaine d’autres de grands auteurs, saints, poètes ou philosophes (comme Saint Jean, Saint Bernard, Charles Péguy, Paul Valéry, Rainer Maria Rilke, Descartes, Pascal, Spinoza, Rousseau, Alain, Heidegger, etc.) Tous semblent convoqués ici pour illustrer les réflexions de l’auteur sur l’amour, la mort, le divin, l’humain, l’âme, la puissance et la gloire, le respect de la nature. Les sujets ne manquent pas, les interrogations non plus. À moins de servir d’introduction voire d’initiation, l’ensemble qui a quelque chose d’hétéroclite et d’un peu superficiel laisse le lecteur un peu sur sa faim. Mais une authentique philosophie n’est-elle pas une perpétuelle recherche ?
Ma note
3/5
LES AVEUX INFIDÈLES (JACQUES DE BOURBON-BUSSET)
Le résumé du livre
Un homme, écrivain et diplomate, sorte de double de l’auteur, s’interroge sur le sens de sa vie, sur l’amour, la mort, l’amitié, la transcendance, entre autres choses. Pris dans le tourbillon de la vie, se préoccupe-t-on si l’âme meurt avec le corps ou si quelque principe supérieur la sauve de l’anéantissement ? Il faut dire que la mort rôde autour de lui. Il vient de perdre J., une amie très chère, suite à une longue et douloureuse maladie. Son frère est mort pendant une escarmouche au début de la guerre, sa mère également victime d’une rafale de mitraillette en août 44 et son père pour achever la série. Sa vie ne trouve un sens qu’auprès de sa compagne et dans le calme de la nature. Il songe même à tout quitter pour ne plus se consacrer qu’à son art.
Ma critique
« Les aveux infidèles » se présentent comme des confidences décousues, qu’on dirait écrites au fil de la plume dans une série de courts chapitres sans véritable lien les uns avec les autres. Une suite d’impressions introspectives, une auto-analyse et même une autobiographie spirituelle. Jacques de Bourbon-Busset, qui est loin d’être un mystique, est parti d’un rejet de la transcendance pour lentement y revenir sous l’influence de sa compagne. En chemin, il s’est interrogé sur tous les grands thèmes de la philosophie. Le lecteur y trouvera les influences d’Alain, de Kant et de quelques autres ainsi que de Paul Valéry en ce qui concerne la poésie. Ces aveux « infidèles » (au sens que les mots peuvent souvent trahir la pensée) laissent au lecteur une impression de légèreté pour ne pas dire de futilité. Ils restent la plupart du temps à la surface des choses sans jamais les approfondir vraiment. Ils posent plus de questions qu’ils ne proposent de réponses. Mais la vie n’est-elle pas ainsi ?
Ma note
3/5
LA VIE TRAMPOLINE (MONIQUE BROSSARD-LEGRAND)
Le résumé du livre
Après de longues études de médecine, Monique Brossard-Legrand devient une cancérologue et chirurgienne reconnue et passionnée par son métier. Mais, au bout d’une vingtaine d’années de vie commune, son mari la quitte. Avec son grand fils, elle retourne habiter chez sa mère et sa sœur aînée. Elle vit assez mal cette solitude forcée et cette cohabitation un peu étouffante jusqu’au jour où elle rencontre, sur une piste de ski, le charmant et élégant Jean-Pierre. S’ensuit une quinzaine d’années de bonheur pendant lesquelles les deux amants habitent chacun chez soi et ne se retrouvent que pour le meilleur…
Ma critique
« La vie trampoline » est un récit en forme de témoignage de vie. L’auteure nous fait part de ses joies et de ses peines au fil du temps. Elle traverse un divorce difficile, quitte un service hospitalier pour lequel elle s’est dévouée corps et âme pendant des années et se lance dans l’humanitaire dans plusieurs pays lointains. Au total, une belle leçon de vie pleine de philosophie et d’humanité. Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Et il y a toujours un enseignement à tirer de nos échecs ou de nos erreurs. Le livre se lit facilement et rapidement, car le style est fluide et agréable. Nul doute qu’il donnera à réfléchir à plus d’un ne serait-ce que par la problématique de l’identité quand on se retrouve tiraillé comme elle entre deux origines.
