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ASSOUAL

CHAPITRE 2

Pollyt sortit du bureau du Commodore. Un étranger, qui aurait eu l’imprudence de musarder par là, se serait étonné de le voir tout vert, couleur qui donne une mine épouvantable. Heureusement pour lui, Pollyt, kommissar chargé du district de Ryadsol et autres lieux découverts à marée basse, ne fit pas la moindre rencontre de ce genre dans les rues écrasées de soleil. Il ne vit ni rat ni chat, ce qui au fond allait de soi vu que chacun s’évertuait d’en mettre un au pot chaque dimanche sans jamais avoir entendu parler d’un quelconque Roi Henri avec un panache blanc qui aurait servi de point de ralliement pour qui que ce fût…

Pollyt était un être bizarre. Certains le prenaient même pour une sorte de mutant. Il n’avait ni le regard fuyant ni la longue face terreuse du traître patenté, mais juste une bouille pâle et plate. Sans expression particulière. Des yeux ronds et éteints comme de vieux boutons de djellaba. Son seul et unique problème venait d’une sorte de maladie de peau appelé caméléonite : il changeait de couleur en fonction des circonstances, des évènements et même de ses propres états d’âme. Il devenait vert quand il avait affaire à l’administration. Il virait au carmin en face du petit peuple et au bleu Navy quand il parlait aux femmes qui lui trouvaient alors un charme supplémentaire. Le jaune était réservé aux ennemis du peuple et l’orange au tandem gouvernemental composé du Très Aimé Justin Nietyès II, prince régnant si peu, et de Capulco, général en chef de la région militaire du Schodt, que la dérision populaire avait surnommé « Le Tendre ». Pollyt pouvait donc passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sous l’emprise de ses divers sentiments. Du rouge de la colère, au noir de la fureur en passant par le vert de la honte ou le bleu de la peur, ce qui était plus commun. Bon citoyen, à l’orange, il ralentissait, au rouge il s’arrêtait et ne repartait qu’au vert. Ce qui amusait beaucoup les enfants vu que la circulation se réduisait à environ trois baudets, deux chameaux et un canasson grand maximum par jour.

Mais la couleur de base du komissar Pollyt, son teint habituel et même personnel était le gris souris. La marque du manque de confiance en soi, de la méfiance et surtout de la bonne vieille filouterie. Champion de l’ouverture du parasol, il s’était vu attribuer à son insu le surnom de « Trembleur ». En effet, toute sa palette de jolies couleurs étaient souvent mêlées de gris ce qui en gâchait les plus beaux effets.

Son entrevue avec le Commodore avait été des plus brèves. À l’intérieur du grand bâtiment blanc sans fenêtres de la « Kommandantura », il n’avait trouvé qu’une petite dizaine de soldats dépenaillés et vautrés autour d’une grande table en train de vider de grandes chopes de thé à la tomate. Vraisemblablement avec plus de churunga à 77° et quelques que de simple tisane si on en jugeait à leur regard peu éveillé. Et pour ne rien arranger, ces abrutis mâchaient de grosses boulettes de tom-shi-kom, ce mélange détonnant de jus de pistils de reines de marie-martines (la fleur de la vie en rose), de champignons anxyogènes, d’acide divertique et de gomme noirabique. Mélangé avec l’alcool, c’était la défonce assurée. L’esprit plein de visions d’araignées géantes, de zombies dansant le moonwalk voire d’éléphants roses montant à cinq dans une deux chevaux à toit ouvrant, le junkie-bidasse planait, ne sentait plus son corps. Il en oubliait sa triste condition et surtout son incommensurable ennui. Pollyt le trembleur, toujours prudent ne s’y était jamais risqué. Il craignait les effets secondaires de la gomme noirabique que certaines études scientifiques considéraient comme éventuellement cancérigène. Et puis un tel laisser-aller aurait été honteux et dégradant pour un kommissar aussi respectable que lui. Le Commodore tolérait cette pratique chez ses hommes uniquement pour leur donner le courage de mener à bien leurs opérations peu ragoûtantes et surtout pour les empêcher de se rebeller ou de tomber dans les abimes de la dépression.