Ma note
3/5
LE SIÈCLE DES LUMIÈRES ÉTEINTES (JEAN DUTOURD)
Le résumé du livre
C’est une étrange manie que celle de vouloir changer le mode de scrutin à chaque fois que ça arrange ! « La proportionnelle est la planche de salut des incapables, des nullots, des gens qui, pendant les années qu’ils étaient au pouvoir n’ont fait que des stupidités, sans parler de ceux qui se sont mis un peu d’argent dans les poches », note l’auteur, assez peu satisfait des grandes avancées des années Mitterand… Sans parler de la manie de distribuer à tout-va des décorations à des étrangers, et particulièrement à des Américains que cela laisse relativement indifférent… Manie également de s’incruster au pouvoir, même après que le peuple vous a infligé un démenti sanglant… Paradoxe des commémorations du bicentenaire de la Révolution française, qui fait que Louis XVI et Marie-Antoinette, par leur martyr, en deviennent les figures dominantes…
Ma critique
« Le siècle des lumières éteintes » est un recueil de chroniques éditoriales parues dans France-Soir entre 1992 et 1999. L’académicien Dutourd y disposait en première page d’une tribune qui lui permettait, chaque semaine, de donner son avis sur un fait de société, une tendance ou n’importe quel événement politique du moment. Il y faisait preuve d’une telle intelligence, d’une telle clairvoyance, d’un tel esprit et d’un tel humour, que le jour de sa parution, le samedi, le journal enregistrait ses meilleures ventes. Il en fut pourtant éjecté fort inélégamment, après plus de trente années de bons et loyaux services et en fut très chagriné comme il le raconte en introduction et en conclusion. Relire ces articles peut sembler paradoxal et sans grand intérêt. Même si ces vieilles « actualités » sont devenues du passé et presque de l’histoire, le style est tellement bon, l’esprit tellement affuté et la plume tellement élégante que cela reste encore un plaisir de fin gourmet.
Ma note
4/5
LES QUATRE VÉRITÉS DE L’ABBÉ PIERRE (PHILIPPE JOST)
Le résumé du livre
Pendant des années personnalité préférée des Français, l’abbé Pierre, de son véritable nom Henri Grouès, se fit connaître par son émouvant appel de 1954 en faveur des sans-logis. Véritable trublion des médias, empêcheur de consommer et de profiter en rond, il apparut et réapparut de temps à autre, pour marteler son quasi unique message « Et les autres ? ». Dans cet ouvrage, l’auteur a collecté la plupart de ses appels, de ses pensées, de ses fulgurances franciscaines classées en cinq grands chapitres : « L’homme de Dieu », « Emmaüs, la guerre à la misère », « Dieu et la foi », « La vie mode d’emploi », « Politique et société ».
Ma critique
« Les quatre vérités de l’Abbé Pierre » est donc un recueil non exhaustif de citations extraites de ses nombreuses interventions, conférences, entretiens et ouvrages. La plupart sont de véritables aphorismes ou maximes de belle teneur sociologique, philosophique ou théologique. « Le prophète, c’est la grande gueule, la voix des hommes sans voix, celui qui se dresse entre un pouvoir aveugle et un besoin muet ». « Les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques. On ne pleure pas devant des chiffres ». « Le plus important, ce n’est pas d’être croyant, c’est d’être crédible », dit-il. Un livre à lire et à relire. À picorer, à méditer et à parcourir en diagonale de temps à autre pour en faire son miel et surtout pour ne jamais oublier… « les Autres ».
Ma note
4/5
2024 (JEAN DUTOURD)
Le résumé du livre
En 2024, Paris est devenue une ville fantôme, décrépie, dépeuplée et quasi en ruines. La raison de cette catastrophe ? La dépopulation. En effet, depuis plusieurs décennies, les femmes se sont refusées à avoir la moindre progéniture et les hommes n’ont rien pu ou voulu faire pour contrer ce mouvement. Résultat : l’humanité, composée principalement de vieillards cacochymes et de rombières acariâtres et flétries, chemine lentement vers sa fin programmée. Et voilà qu’un jour, le narrateur fait une rencontre extraordinaire dans un jardin public : un jeune père d’une trentaine d’années accompagné par un petit gamin de six ans prénommé Jean-Pierre…
Ma critique
« 2024 » est une dystopie écrite dans les années 70 sur le principe que l’humanité ne court pas vers la surpopulation, mais vers son contraire, la dépopulation générale due à un excès de progrès, de science, d’efficacité et à un manque de spiritualité, de charme, de magie. « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas », prête-t-on à André Malraux. Jean Dutourd en a tiré cette histoire en forme de conte philosophique. L’intrigue est simple et le recul du temps nous montre que cette hypothèse ne tenait pas la route. Cependant, elle sert à de magnifiques développements sociologiques ou philosophiques sur les conséquences des idées de Mai 68. Résultat : on a encore beaucoup de plaisir à découvrir ce texte tant la pertinence du propos reste flamboyante d’intelligence. Il faut lire Dutourd, même aujourd’hui. Il y a tout à gagner de profiter de la sagesse d’un grand esprit et de la plume alerte d’un merveilleux écrivain.