Quand il entra dans le bureau, Pollyt se mit à trembler comme gélatine présentée par une cuisinière parkinsonienne. Cela ne surprit pas le Commodore qui connaissait bien le bonhomme. « Teuss, teuss ! Siffla-t-il. Le kommissar Pollyt ! Gaaarde à vous ! »

Les bidasses avachis rectifièrent très vaguement la position en se redressant à demi sur leurs sièges. Tous le craignaient, même les plus ahuris. Surtout en raison de son tremblement que chacun attribuait naïvement à une violente et sempiternelle colère. Sans oublier qu’il représentait rien moins que le pouvoir politique dans ces lieux oubliés.

— Qu’est-ce que ça signifie ? s’indigna Pollyt en s’adressant au Commodore. On se goberge à longueur de journées et personne ne s’inquiète plus des manigances du sale Blanc !

— Vous voulez sans doute parler du Prince Blanc ? Demanda l’autre.

— Imbécile, vous cherchez à finir empalé ou quoi ! À votre grade, vous savez bien qu’il n’y a qu’un seul et unique Prince, notre bien-aimé Justin Nietyès que tout le monde doit révérer sur l’ensemble du territoire de Ryadsol et jusqu’aux plus lointains confins du Panscotschodt !

— Ich bine apsoloument bersouadé, Herr Kamerad Kommissar ! Brailla le Commodore en prenant un accent teuton qu’il jugeait du plus bel effet mais qui fit virer au vert de gris son interlocuteur qui en était à trembler comme feuille de peuplier au vent d’automne.

— Où en est-on avec ce renégat ?

— Mais… Nous l’affons excéguté, hier, Kommissar… Gonformément à fotre ordre…

— Pas exactement, Commodore Asch, sur l’ordre express du saint tandem gouvernemental…

— Pour nous, c’est du kif ! Mais, si je peux me le bermettre, sauf votre respect, ça n’en pas été – du kif j’entends – pour mes hommes… Une sale pesogne, le décollage…

— Le décollage ? S’étonna Pollyt.

— Le décollement, si vous bréférez, enfin, la décapitulation ou la décapitalisation, disons… quand on lui a coubé la tête quoi… quand on l’a raccourci par le haut…

— Je vois.

— Non, vous ne bouvez bas voir. Juste imaginer. Une répugnante horreur, une saloperie infâme. Les gars en ont tous dégueulé… surtout qu’il était goriace le Blanc et qu’il a fallu embloyer les grands moyens…

— Comme « La galochine » ?

— Non, on n’en avait bas sous la main. On a dû se gontenter de la scie mécanique… Vous savez, la vieille, celle à pédales !

— Je vous en prie, Asch, épargnez-moi les détails sordides, le supplia un Kommissar plus écœuré par les relents de churunga que par la description du supplice.

— Et figurez-vous que ça n’a pas suffit, poursuivit le Commodore, abandonnant un accent teuton qui ne l’amusait plus. Cette saleté de bécane a trouvé le moyen de s’enrayer. Impossible de réparer… Un grain de sable dans les engrenages sans doute. Toujours est-il qu’il a fallu aller quérir un tranchoir dans l’ancienne boucherie cameline. Les gars ont dû se débrouiller tout seuls vu que le boucher avait quitté le pays sans crier gare ni aéroport d’ailleurs. On ne le croirait pas, mais on peut faire faillite même dans un commerce de viande au détail. Tout cela pour dire qu’ils ont fouillé partout et jusqu’au fond du grenier juste pour me ramener un vieux sabre tout rouillé et tout ébréché, mais encore solide. Dans le temps, nos anciens savaient fabriquer costaud. Et c’est avec ça qu’ils ont achevé le boulot. Le Blanc avait dû claquer avant la fin de ce spectacle de Grand Guignol. Toujours les mêmes, ces aristos… Forts en gueule mais petite nature…

— Donc tout est bien qui finit bien ?

— Pas vraiment ! Y avait du sang partout… Mes gars ont tourné de l’œil… Une très sale affaire pour le moral du troufion… Même moi, ça m’a salement secoué. C’est la raison pour laquelle j’ai autorisé à titre tout à fait exceptionnel cette petite éclate à la churunga et au tom-shi-kom…

— Je comprends sans approuver, fit Pollyt, mais j’ai comme l’impression que vous ne m’avez pas tout raconté…

À cet instant, un soldat se dressa en renversant son banc. Les yeux lui sortaient littéralement de la tête. Halluciné, il tendait le cou et les bras en direction du kommissar qui en menait de moins en moins large : « Oh ! Regardez ! Le rhinophacochère à dents de sabre ! Il est énorme avec son poil bleu et ses yeux rouges ! Il est là ! Il fonce sur moi ! Il va m’écraser, me déchiqueter, m’étriper ! Bordel ! SAUVEZ-MOI, CAMARADES, SAUVEZ-MOI ! » Il hurlait comme un damné sans que personne ne réagisse vraiment. Perdus dans d’autres mondes tout aussi étranges, ses collègues, ayant sans doute affaire à des entités différentes, ne devaient même pas l’entendre.

— Mais, bon sang, faites-le taire ! Cria le kommissar qui n’en pouvait plus.

Le Commodore Asch prit une de ses babouches à semelles compensées et en souffleta d’autorité l’excité. Cela remit en place les idées du tom-shi-komé qui se mit à chialer bêtement car l’autre n’y était pas allé de main morte. « Maintenant ferme-là ! Lui intima son chef. Sinon, je continue, mais avec la galoche à clous cette fois et là, tu vas plus reconnaître ta tronche quand tu passeras devant un miroir… » Le soldat s’effondra sur lui-même et se tut définitivement. Asch ne put s’empêcher de se plaindre en se rechaussant : « Quelle misère que tout ça… Dire que c’étaient tous de braves bidasses. Tôt ou tard, même les plus costauds finissent par tomber en ruine. Et va-t’en leur trouver des remplaçants ! Triste condition que celle du combattant réduit à l’oisiveté et au maintien de la paix… Vous savez ce qui manque à ce pays, kommissar Pollyt ? »

— Non, fit l’autre.

— Une bonne guerre !

— Admettons, concéda Pollyt. Mais j’aimerais bien entendre la suite de l’histoire…

— Ah oui… Eh bien, le Prince Blanc…

— Arrêtez avec ça ! Dîtes « le Blanc » tout court ou « le sale Blanc » ou, mieux encore, « l’ignoble et répugnant petit Blanc nauséabond ». Comme ça, vous ne quitterez pas la ligne agréée « Pollyt Correct »…

— Oui, enfin, le bonhomme en question, on l’avait bel et bien occis… Plus de lézard sous l’ombrelle…

— Vous voulez dire « sous la tonnelle » ?

— Oui, si vous voulez… sous la tonnelle, approuva sans comprendre le Commodore Asch.

— Tendre et tête de bois comme vous êtes, je parie que vous n’avez pas vérifié que les vignes étaient belles du côté de Grosjean…

— Bon sang, mais c’est bien sûr ! J’ai oublié de leur faire chanter la romance…

— Et voilà pourquoi on en est là ! Explosa Pollyt. Avec une pareille bande d’incapables qui ne respecte ni rites, ni traditions, je ne sens pas bien la suite…

— Donc, selon vos ordres…

— NOOON, hurla le Kommissar, selon les ordres du tandem gouvernemental ! Que je n’aie plus jamais à vous le répéter !

— Oui, enfin, histoire de souffler un peu après toutes ces émotions, nous avons laissé la tête d’un côté, le corps de l’autre, à même le sable, à trois pas de nous…

— Sans lui chanter « Ah le petit churunga blanc… » ?

— Sans chanter, personne n’avait le cœur à ça, mais en le buvant à sa santé, dit le Commodore. Oh, juste du 33°5 ! On était en service… Dans ces cas-là, on n’abuse pas… On sait rester raisonnable… Rien qu’un petit coup, c’est agréable et ça vous requinque son bonhomme…

— Admettons, fit le Trembleur d’un ton sec. Et la suite ?

— Eh bien, un petit quart d’heure après, pas plus, la tête du renégat avait disparu !

— Vous l’avez cherchée quand même ?

— Ah, ça oui ! On a fouillé tout le coin, les rues, les places, les bicoques, et de la cave au grenier. Partout je vous dis, partout…

— Je suis sûr que quelque chose vous a échappé ! Ce n’est pas possible ! Une tête, ça ne disparaît pas comme ça…

— Je vous jure, kommissar…

— Vous mentez ! Je vois votre nez s’allonger… Attention, Commodore, il y va de la vôtre, de tête !