Ma note
4,5/5
DES NÉONS SOUS LA MER (FRÉDÉRIC CIRIEZ)
Le résumé du livre
« Le Fascinant », vieux sous-marin de la Marine Nationale termine une calamiteuse carrière le long d’un quai désert de l’anse de Paimpol. Il a été racheté par une société anonyme pour être transformé en bordel flottant. Une douzaine de prostituées indépendantes, aidées de quelques mâles, y accueillent des clients pour des prestations tarifées de gamme moyenne-haute car de nouvelles lois ont autorisé la réouverture des maisons closes. Beau-Vestiaire, le narrateur, chargé de recevoir les clients et de les débarrasser de leurs manteaux et blousons, présente l’établissement au lecteur…
Ma critique
Cet étrange opus, qui se voudrait relever de l’anticipation sociopolitique est présenté comme un premier roman. En fait, il ne relève guère du genre dans la mesure où il ne propose pas la moindre intrigue au lecteur. En clair, il ne se passe rien dans ce bouquin. Dans un fouillis de truismes et de clichés complètement éculés sur la prostitution et la condition féminine, nous avons droit à d’arides descriptions de sites, villes ou paysages dignes d’un vulgaire guide touristique, à des divagations sur les diverses couleurs de l’arc en ciel et de temps en temps à des paragraphes barrés. Cette technique qui permet à celui qui sait ne pas en abuser de mettre en parallèle des idées ou des langages contradictoires pour arriver à des effets comiques ou ironiques, tombe ici complètement en porte à faux. Les parties barrées sont totalement inutiles. L’auteur aurait été bien inspiré de les épargner à son malheureux lecteur ! Un profond ennui se dégage de cette œuvrette. Quoi de plus normal avec pareil sujet. Sexe à chaque détour de phrase, cela tourne à l’obsession et devient vite aussi lassant et aussi convenu qu’un film porno. N’est pas Miller, Bukowski, Sade ou Boccace qui veut. Seule petite lumière dans cette triste traversée de ce désert littéraire faussement poétique : les biographies assez amusantes des péripatéticiennes.
Ma note
2/5
ABECEDAIRE MAL-PENSANT (JEAN-FRANCOIS KAHN)
Le résumé du livre
Présenté sous forme d’articles courts ou longs selon les sujets, ce livre un peu à part présente l’opinion de l’auteur sur des sujets aussi variés que la politique, l’économie, la religion ou la philosophie. Même si l’on n’est pas toujours d’accord avec les positions prises, on ne peut que célébrer l’intelligence, la finesse ou le bon sens de l’un de nos plus brillants éditorialistes actuels, rédacteur en chef de l’hebdomadaire « Marianne ».
Reste la question placée en sous-titre : « A-t-on encore le droit d’écrire ça ? » qui sous-entendrait que l’auteur serait un terrible dissident, un révolutionnaire enragé ou un combattant engagé contre la pensée unique… Et là, grosse déception. L’auteur ne risquera ni le bûcher ni le lynchage médiatique pour ces quelques articles, car il n’est que taquin, impertinent voire très légèrement insolent avec un système dont il fait partie d’ailleurs d’une certaine manière et même d’une manière certaine. À côté de mini-biographies de philosophes ou de grands hommes d’hier ou d’aujourd’hui, après de grandes envolées vers les hautes sphères de la philosophie ou de la politique, le voilà qui ne peut s’empêcher le calembour à deux sous ou le jeu de mots facile… Mais on lui pardonne. Personne n’est parfait et une petite blague de temps en temps peut détendre l’atmosphère.
Ma critique
Souvent, ça sent la poudre, ça tire, ça défouraille dans tous les azimuts. Rares sont ceux qui ne ressortent pas rhabillés pour l’hiver après être passé entre les griffes de l’auteur. Un en particulier en prend pour son grade : Nicolas Sarkozy décrit comme nombriliste, narcissique, agité, instable et surtout tenté par le césarisme bonapartiste…
On passe de bons moments au détour de ces pages.
Morceaux choisis :
Frimer : s’affirmer capable, dans le même élan, de redresser les comptes de la Sécu, les voyous des cités et la tour de Pise.
Frite : valeur autour de laquelle, en cas d’éclatement de la Belgique, peut se faire l’union de la Wallonie et de la France.
Distributeur automatique : notre interlocuteur principal, désormais, dans la vie de tous les jours.
Apéritif : sorte de vin doux que l’on boit en prélude à un repas ou banquet consistant : en apéritif donc. Par extension : vous faîtes voter des douceurs fiscales en apéritif et vous avez droit, ensuite, à un déficit budgétaire très consistant.
Omelette : le problème du centre mou, c’est sa propension à vouloir faire une omelette sans casser des œufs. Mais celle de la droite et de la gauche dure, c’est qu’elles ont tendance à casser des œufs sans réussir à faire l’omelette.
Camping : ressemble à un camp de réfugiés, sauf que l’accès y est volontaire et même payant.
Aubry, Martine : Absinthe femme. Partagea le travail, ce qui appauvrit évidemment les travailleurs, mais pour la bonne cause. Martine Aubry pense toujours bien, mais méchamment.
Argent sale : Paradoxalement, il s’agit d’argent qui a été blanchi et, en plus, quand on a découvert son origine louche, on s’exclame : « C’est du propre ! » De toute façon, comme la guerre enrichit infiniment plus que l’humanitaire et la spéculation immobilière beaucoup plus que la création poétique, on ne voit pas comment l’argent pourrait être immaculé.
Ma note
4/5