— Eh ben… Disons qu’il commençait à se faire tard… Les gars voulaient prendre leur bouillon d’onze heures… On a dû négliger certains coins improbables comme le cimetière, les latrines ou la décharge publique…

— Voilà, voilà, brailla Pollyt en passant au gris-violacé du pire effet, ça explique comment vous avez laissé filé cette maudite tête de pioche !

— Il faut que vous compreniez, Kommissar… Les soldats… C’est écrit en toutes lettres dans leurs statuts… Ils ont un droit imprescriptible au repos passé onze heures… Je n’ai pas le droit de prendre sur leur temps de sommeil…

— Dans un cas comme ça, le droit, on s’assoit dessus ! On prend même le gauche s’il le faut !

— … (silence gêné du Commodore Asch)

— Et le corps ? Il n’a quand même pas filé sans la tête ?

— C’est-à-dire que… Selon… les… ordres…

— DU TANDEM GOUVERNEMENTAL ! L’interrompit fermement Pollyt.

— C’est ce que j’allais dire… Eh bien le corps, on l’a menotté et on l’a enfermé dans un cachot de la Kommandantura… Deux précautions valent mieux qu’une…

— Il était gardé ?

— Oui, Kommissar !

— Et j’imagine que votre garde s’est endormi… Avouez !

— Il a dû avoir quelques moments d’abandon, je suppose. Car le lendemain matin, plus de corps non plus… Envolé, volatilisé, disparu dans une sorte de tour de passe-passe à la Davy Couperfeld !

— Ah, je m’en doutais ! Il fallait me le tuer deux fois, ce renégat ! Vous m’entendez ? Le zigouiller deux bonnes fois plutôt qu’une… s’énerva Pollyt.

— … (Silence gêné du Commodore Asch)

— Et qu’avez-vous fait depuis ? Avez-vous alerté vos supérieurs ? Ont-ils prévenu au-dessus, puis au-dessus, puis encore au-dessus ? Est-ce monté jusqu’au généralissime Capulco ?

— Non, kommissar… C’est une trop sale affaire… Ça peut nous causer bien du tort… Et comme je savais que vous deviez passer, j’ai attendu…

— Vous avez bien fait ! Et même très bien fait ! Approuva Pollyt. Et surtout que rien de tout cela ne filtre jamais… Et puis, tenez, il me vient une idée géniale… Vous faites préparer un cercueil de bois blanc et vous allez l’enterrer du côté de la décharge, là-bas vers le Schodt au fond du jardin, sur le coup des sept-huit heures avec force clairons, tambours et olifants. Toute votre troupe en grande tenue rendra les honneurs et vous enverrez les crieurs publics brailler partout que l’armée est en train d’enterrer cette canaille de petit Blanc. Et surtout, n’oubliez pas de mettre en perce un tonneau de votre meilleure churunga. Le petit peuple vous en sera reconnaissant et tout le monde rentrera chez lui persuadé que le dernier rebelle se trouve bien au fond du trou et entre quatre planches…

L’autre approuva, sans oser le moindre commentaire.

Pollyt se retira dans son bureau en commençant à virer à un vert de gris tacheté de marron plutôt inquiétant. Il sortit d’un tiroir un face à main tout piqué et se surprit à lui parler : « Bonjour, ma conscience pollytique », risqua-t-il en se mirant et en se demandant s’il ne couvait pas quelque chose.

— Bonjour, Trembleur, lui répondit sèchement le miroir. Au rapport !

Pollyt s’exécuta. Et le miroir conclut : « Ne cours donc pas après les fantômes ! Laisse-les venir à toi ! Et n’oublie jamais de les faire exécuter au moins deux fois ! Sinon, ils ressortent de leurs trous sous forme de morts-vivants et on n’en finit plus… »

— Mais, miroir, déjà que je ne suis pas le plus beau… Tu sais aussi que je ne suis pas le plus courageux. Je crains les esprits et j’ai une trouille bleue des Zombies…

— Pour vaincre le Blanc, tu devras triompher de ta peur…

— Je n’y arriverai jamais, soupira le Trembleur, blanc comme un linge lavé avec Erial.

— Préfères-tu que je raconte tout à Capulco ?

— Pitié, supplia Pollyt.

— Autre chose : méfie-toi des faux prophètes…

Comme il n’avait jamais rencontré le moindre prophète, il avait de la peine à s’en imaginer un faux.

— De quoi s’agit-il ? À quoi les reconnaîtrai-je ?

— Bof, ce sont gens qui parlent aux gens… Gens qui viennent de nulle part et qui repartent n’importe où… Les faibles d’esprit les respectent, les vénèrent et leur demandent de faire des prodiges… Les autres se moquent d’eux, leur flanquent des raclées ou leur balancent des seaux de sable à la figure… Un prophète, ça peut aussi prendre la forme d’un envoyé de Jédial ou d’un messager de l’au-delà qui peut prédire l’avenir…

— Les mages, les astrologues, les cartomanciens, les chiromanciens et les churungamanciens en font autant… Comment puis-je faire la différence entre un prophète et ces gens-là ?

— Le numérologue sait si bien compter qu’il additionne tous les nombres, le mage fabrique de la poudre de merlinmerlinlinlin, l’astrologue lit l’avenir dans les étoiles de mer, le cartomancien dans les cartes Igéhenne, le chiromancien dans les rides d’expression et le churungancien dans les théières bien frappées…

— Et le prophète, il lit quoi ?

— J’en sais rien. Les meilleurs sont capables de faire des miracles…

— C’est quoi, des miracles ?

— Des trucs pas normaux, qui sortent de l’ordinaire… comme recoller une tête coupée par exemple…

— Et faire marcher un corps sans tête, c’est un miracle aussi ?

— Sûrement ! Mais, ne te fais aucun souci, tous ceux que tu rencontreras seront aussi faux qu’un mauvais jeton. Tu n’auras qu’à te méfier, les traquer impitoyablement et les arrêter sans rougir ni trembler…

— J’ai compris.

— Rappelle-toi que le seul et unique prophète c’est notre bon Prince Justin Nietyès…

— Bien sûr, répondit Pollyt avec une apparente conviction.

— Attention, reprit le miroir, les faux prophètes seront cachés partout, dans les lieux les plus inattendus comme dans les endroits les plus familiers. Mais si tu restes vigilant et si tu préviens tes chefs dès que le moindre truc pas normal se produira, je suis sûr que tu réussiras…

Le miroir se ternit lentement et avec lui la conscience pollytique de Pollyt disparut. N’ayant plus rien à faire dans le coin, le kommissar ressortit de la Kommandantura arborant un magnifique teint vert pomme granny smith. Le Commodore et sa troupe cuvaient leurs libations. Il ne leur jeta pas un regard. Il marcha dans le sable de la rue sans trop savoir où se diriger. Il finit par tomber sur un camélidé qui avait l’air de particulièrement s’ennuyer. Sa couleur passe-muraille, c’est-à-dire d’un blanc pas très propre, lui plut tout de suite. Il ne trouverait pas mieux pour passer inaperçu. Il le déballa, vérifia l’étiquette de garantie et lut le mode d’emploi. Il fut immédiatement rassuré : l’animal possédait l’option caméléonnage. Son pelage pouvait virer au vert ou au bleu. Propriété utile dans la forêt équatoriale ou en bord de mer mais sans grand intérêt pour aller traverser un désert comme le Schodt au fond du jardin. Chez un brocanteur encore ouvert malgré l’heure tardive, il se procura une tunique en peau de zébu assortie à la robe de sa monture et se mit en route pour Gourtsk. Une cigale lui avait cricrité à l’oreille que ce village paumé était un vrai nid à faux prophètes. En chemin, il s’aperçut qu’il avait oublié de prendre un casque, une lance et un Poncho Sansa chevauchant un âne pour l’aider à combattre les moulins à paroles. À la réflexion, il se consola en pensant que ce n’était pas bien grave. Il y avait belle lurette que les anciens colons avaient démonté leurs éoliennes. À défaut de se la jouer Don Chochotte, il pourrait toujours se prendre pour Guillaume Pelle. Il devait bien avoir une vieille pomme d’api qui traînait dans les fontes de sa monture.

(À suivre)

L’ouvrage sera disponible le mois prochain…

Bonne lecture !

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